Il y a sept ans qu'elle n'y avait pas mis les pieds. À peine libérée de sa longue captivité en Colombie, Ingrid Betancourt a poussé un soupir de soulagement hier après-midi, tandis que la France et son président lui réservaient un accueil triomphal.

«Je rêve depuis sept ans de vivre ce moment, a-t-elle déclaré sur le tarmac de l'aéroport militaire de Villacoublay, près de Paris. C'est un moment très, très émouvant pour moi: respirer l'air de la France. Je vous dois tout.»

Tout sourire sous un soleil radieux, l'ex-otage est descendue seule de l'Airbus présidentiel, mis à sa disposition par Nicolas Sarkozy. Au pied de la passerelle, elle a donné une longue accolade au président et à sa femme, Carla Bruni. Ils ont ensuite été rejoints par Mélanie et Lorenzo, ses deux enfants, son ex-mari Fabrice Delloye, sa soeur Astrid, et le ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner.

«On attendait ça depuis longtemps, a déclaré Nicolas Sarkozy. C'est un message d'espoir. Ça veut dire à tous ceux qui souffrent dans le monde que rien n'est perdu. Bienvenue, la France vous aime.»

Lors d'une réception à l'Élysée, à laquelle des groupes de soutien à Ingrid Betancourt étaient conviés, elle a évoqué de douloureux souvenirs de son enlèvement et des six années passées dans la jungle aux mains des Forces armées révolutionnaires de la Colombie (FARC).

«La force, je l'ai trouvée dans la prière. Dieu a été un recours, a-t-elle confié. L'éducation de mon père et ma mère m'a aussi permis de maintenir la tête haute dans les moments difficiles.»

Mais déjà, elle pense à l'avenir. Dès ce matin, elle se rendra à l'hôpital militaire Val-de-Grâce, où les médecins évalueront les conséquences de six années de captivité. Elle entend aussi visiter le pape Benoît XVI la semaine prochaine.

«Je veux changer le monde», a-t-elle déclaré, demandant l'aide du président Sarkozy pour libérer les quelque 750 otages toujours détenus en Colombie.

Même si elle dit vouloir se consacrer à sa famille, des analystes lui prédisent déjà un retour en politique. Elle a d'ailleurs donné un appui sans réserve au président colombien Alvaro Uribe, alimentant les rumeurs selon lesquelles elle pourrait rejoindre son gouvernement.

«Le meilleur scénario serait le ministère des Affaires étrangères, a indiqué à l'AFP le politologue Fernando Cano. Quoi de mieux pour le gouvernement Uribe que de pouvoir compter sur cette femme symbole de l'enlèvement en Colombie et à la réputation internationale?»

Une rançon?

Pendant ce temps, une information diffusée par la Radio suisse romande a semé le doute sur la spectaculaire opération orchestrée pour libérer Ingrid Betancourt et les 14 otages qui l'accompagnaient dans un campement rebelle. La radio publique affirme que les FARC auraient en fait touché 20 millions pour les relâcher. «Après quoi toute l'opération a été mise en scène», a-t-elle clamé, citant une «source proche des événements».

La nouvelle a immédiatement été démentie par le général Freddy Padilla, commandant des forces armées colombiennes. Quant à la principale intéressée, elle en doute fort. «Avec ce que j'ai vu pendant l'opération - et franchement, honnêtement, je ne pense pas que l'on puisse me duper facilement - je ne pense pas que ce que j'ai vu soit une mise en scène.»

Des vagues à Québec

Le retour en France d'Ingrid Betancourt a également fait des vagues chez nous. De passage à Québec pour les festivités du 400e anniversaire, Ségolène Royal, candidate malheureuse aux élections présidentielles, a provoqué un tollé dans son pays en déclarant que Nicolas Sarkozy «n'a été pour absolument rien» dans la libération de la célèbre Franco-Colombienne.

Le premier ministre François Fillon, également à Québec, ne s'est pas fait prier pour répondre, dénonçant le «manque de dignité» de Mme Royal.

Avec Libération, Le Figaro, Le Monde, AFP, AP