Le patron des Casques bleus, le Français Jean-Marie Guéhenno, qui termine son mandat à l'ONU, a mis en garde mardi contre la tentation de recourir à des mercenaires pour pacifier les régions en conflit comme celle du Darfour.

«La force que vous déployez dans une situation de post-conflit ou de quasi post-conflit... a un rôle politique,» a-t-il souligné lors de sa conférence de presse de départ.

M. Guéhenno, qui a passé huit ans à la tête du département du maintien de la paix des Nations unies, achève son mandat et sera remplacé par un autre français, le diplomate Alain Le Roy.

«C'est un signe de l'engagement de la communauté internationale, et l'idée que vous allez rétablir la confiance entre les parties qui s'opposent juste avec quelques mercenaires, je pense que nous avons vu encore et encore que cela ne marchait pas,» a-t-il relevé.

«Quand vous avez un défi systémique comme la guerre au Darfour, cela demande plus que quelques mercenaires, même très bien équipés et très bien entraînés,» a ajouté M. Guéhenno.

Le patron des Casques bleus répondait à une question au sujet d'un éditorial du Wall Street Journal, mardi, intitulé «Des mercenaires pour le Darfour».

L'éditorial du quotidien américain citait Erik Prince, co-fondateur de Blackwater Worldwide, la société privée de sécurité la plus puissante au monde, affirmant qu'avec «quelque 250 professionnels», sa société basée en Caroline du Nord pourrait transformer «le millier environ de soldats de l'Union africaine en (soldats) d'élite et en force hautement mobile.»

Cette force serait «équipée d'hélicoptères et de type d'avions utilisés par les missionnaires» en Afrique et «reviendrait moins chère que les centaines de millions (de dollars) que nous dépensons pour former» la force conjointe ONU-Union africaine qui tente actuellement de rétablir la paix au Darfour, poursuivait M. Prince dans le quotidien.

«Blackwater ne combattrait pas. Ses personnels serviraient de conseillers, de mécaniciens et de pilotes. Les humanitaires et les villageois seraient équipés de téléphones satellitaires incluant des GPS. Quand ils appeleraient, les troupes répondraient», ajoutait M. Prince.

Le conflit au Darfour, où s'affrontent forces gouvernementales appuyées par des milices arabes et mouvements rebelles, a fait jusqu'à 300 000 morts, selon l'ONU, quelque 10 000 selon Khartoum.

M. Guéhenno a également commenté le concept controversé de «responsabilité de protéger», notion adoptée par les Nations unies en 2005, qui consiste à pouvoir intervenir directement si un État a failli à protéger sa population de crimes contre l'humanité, de génocide ou de nettoyage ethnique.

«Je pense que l'on ne doit pas être trop naïf à ce sujet, et qu'il y a un risque de réaction hostile», a-t-il averti.

«Des réactions hostiles, pas seulement de la part de dictateurs qui veulent se cacher derrière la souveraineté (...) mais aussi de gens qui, autrement, embrasseraient les valeurs des droits de l'Homme» mais pourraient parfois craindre que ce concept «puisse être utilisé par les riches et puissants contre les pauvres et faibles».