C'est ce matin dans un paysage bucolique du nord du Japon que débute la rencontre de trois jours des dirigeants des pays industrialisés du G8 avec pour toile de fond le choc pétrolier, l'inflation alimentaire et la crise mondiale du crédit.

Le club des grandes puissances n'a rien en somme pour pavoiser un an après le sommet allemand de Heiligendamm où tout le monde se félicitait de la «bonne condition» de l'économie mondiale.

Depuis, le prix du pétrole a doublé, celui des aliments est monté en flèche, la récession menace et le système financier mondial a traversé une crise aiguë.

La présidence japonaise du sommet voulait faire de cette rencontre celle du réchauffement climatique et du développement de l'Afrique. Elle y parviendra en partie mais le premier ministre japonais, Yasuo Fukuda, a reconnu lui-même que les huit et leurs invités (14 autres pays) ne pourront faire autrement que de se pencher sérieusement sur la flambée du prix du pétrole et le coût croissant de l'alimentation, des questions qui risquent de dégénérer en véritable crise si rien n'est fait.

M. Fukuda l'a signalé dans son énoncé préparatoire au sommet, «l'actuelle augmentation des prix des denrées alimentaires résulte de causes nouvelles, inconnues des crises précédentes : du lien avec la hausse du prix du pétrole, du changement climatique, de l'influence des marchés financiers et de l'énergie».

Il est ainsi déjà assuré dès cette première journée que les chefs d'État et de gouvernement membres du G8 vont s'engager dans leur communiqué final mercredi à combattre la flambée des prix alimentaires qui menace de faim 290 millions de personnes de plus dans le monde. Bien sûr, les changements climatiques sont une des causes de cette crise, affirme le président Fukuda, mais il faudra aussi, selon lui, se pencher sur la dangereuse augmentation de la conversion de denrées utilisées pour un usage énergétique.

Parmi les solutions qui seront discutées ici, les huit plus grandes puissances économiques mondiales songent à appeler les gouvernements à mettre sur le marché les stocks et réserves de nourriture disponibles ; elles songent à demander aux pays exportateurs à lever les restrictions à l'exportation et à prendre des moyens pour améliorer la production agricole dans les pays émergents. Le G8 envisage également la possibilité de mettre sur pied un groupe de travail et de faire des efforts pour aider à la commercialisation de biocarburants de nouvelle génération fabriqués à partir de produits non alimentaires.

Le lien entre la crise alimentaire et la hausse du prix du brut est ainsi on ne peut plus évident. Encore la semaine dernière, le président de la Banque mondiale, Robert Zoellick, suppliait le G8 à agir pour contrer la hausse du brut et des denrées alimentaires.

Il y a aussi la question de l'Afrique qui fera du bruit. Lors du sommet de Gleneagles en 2005, les participants s'étaient engagés à procurer à l'Afrique une aide directe supplémentaire au développement de 25 milliards US en 2010, sans compter une promesse de 62 milliards US faite l'année dernière pour permettre l'accès universel aux traitements contre le sida et la malaria. Le G8 a même promis de doubler l'engagement de Gleneagles à 50 milliards US. Mais les pays africains reprochent au groupe des retards considérables dans ce financement.

Or, selon ce qu'a déclaré hier le président américain George W. Bush ainsi que le premier ministre japonais Yusuo Fukuda, les chefs d'État et de gouvernement n'ont pas l'intention de revenir sur leur promesse même si des rapports de presse ont avancé cette hypothèse. Le Japon aimerait qu'une date butoir soit fixée pour le versement des montants promis. Le premier ministre canadien, Stephen Harper, s'oppose pour sa part à cette mesure qu'il considère trop contraignante.

Quoi qu'il en soit, cette première journée du G8 est justement consacrée à une séance de travail avec plusieurs pays africains invités : l'Afrique du Sud, l'Algérie, l'Éthiopie, le Ghana, le Nigeria, le Sénégal, la Tanzanie, sans compter l'Union africaine, l'ONU et la Banque mondiale. Le G8 serait malvenu de retirer ses billes après avoir lancé une telle invitation.

Demain, les membres du G8 se réunissent seuls alors que mercredi ils inviteront le Brésil, la Corée du Sud, la Chine, l'Inde, le Mexique et l'Afrique du Sud pour discuter de réchauffement climatique avant de terminer la journée par une séance de travail des 16 «grandes économies mondiales» (aux précédents se joindront l'Australie et l'Indonésie plus l'ONU, la Banque mondiale et l'Agence internationale de l'énergie).

On le voit, le G8 n'est plus tout à fait le G8. La montée des économies de pays comme la Chine, le Brésil et l'Inde a, par la force des choses, forcé ce club sélect à sortir de son moule d'origine désormais vétuste.