Le procès pour corruption du premier ministre renversé et milliardaire thaïlandais Thaksin Shinawatra, accusé d'avoir influencé une transaction immobilière au profit de son épouse, a débuté mardi devant la Cour suprême de Thaïlande.

M. Thaksin, homme d'affaires de 58 ans, et son épouse Pojaman Shinawatra, sont formellement accusés de plusieurs violations des lois anticorruption.

Mme Pojaman est accusée d'avoir acheté en 2003 un terrain de cinq hectares à Bangkok pour l'équivalent de 23 millions de dollars à un Fonds d'investissement dépendant de la Banque centrale de Thaïlande alors que la propriété avait été estimée à trois fois ce prix, selon l'acte d'accusation.

M. Thaksin, qui était premier ministre à l'époque, est accusé d'avoir influencé la transaction.

Absents tous deux de l'audience mardi matin, les deux époux risquent jusqu'à 13 ans de prison chacun et/ou des amendes. A l'issue d'un procès qui devrait durer deux mois, le verdict, prononcé par la Cour suprême, n'est pas susceptible d'appel.

«Nous sommes confiants dans le fait que nos preuves suffiront à montrer que Thaksin et son épouse ne sont pas coupables», a indiqué à l'AFP leur avocat Anek Khamchum.

M. Thaksin, qui possède depuis l'été dernier le club de football de Manchester City (1re div. anglaise), avait plaidé non coupable en mars devant la Cour suprême au cours d'une audience durant laquelle un juge lui avait lu les accusations retenues contre lui.

M. Thaksin a été au pouvoir de 2001 à 2006 avant d'être renversé par des généraux royalistes qui ont laissé la place en février à un gouvernement élu, dominé par des alliés de l'ex-premier ministre.

L'audience de mardi a débuté par l'appel du premier témoin, l'ancien premier ministre Banharn Silpa-archa. Un autre prédécesseur de M. Thaksin, Chuan Leekpai, était également présent et pourrait témoigner plus tard.

En mai 2007, alors qu'il était en exil, M. Thaksin a été interdit d'activités politiques pour une période de cinq ans par un tribunal mis en place par les généraux putschistes.

Par ailleurs, les autorités précédentes ont ordonné le gel des avoirs de la famille de M. Thaksin, estimés à près de deux milliards de dollars, dans l'attente de résultats d'enquêtes sur la vente controversée en 2006 de l'empire des télécommunications Shin Corp fondé par l'ancien premier ministre.

Dans le même temps, la justice va également examiner d'autres affaires concernant l'épouse de Thaksin et certains de ses alliés, dont l'ancien président du Parlement Yongyut Tiyapairat et plusieurs ministres.

La Cour suprême devait également mardi se prononcer sur des accusations de fraudes électorales engagées contre Yongyut Tiyapairat. L'affaire pourrait impliquer le parti au pouvoir et entraîner de nouvelles élections.

Ce procès intervient dans un climat de tension politique. Fin juin, des manifestations à l'appel de l'Alliance du Peuple pour la Démocratie (PAD), ont réclamé la démission du premier ministre Samak Sundaravej.

Les manifestants accusaient le premier ministre de n'être que l'instrument de M. Thaksin, chassé du pouvoir par un coup d'État des royalistes en 2006.

L'Alliance regroupe des élites légitimistes de Bangkok n'ayant qu'un point commun: leur haine de M. Thaksin, qui reste populaire malgré son éviction du pouvoir, en particulier parmi les paysans du nord du pays.

«Je crains que la crise politique persiste indépendamment des décisions judiciaires», a estimé Thitinan Pongsudhirak, professeur à l'université Chulalongkorn de Bangkok.