Plus de huit millions de Cambodgiens sont appelés à participer dimanche à des élections législatives marquées par des tensions avec la Thaïlande voisine et qui devraient aboutir à une nouvelle victoire sans surprise du premier ministre Hun Sen, au pouvoir depuis 23 ans.

La campagne électorale a été beaucoup moins violente que lors des scrutins précédents, s'accordent à dire les analystes.

Mais les enjeux ont été quelque peu éclipsés par une brusque crise frontalière avec le gouvernement de Bangkok dans une zone contestée près du temple de Preah Vihear (nord du Cambodge), entré ce mois-ci au patrimoine mondial de l'Unesco et autour duquel des milliers de soldats thaïlandais et cambodgiens ont été mobilisés.

«Les gens sont plus préoccupés par la question frontalière (avec la Thaïlande) que par les élections», estime Hang Puthea, qui dirige le Nicfec, un groupe d'observateurs électoraux.

Le Parti du peuple cambodgien (PPC) de Hun Sen, qui dispose d'une organisation efficace jusqu'aux villages les plus reculés du royaume, contrôlait 73 des 123 sièges dans l'Assemblée sortante et a déclaré espérer remporter au moins dix sièges supplémentaires dimanche, ce qui lui assurerait une majorité des deux tiers.

Le gouvernement contrôle la plupart des médias audiovisuels et la Commission électorale a indiqué samedi que des directives censées assurer un temps de parole équitable entre partis politiques avaient échoué.

«Les organes de diffusion n'ont pas respecté notre politique et ont produit des informations déséquilibrées», a déclaré Tep Nytha, secrétaire général de la Commission.

Em Sophat, autre responsable de la Commission, s'est toutefois félicité de la réduction drastique du nombre de dépôts de plainte pendant la campagne (330 contre 1.009 aux précédentes législatives de 2003).

Human Rights Watch, organisation basée à New York, a pour sa part dénoncé --outre la partialité des chaînes de radio et télévision-- des «menaces» et des «actes d'intimidation» contre des membres de l'opposition pour obtenir leur ralliement.

Hun Sen, 55 ans, est premier ministre du Cambodge depuis 1985. Ancien Khmer rouge, il s'était retourné contre le mouvement d'inspiration maoïste, chassé du pouvoir en 1979 par des troupes vietnamiennes après un génocide ayant fait près de deux millions de morts.

Le PPC avait été installé au pouvoir par les Vietnamiens mais a depuis totalement abandonné l'idéologie communiste pour épouser l'économie de marché et le libéralisme.

Homme fort du Cambodge ayant rétabli Phnom Penh dans ses prérogatives internationales après deux décennies de guerre, Hun Sen a habilement tiré profit, sur la scène politique intérieure, des divisions chez les royalistes du Funcinpec avec qui il a partagé le pouvoir et qui risquent d'être laminés aux législatives de dimanche, selon des analystes.

La principale formation d'opposition --le Parti Sam Rainsy (PSR) de l'ancien ministre des Finances du même nom-- devrait arriver en seconde position, mais loin derrière le PPC, et réaliser des scores honorables, en particulier à Phnom Penh, la capitale, ajoutent ces experts.

Pendant la campagne électorale, Sam Rainsy, 59 ans, n'a cessé de dénoncer la «tyrannie» de Hun Sen, «la corruption» qui continue de miner la société et «les sommets» atteints par l'inflation.

Le Cambodge reste l'un des pays les plus pauvres d'Asie et du monde. Quelque 35% des 14 millions d'habitants vivent avec moins de 32 centimes d'euro par jour.

Mais le royaume, appuyé par la communauté internationale depuis la fin de la guerre civile, connaît un développement économique rapide, avec une croissance supérieure à 10% ces trois dernières années, ce qui constitue le principal atout de Hun Sen.