L'heure de vérité est venue pour l'Église anglicane et ses 77 millions de fidèles. La conférence de Lambeth, qui réunit les évêques anglicans tous les 10 ans, s'ouvre aujourd'hui à Londres sur fond de crise. Confronté au boycottage de 230 évêques traditionalistes, l'archevêque de Canterbury, le chef spirituel, tentera de réconcilier ses ecclésiastiques, déchirés sur la question de l'ordination des femmes et, surtout, des homosexuels.

Même si l'homosexualité ne sera pas au programme du sommet, l'absence du quart des évêques de la communion mondiale est lourde de sens.

Le malaise est d'autant plus grand que Gene Robinson, le premier pasteur ouvertement homosexuel à avoir été consacré évêque, est en tournée à Londres cette semaine. Banni de la conférence de Lambeth, l'Américain a été traité d'«hérétique» par un fidèle dimanche lors d'un sermon dans une église dans le sud de Londres.

L'Église d'Angleterre, l'Église mère de la communauté anglicane, a ajouté de l'huile sur le feu le 7 juillet dernier en approuvant l'ordination des femmes évêques, rejoignant ainsi les branches libérales américaine et canadienne. Onze de ses évêques avaient menacé de changer de confession.

Les ennuis de Rowan Williams, archevêque de Canterbury depuis 2002, ne s'arrêtent pas là. Son autorité a été ébranlée fin juin par une rébellion de 300 évêques conservateurs qui l'ont indirectement accusé d'encourager le «révisionnisme» et les «fausses interprétations» de l'Évangile.

Deux églises, une communion?

Au terme de sa conférence dissidente à Jérusalem, le nouveau mouvement s'est décrit comme une «Église dans une Église». Ses membres ont signé une déclaration niant que «l'identité anglicane soit nécessairement déterminée par l'archevêque de Canterbury.»

Surtout originaires d'Afrique, ils lui reprochent d'avoir toléré l'ordination de Gene Robinson en 2003. L'homme de 58 ans aux sourcils ébouriffés a d'ailleurs invité à Lambeth des sympathisants de l'évêque du New Hampshire.

Le mariage symbolique entre deux pasteurs dans une église de Londres à la fin de mai n'a pas aidé la cause du chef de l'Église anglicane.

Le schisme de la communion, elle-même née de la rupture entre le roi Henri VIII et l'Église catholique au XVIe siècle, est inévitable selon l'évêque de Fulham, John Broadhurst.

«La position des Églises d'Angleterre, du Canada et des États-Unis est inconciliable avec celle des anglicans africains, dit le conservateur en entrevue téléphonique. C'est pourtant dans cette région sous-développée que notre religion progresse le plus. «

Une question de temps

Lui-même opposé aux évêques homosexuels et de sexe féminin, il se dit poussé vers la sortie par les décisions de plus en plus libérales de son Église.

«Pourquoi ignore-t-elle soudainement nos principes et ce que Jésus a dit il y a 2000 ans? Désolé, mais le christianisme ne s'improvise pas», dit-il à La Presse.

Le pasteur modéré Martyn Percy minimise de son côté le conflit entre traditionalistes et progressistes.

«C'est une question de modernité, dit-il. Controversé il y a encore 50 ans, le divorce ne fait plus sourciller les anglicans. Le même scénario se répétera pour l'ordination des femmes et des homosexuels. «L'Église anglicane est victime de sa mondialisation, croit le théologien John Milbank. Ce n'est pas le moment pour l'archevêque de Canterbury de se prendre pour un martyr. Il devra exercer plus d'autorité s'il veut sauver la communion», dit le professeur de l'Université de Nottingham.