Du jamais vu: avant même d'avoir reçu officiellement l'investiture de son parti, un prétendant à la Maison-Blanche quitte les États-Unis pour effectuer une tournée internationale ambitieuse, voire dangereuse, qui commandera l'attention des médias américains, y compris les grandes chaînes de télévision, dont les chefs d'antenne le suivront.

Le prétendant s'appelle Barack Obama et un autre chapitre de sa campagne historique s'est ouvert vendredi soir: après un bref arrêt au Koweït, où il a rencontré des militaires américains, le candidat a atterri à Kaboul, capitale d'un pays où la situation s'est détériorée au cours des derniers mois. Plus tard, il sera à Bagdad, capitale d'un autre pays en guerre, où il doit rencontrer le général David Petraeus, commandant des forces américaines en Irak, et le premier ministre de ce pays, Nouri al-Maliki.

«J'ai hâte de voir quelle est la situation sur le terrain», a-t-il déclaré à des journalistes avant de s'envoler pour le Moyen-Orient. «Je veux, bien évidemment, parler aux officiers et me faire une idée, à la fois en Afghanistan et à Bagdad, de ce que sont leurs principales préoccupations. Et je veux remercier nos soldats pour le travail héroïque qu'ils accomplissent.»

Cinq autres pays s'ajouteront à son itinéraire au cours de la semaine: Jordanie, Israël, Allemagne, France et Grande-Bretagne. En plus de rencontrer les dirigeants de ces pays, le sénateur de l'Illinois entend prononcer à Berlin un discours en plein air devant plus de 100000 personnes.

Comment s'en sortira-t-il? Comme tous les politiciens américains en visite en Afghanistan ou en Irak, Barack Obama risque sa peau ce week-end. Mais son voyage est également sa première audition sur la scène internationale. Pour le moment, les sondages indiquent que les Américains font beaucoup plus confiance à John McCain qu'au sénateur de l'Illinois pour les affaires étrangères et militaires. Pour leur faire changer d'idée, Barack Obama et son équipe ont conçu cette tournée périlleuse.

Voyage hypermédiatisé

Le sénateur démocrate ne sera pas le premier prétendant présidentiel à effectuer un voyage à l'étranger. John McCain en a fait trois depuis qu'il a revendiqué l'investiture républicaine. Il a d'abord visité Israël, la France et la Grande-Bretagne, puis la Colombie et le Mexique, et enfin le Canada. Mais les médias américains n'en ont presque rien dit.

En revanche, les chefs d'antenne de NBC, ABC et CBS, entre autres chaînes, présenteront cette semaine des journaux télévisés en direct de pays visités par Barack Obama. Celui-ci a promis aux Brian William, Charles Gibson et Katie Couric des entrevues «exclusives». Chacun d'eux aura son soir avec le sénateur.

L'hypermédiatisation de son voyage obligera Barack Obama à effectuer un parcours parfait. Le camp McCain accuse déjà le sénateur de l'Illinois d'avoir transformé la tournée en «coup» électoral. L'ironie veut que John McCain ait joué un rôle majeur dans l'organisation de l'événement. Comment? En mettant au défi son adversaire d'aller en Irak pour constater sur place l'amélioration de la situation dans ce pays.

Merkel sceptique

D'autres ont également déjà reproché à Barack Obama de se prendre pour le président des États-Unis. Son équipe a apporté de l'eau à leur moulin en évoquant la possibilité d'une allocution devant la porte de Brandebourg, à Berlin, site d'un discours célèbre de Ronald Reagan en 1987 («Monsieur Gorbatchev, abattez ce Mur!»).

Par la voix de son porte-parole, la chancelière allemande Angela Merkel s'est déclarée très sceptique quant à l'utilisation de la porte de Brandebourg, symbole de la réunification de son pays: «Aucun candidat allemand à un poste de responsabilité ne songerait à utiliser le National Mall (vaste esplanade au coeur de Washington) ou la Place Rouge à Moscou pour une manifestation politique, parce que cela serait déplacé.»

En fin de compte, le discours de Barack Obama devrait avoir pour toile de fond la Colonne de la Victoire, un monument célébrant les succès militaires de la Prusse. L'équipe du candidat entend y réunir 100000 personnes jeudi. Si l'Obamamanie s'est refroidie aux États-Unis, elle pourrait, en revanche, atteindre un nouveau sommet en Europe, où Barack Obama est vu par plusieurs comme un JFK noir (en Allemagne, le magazine Der Spiegel est allé jusqu'à faire sa une sur «le Messie»).

Cette Obamamanie européenne pourrait-elle nuire au prétendant démocrate aux États-Unis? En 2004, les républicains ont accusé John Kerry d'avoir «l'air Français». Quatre ans plus tard, les sondages indiquent que les Américains considèrent leur mauvaise image à l'étranger comme un problème majeur.

Place donc à l'audition internationale de Barack Obama.

Agence France-PresseLe plan d'Obama soutenu par MalikiLe premier ministre irakien Nouri al-Maliki a dit dans un magazine allemand soutenir le plan du candidat démocrate Barack Obama de retirer les troupes de combat américaines d'Irak dans les 16 mois s'il est élu à la Maison-Blanche.

«Nous trouvons que ce serait le bon délai pour le retrait, sous réserve de possibilité de petits changements», a-t-il indiqué à l'hebdomadaire Der Spiegel à paraître demain.

Les forces américaines devraient quitter le pays «aussi vite que possible», a-t-il ajouté.

Les propos de M. Maliki ne sont pas de nature à faire plaisir à l'administration Bush. Celle-ci a indiqué avoir demandé des clarifications au gouvernement irakien. George W. Bush s'est toujours fermement opposé à une date précise ou à un calendrier de retrait.