Les explications officielles de Bogota sur la libération surprise d'Ingrid Betancourt et des autres otages, ainsi que les démentis ce week-end sur le versement d'une rançon, n'ont pas pas levé toutes les zones d'ombres sur l'opération et le rôle joué par la France.

La Radio suisse romande (RSR) a affirmé que des membres des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc) avaient touché quelque 20 millions de dollars pour libérer les otages, dont Ingrid Betancourt. Bogota a fermement démenti.

«Il n'est pas exclu qu'il y ait eu un accord avec des membres des Farc qui auraient négocié en secret leur reddition mais rien ne le prouve. La thèse officielle selon laquelle Bogota a tout simplement berné les guérilleros sans aucune contrepartie est très plausible», assure à l'AFP Fabrice Delloye, l'ex-mari d'Ingrid Betancourt.

«Les Colombiens nous avaient prévenus il y a quatre mois qu'ils étaient en train d'infiltrer un front des Farc», ajoute-t-il.

«Nous savions que les Colombiens tentaient d'infiltrer les guérilleros et qu'ils travaillaient sur Cesar», le commandant de la guérilla qui détenait Ingrid Betancourt, confirment des sources françaises proches du dossier. Sa femme avait été arrêtée en février.

Cesar et son second ont été arrêtés lors de l'opération de sauvetage des otages. Selon la presse colombienne, ils devraient être extradés vers les États-Unis «pour y être jugés».

«S'ils ont négocié leur sortie, ils ne resteront pas longtemps en prison», relève une source proche du dossier.

M. Uribe avait appelé à plusieurs reprises ces derniers mois les guérilleros à libérer leurs otages, assurant que le gouvernement était «disposé à ce que le guérillero, aussitôt après la libération, soit mis à bord d'un avion pour gagner un autre pays», évoquant alors la France.

Ingrid Betancourt s'est dite samedi persuadée que le commandant Enrique n'avait pas été acheté.

Paris a affirmé n'avoir été informé de l'opération qu'après la libération des otages et n'avoir versé aucune rançon.

A son arrivée en France vendredi, Ingrid Betancourt a déclaré que le gouvernement colombien avait «mis au point une stratégie différente» de l'intervention armée qu'il avait un temps privilégiée. Cette nouvelle stratégie a été «le fruit d'une réflexion commune entre Français et Colombiens», a-t-elle ajouté, sans plus de précision.

Une mission des émissaires chargés par la France, la Suisse et l'Espagne d'une médiation avec les Farc en faveur des otages, se trouvait dans le sud du pays peu avant l'opération, selon l'un d'eux, le Français Noël Saez.

Le ministre colombien de la Défense Juan Manuel Santos a parlé d'une «heureuse coïncidence». «Cela a permis que les membres des Farc qui retenaient les otages ne s'étonnent pas de l'opération que nous avions montée», a-t-il expliqué au journal Le Figaro de lundi.

La France a surtout accentué la pression internationale «afin que le caillou devienne trop lourd» pour le président colombien Alvaro Uribe, assure-t-on dans l'entourage de M. Sarkozy.

M. Santos a démenti toute participation étrangère à l'opération bien qu'il ait reconnu que les États-Unis en aient été informés préalablement, prêtant en outre un avion espion. La radio militaire israélienne a affirmé pour sa part que deux conseillers israéliens avaient participé aux préparatifs de l'opération.