Des médias ont émis vendredi des doutes sur la véracité du récit par les autorités colombiennes de la libération par l'armée de quinze otages dont Ingrid Betancourt, mais Bogota a maintenu sa version et a démenti, comme Washington, le versement d'une rançon à la guérilla.

La Radio suisse romande (RSR) a affirmé que des membres des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc) avaient touché quelque 20 millions de dollars pour libérer les otages.

«Les quinze otages ont en réalité été achetés au prix fort, après quoi toute l'opération a été mise en scène», a déclaré la radio publique, citant «une source proche des événements».

Réagissant à ces informations, le ministre colombien de la Défense Juan Manuel Santos a démenti vendredi à Bogota qu'une rançon ait été versée aux ravisseurs des Farc.

Cette version, selon lui, «n'a aucun fondement, nous ne savons pas d'où elle provient. Mais pas un seul centime n'a été versé».

De son coté le général Freddy Padilla, commandant des forces armées colombiennes, a assuré que le gouvernement de Bogota n'avait «pas versé un seul centime dans cette opération», qui a permis la libération d'Ingrid Betancourt, de trois Américains et de onze Colombiens.

Le général a estimé qu'il aurait été préférable que le gardien des otages, «Cesar», accepte des millions de dollars, car cela aurait démontré selon lui «la décomposition dans les rangs des Farc».

Interrogé lui aussi par la presse sur les informations de la RSR, l'ambassadeur américain à Bogota, William Brownfield, a à son tour démenti que les États-Unis aient versé la moindre rançon.

«Combien avons-nous donné (...) pour la libération des trois citoyens américains ? Zéro. Zéro, rien. Ni un dollar, ni un peso, ni un euro.», a déclaré le diplomate.

La France, qui n'a pas été mise en cause, dément aussi par la voix du porte-parole du ministère des affaires étrangères, Eric Chevallier, avoir payé une rançon.

Ingrid Betancourt, qui se trouvait à Paris, a déclaré ne pas croire à la possibilité d'une mise en scène.

«Avec ce que j'ai vu pendant l'opération - et franchement, honnêtement, je ne pense pas que l'on puisse me duper facilement -, je ne pense pas que ce j'ai vu soit une mise en scène», a dit l'ex-otage franco-colombienne.

«Il y avait des degrés de tension, c'était tellement stressant que nos camarades ont résisté, ils ne voulaient pas monter dans l'hélicoptère», a-t-elle expliqué. «Ils avaient la sensation qu'on était pris dans un piège».

En juin, le président colombien Alvaro Uribe avait annoncé avoir été contacté par des membres importants de la guérilla pour relâcher, moyennant finances, des otages qui, avait-il dit, seraient ensuite accueillis en France.

L'hebdomadaire colombien Semana doit publier dimanche une enquête sur la libération des otages et explorerait la piste d'une reddition moyennant finances des geôliers des Farc, camouflée en une audacieuse opération de commando par le gouvernement de M. Uribe, partisan d'une politique de fermeté contre la guérilla.

Le ministre colombien de la Défense, Juan Manuel Santos, avait expliqué mercredi que la libération des otages avait aussi été le fruit de l'infiltration d'un agent de renseignement au sein de la direction de la guérilla.

Par ailleurs, la France, la Suisse et l'Espagne ont été chargées ces dernières années par M. Uribe d'une mission de médiation avec les Farc. Deux émissaires européens, l'ex-consul français Noël Saez et le diplomate suisse Jean-Pierre Gontard, se trouvaient ces dernières semaines en Colombie.

Le quotidien d'opposition El Espectador affirme vendredi que ces deux émissaires, chargés d'établir un contact avec les Farc, ont été manipulés par le gouvernement Uribe et lui ont servi à détourner l'attention des rebelles pendant que se préparait l'opération de libération de Mme Betancourt.

D'autres informations de presse évoquent une éventuelle aide étrangère, principalement américaine et israélienne, aux militaires colombiens.

M. Santos a démenti toute participation étrangère à l'opération bien qu'il ait reconnu que les États-Unis en aient été informés préalablement et ont prêté pendant l'opération un avion espion.

De son coté, la radio militaire israélienne a rapporté vendredi que deux conseillers israéliens avaient participé aux préparatifs de la libération des quinze otages.

Sur ce point, M. Santos a catégoriquement réfuté la version de la radio israélienne. «Il est totalement faux de dire qu'un citoyen israélien ou que le gouvernement israélien, nous ait aidés», a-t-il conclu.