Plusieurs dizaines de milliers de manifestants se sont rassemblés mardi soir à Rome pour protester contre les réformes de la justice voulues par le chef du gouvernement Silvio Berlusconi qu'ils accusent de chercher «l'impunité» face aux juges, a constaté une journaliste de l'AFP.

Quelque 15 000 personnes selon la police, 50 000 d'après les organisateurs, ont participé à cette manifestation.

Le petit parti de l'Italie des valeurs de l'ancien juge anti-corruption Antonio di Pietro, les mouvements citoyens des «girontondi» et des intellectuels avaient appelé à la tenue de cette manifestation pour dénoncer «l'utilisation de la justice à des fins personnelles» par Berlusconi.

Dans la ligne de mire des manifestants, un projet de loi sur l'immunité pénale des quatre plus hautes charges de l'État, dont le chef du gouvernement, et une mesure suspendant des dizaines de milliers de procès pour donner la priorité aux affaires passibles de plus de 10 ans de prison.

Parmi les procès concernés par la suspension figure celui en cours à Milan contre M. Berlusconi et son ex-avocat britannique David Mills auquel il est accusé d'avoir versé 600 000 dollars en échange de faux témoignages en sa faveur à la fin des années 90.

Ce texte, actuellement en discussion à la Chambre, doit être soumis jeudi à 19h00 au vote des députés.

«Comme dans la mafia, Berlusconi dicte à ses hommes au parlement ce qu'ils doivent faire», a lancé depuis la tribune Antonio di Pietro.

«Le gouvernement veut infliger un KO à la Constitution. Il veut l'impunité totale pour les criminels en tout genre afin de sauver les criminels qui sont au gouvernement et leurs amis», a dénoncé le philosophe Paolo Flores D'Arcais, qui dirige la revue Micromega, devant une place Navone noire de monde.

«Nous sommes là pour être entendus. Cela fait deux mois que Berlusconi est au pouvoir et il n'a fait que des réformes profitant à lui seul», a estimé une manifestante, Sabina Galizia, 39 ans.

«Il faut une opposition forte, tenace, vraie contre un gouvernement qui fait des choix dangereux pour la démocratie», a lancé Rita Borsellino, la soeur du juge anti-mafia Paolo Borsellino, assassiné en 1992.

Plusieurs personnalités ont pris la parole, dont le comique anti-partis Beppe Grillo qui s'exprimait par liaison audio et l'écrivain Andrea Camilleri.

Le Parti démocrate (opposition, centre-gauche) de Walter Veltroni n'a pas appelé à manifester, mais plusieurs de ses représentants ont participé à la manifestation.

Les magistrats italiens ont vivement critiqué dimanche les réformes souhaitées par le chef du gouvernement et dénoncé les réductions budgétaires prévues pour le ministère de la Justice pour 2009, évoquant «la destruction du système judiciaire».

L'avocat de M. Berlusconi, Niccolo Ghedini, a récemment justifié les réformes en cours en affirmant que son client n'a «pas d'autre choix car il est contraint de gouverner sous les attaques constantes des juges».

La semaine dernière, M. Berlusconi, dont les relations avec la justice de son pays sont notoirement mauvaises, avait critiqué «les juges et les procureurs politisés» les qualifiant de «métastase de la démocratie».