Le réputé restaurant Chez Saint-Pierre, à Rimouski, n’ouvrira pas l’été prochain. Incertaine de pouvoir réinstaller ses conteneurs au Bic, la Ville de Rimouski tardant à réviser son règlement de zonage, Colombe St-Pierre a fait l’acquisition de l’ancienne cantine Lilo, à Saint-Fabien, en décembre 2022. C’est là que s’installera sa populaire Cantine côtière pour la belle saison.

« C’est une fermeture temporaire, assure la chef. On fera peut-être quelques évènements au restaurant du Bic cet été, mais je ne peux pas en faire plus. C’est vraiment impossible pour moi d’ouvrir les réservations. Je dois gérer un déménagement, je manque de personnel et l’été dernier, mon chum et moi on s’est rendus malades à travailler 80 heures par semaine. »

La Cantine côtière a d’abord vu le jour à l’été 2020, en réponse aux restrictions de la pandémie. En juillet 2022, Colombe St-Pierre apprenait qu’elle ne pourrait peut-être pas rouvrir en 2023, un article de zonage interdisant d’utiliser des conteneurs, des camions ou des roulottes comme bâtiments. La dérogation avait pris fin avec la levée des mesures sanitaires. S’il est encore question d’un assouplissement de la Ville, la chef, elle, n’a pas voulu mettre sa saison à risque.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Il y aura de l’espace pour recevoir en grand nombre et festoyer à l’extérieur.

Comme plusieurs autres restaurateurs, la mentore à l’émission Les chefs ! réfléchit beaucoup à l’avenir de son métier. « La restauration traverse une crise et la gastronomie, avec ses marges minimes de 2-3 %, encore plus. Je ne suis pas à l’aise de [facturer] 400-500 $ par personne. Je ne juge pas ceux qui le font, mais moi, je ne suis pas capable. Ce que je veux faire, c’est nourrir le plus de gens possible et bien le faire, avec des aliments sains. La Cantine, ce n’est pas de la sauce en poudre et des burgers. Ce sont des poutines à la pieuvre, du flétan, des huîtres. On peut même commander une bouteille de champagne ! »

Le pourquoi et le comment

Colombe St-Pierre affirme que le « pourquoi » de sa démarche demeure le même depuis les débuts de son restaurant au Bic, en 2004, alors qu’elle regardait passer des « 18 roues » remplis de poissons et de fruits de mer sans pouvoir mettre la main sur un seul oursin.

La cuisine a toujours été un peu politique pour moi. Je milite pour une plus grande accessibilité aux produits de chez nous. Ce n’est pas en devenant inaccessible que je vais le faire !

Colombe St-Pierre

« Ce que je questionne le plus aujourd’hui, c’est le format. En pleine pandémie, j’ai eu quand même beaucoup de plaisir à faire une cuisine plus simple, sans réservation, pour tout le monde. Si t’es un peu patient, tu vas manger ! »

« Il y a d’abord eu une résilience, à l’été 2020, qui a mené à une créativité, pour finir en épuisement parce que ça a demandé énormément d’énergie pour conceptualiser tous ces changements », poursuit la chef. Quand, de surcroît, les soucis administratifs s’en mêlent, la lourdeur devient insupportable.

« J’ai fait rayonner tout un savoir-faire artisanal au Québec. J’ai été un atout au tourisme dans ma région. On m’a remis des médailles d’ambassadrice culinaire et après, on s’est demandé pourquoi je bénéficierais d’aide ? Pendant toute cette histoire de règlements municipaux, j’ai un peu senti que je pourrais disparaître et que ça ne dérangerait personne. Heureusement, la population m’a soutenue. »

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Colombe St-Pierre cuisine depuis qu’elle a 14 ans et n’a pas l’intention d’arrêter ! Elle se questionne toutefois sur le « comment ».

Ce n’est pas nouveau que Colombe St-Pierre déplore la misère dans laquelle plusieurs chefs-propriétaires exercent leur métier. Mais plus que jamais, les charges s’accumulent, entre les dizaines de milliers de dollars envoyés aux sociétés de carte de crédit dans une année — « moi, quand je vais dans un petit commerce indépendant, je paie toujours avec ma carte Interac », affirme-t-elle —, les salaires augmentés, la hausse du prix des denrées, etc. « Entendre de grands chefs québécois en fin de carrière me dire qu’ils n’ont jamais été aussi mal pris de leur vie, ça me fend le cœur. »

Heureusement, même si ça ne paie pas les factures, il y a l’amour de la clientèle, le plaisir des rencontres et l’amour des produits.

Moi, ce que je veux faire, c’est cuisiner. Comment ? Je ne sais plus trop. Mais c’est important qu’on ne s’enfuie pas, qu’on transmette, pour que le futur soit plus conséquent.

Colombe St-Pierre

Pour connaître la date exacte d’ouverture et d’autres détails de la Cantine côtière 2023, qui installera ses conteneurs à Saint-Fabien en juin, mieux vaut suivre les réseaux sociaux de l’entreprise.

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