Bronislaw Geremek, figure légendaire de l'opposition anticommuniste, médiéviste et homme politique, est mort accidentellement dimanche en Pologne où sa disparition a suscité une immense émotion parmi ses amis mais aussi ses adversaires.

«C'est un grand regret», a déclaré le premier ministre polonais Donald Tusk, dans un communiqué publié juste après l'annonce de l'accident de route mortel. «La science et la politique polonaises ont perdu un grand homme. Beaucoup d'entre nous ont perdu un ami», a-t-il déploré.

Plusieurs dirigeants européens ont exprimé leur tristesse et leur admiration après ce décès accidentel.

Le président de la Commission européenne José Manuel Barroso a salué un «Européen d'une grandeur exceptionnelle» au «courage politique sans concessions», tandis que le président français Nicolas Sarkozy rendait hommage à une «grande figure de la construction européenne et de la réunification du continent».

«Nous perdons un homme politique droit et un ami qui s'est battu avec courage pour la liberté de son pays», a estimé de son côté le ministre allemand des Affaires étrangères Frank-Walter Steinmeier.

«Il était l'exemple-même de patriotisme polonais», a déclaré l'ancien archevêque de Gdansk (nord), Mgr Tadeusz Goclowski. «Il a joué un grand rôle dans la lutte pour la vie dans la liberté», a-t-il souligné.

«Je suis abattu. Pour moi, je le voyais toujours très jeune, tout en sachant qu'il était plus âgé que moi», a déclaré Bogdan Borusewicz, président du Sénat polonais et co-fondateur du syndicat Solidarité.

Il a souligné la vie intellectuelle, professionnelle et politique extrêmement active, menée jusqu'au bout par Bronislaw Geremek, historien spécialiste du Moyen-Age français, ancien opposant anti-communiste, ministre des Affaires étrangères de 1997 à 2000 et, depuis 2004, député au Parlement européen sur les listes d'un parti réformateur issu de Solidarité.

Ses adversaires politiques, anciens et actuels, lui ont rendu aussi un vibrant hommage.

«Je suis choqué. C'est une perte énorme, un grand malheur», a déclaré l'ancien président polonais Aleksander Kwasniewski, un ex-communiste converti à la social-démocratie.

Il avait rencontré Bronislaw Geremek notamment lors des négociations en 1989 sur la passation pacifique du pouvoir entre l'ancien régime communiste et l'opposition démocratique.

Selon M. Kwasniewski, «ce fut l'un des pères de la démocratie polonaise (...) un homme d'une culture historique énorme et d'un grand sens de l'humour». «Tout entretien avec lui était une aventure», a-t-il ajouté.

Le président polonais Lech Kaczynski qui, avec son frère jumeau Jaroslaw, comptait parmi les plus grands adversaires de Bronislaw Geremek, lui a rendu hommage. «C'est un instant très triste. J'en suis le plus profondément ému», a-t-il déclaré.

«C'était mon adversaire politique, mais en même temps (...) un des acteurs principaux de ce mois d'août (1980, lors des grandes grèves qui ont donné naissance au syndicat Solidarité), un homme politique éminent sans aucun doute, qui a une place de choix dans notre Histoire», a-t-il ajouté.

L'an dernier, les frères Kaczynski ont tenté en vain de priver Bronislaw Geremek de son mandat d'eurodéputé, sous prétexte qu'il avait omis de faire une déclaration sur ses éventuelles collaborations passées avec les services spéciaux communistes.

La Cour constitutionnelle de Pologne a donné raison à M. Geremek, selon qui une telle exigence violait ses droits civiques.

Son autre compagnon de lutte anti-communiste, Wladyslaw Frasyniuk, a regretté que la Pologne n'ait pas su «profiter des bons offices (de Bronislaw Geremek), qui ouvre les portes, calme les disputes, crée des bases de négociation pour les ministres, les Premiers ministres et les présidents».

Bronislaw Geremek est mort à l'âge de 76 ans dans un accident de la route, au volant de sa voiture qui a percuté une camionnette arrivant en sens inverse, dans l'ouest de la Pologne.