Un juge fédéral a décidé jeudi à Washington que le procès de l'ancien chauffeur de ben Laden, Salim Hamdan, le premier à Guantanamo (Cuba), s'ouvrirait bien comme prévu lundi sur la base navale devant un tribunal d'exception.

«Le recours en suspension du procès de Salim Hamdan est rejeté», a déclaré le juge James Robertson, après plus de deux heures de plaidoiries des deux parties: le gouvernement soucieux que ce premier procès à Guantanamo ait enfin lieu, et la défense qui avait introduit le recours.

Pour la défense en effet, la commission militaire d'exception constituée en tribunal ne peut conduire qu'un procès «injuste».

Dans une décision très brève, le juge Robertson a estimé que ce n'était pas à lui d'empêcher le procès avant que celui-ci ait lieu, mais que la défense aurait le loisir de faire appel d'une éventuelle condamnation devant la cour d'appel fédérale de Washington, la justice civile.

«Nous interjetterons appel», après un procès qui devrait «durer au moins deux semaines», a déclaré à l'AFP un des avocats de Salim Hamdan, Joseph Mac Millan juste après le rendu de la décision.

Il s'est dit «déçu» d'avoir perdu, alors que «nous sommes convaincus que M. Hamdan ne devrait pas comparaître».

Un des arguments longuement défendu par la défense pendant l'audience a été que les charges pesant contre l'accusé résultaient de «preuves» obtenues sous la contrainte.

«Il y a quatre jours, le gouvernement a révélé des documents qui prouvent que M. Hamdan a été soumis à des privations de sommeil du 11 juin 2003 au 30 juillet 2003, soit 50 jours où son sommeil a été interrompu toutes les heures», avait expliqué à la barre M. Mac Millan.

«Cette cour doit examiner la légalité pure» de ces preuves, avait-il ajouté.

Autre argument phare des avocats de l'ancien chauffeur et garde du corps de Oussama ben Laden, poursuivi pour «complot» et «soutien matériel au terrorisme»: la «constitutionnalité», la «légalité» d'une commission militaire constituée en tribunal d'exception, une première depuis la Deuxième guerre mondiale.

«Injuste», «malhonnête», a ainsi scandé Neal Katyal, un autre conseil de M. Hamdan jeudi, alors que la Cour suprême a affirmé le 12 juin que les détenus de Guantanamo bénéficiaient de droits constitutionnels et qu'ils pouvaient saisir la justice civile.

A l'inverse, les avocats de l'administration Bush ont plaidé en faveur de «l'intérêt public». Depuis fin 2001 que la prison a ouvert ses portes aux détenus de la «guerre contre le terrorisme», le gouvernement Bush a été internationalement critiqué pour garder enfermés des centaines d'hommes, appelés «combattants ennemis», sans les juger.

De fait, sur quelque 260 détenus aujourd'hui à Guantanamo, seuls une vingtaine ont été inculpés et en tout, les autorités ne comptent organiser de procès que pour entre 60 à 80 d'entre eux.

Au vu des charges pesant sur Salim Hamdan, enfermé depuis plus de six ans à Guantanamo, le plus souvent à l'isolement total, et qui encourt la prison à vie, les avocats du gouvernement estiment que «le public a grand intérêt à voir de telles personnes répondre devant la justice le plus rapidement possible».

«Imaginez le désastre si le jugement rendu contre des hommes accusés de crimes très graves était cassé par la suite», par une cour d'appel ou même par la Cour suprême, qui avait déjà invalidé les tribunaux militaires en 2006, avant que ceux-ci ne soient réinstaurés par le Congrès, leur a répondu jeudi Neal Katyal.