À travers les bons coups et, parfois, les moins bons, nos critiques de restaurants vous racontent leur expérience, présentent l’équipe en salle et en cuisine, tout en expliquant ce qui a motivé le choix du restaurant. Cette semaine, on vous propose une expérience de cuisine japonaise iconoclaste, chez Otto Bistro.

Pourquoi on en parle ?

Il y a eu des avancées, au Québec, du côté de la cuisine nippone. Autrefois synonyme quasi exclusif de sushi et de teriyaki, la restauration japonaise d’ici s’est d’abord enrichie de dizaines d’adresses à ramens, d’izakayas plus ou moins formatés, puis ensuite de petites tables plus spécialisées : yakitoris (brochettes), takoyakis (beignets de pieuvre), formules omakase (carte blanche en nombreux services). Bien que je n’aie pas encore eu le bonheur de voyager au Japon, Otto Bistro me donne l’impression d’être le genre de petites tables qui parsèment les quartiers plus underground des grandes villes, où le chef se permet d’exprimer son style unique et personnel.

Qui sont-ils ?

PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, COLLABORATION SPÉCIALE

Dominique Brown et Hiroshi Kitano sont souvent les deux seuls travailleurs du restaurant et ils aiment ça ainsi !

À Montréal, ce chef, c’est Hiroshi Kitano. Né à Ise, petite ville située en plein centre de l’île principale, il s’est surpris à devenir passionné de cuisine par l’entremise d’un petit boulot alimentaire. L’expatrié s’est ensuite formé dans les petites et grandes tables de New York, aboutissant dans un restaurant de cuisine kappo, la plus cérémoniale qui soit. C’était le célébré Hirohisa, dans SoHo. Ne souhaitant pas élever leur famille dans la Grosse Pomme, sa compagne et lui ont choisi Montréal, où Hiroshi a participé à la création du petit groupe Otto. Aujourd’hui séparé de l’Otto Yakitori Izakaya et du Bar Otto, le chef mène sa barque sur le Plateau, seul aux fourneaux de son « bistro ». Il voulait se consacrer pleinement à la cuisine et abandonner la gestion. En salle, il peut compter depuis le début (il y a quatre ans) sur Dominique Brown, l’hospitalité incarnée ! Dès qu’on met les pieds dans la salle de 16 à 18 places de l’avenue du Mont-Royal Est, les yeux souriants et la gentillesse débordante de la serveuse nous font tout de suite comprendre qu’on peut faire comme chez soi et que la soirée sera confortable. Un seul autre employé donne un coup de main en service. En temps de pénurie de main-d’œuvre, un restaurant à deux travailleurs et demi, c’est idéal !

Notre expérience

  • Ce tofu très épicé et goûteux n’est pas pour les végétariens, puisqu’il contient de l’agneau.

    PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, COLLABORATION SPÉCIALE

    Ce tofu très épicé et goûteux n’est pas pour les végétariens, puisqu’il contient de l’agneau.

  • Le maguro futomaki est un dodu rouleau fait avec deux parties distinctes du thon, dont le ventre bien gras.

    PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, COLLABORATION SPÉCIALE

    Le maguro futomaki est un dodu rouleau fait avec deux parties distinctes du thon, dont le ventre bien gras.

  • Chez Otto Bistro, Hiroshi Kitano a retrouvé le plaisir de cuisiner.

    PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, COLLABORATION SPÉCIALE

    Chez Otto Bistro, Hiroshi Kitano a retrouvé le plaisir de cuisiner.

  • Les grands tableaux aux murs (comme le squelette) sont du peintre et tatoueur Jonathan Bourassa. D’autres éléments de déco ont été chinés au Japon par le frère du chef. L’éclectisme est le mot d’ordre.

    PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, COLLABORATION SPÉCIALE

    Les grands tableaux aux murs (comme le squelette) sont du peintre et tatoueur Jonathan Bourassa. D’autres éléments de déco ont été chinés au Japon par le frère du chef. L’éclectisme est le mot d’ordre.

  • L’été, il n’est pas impossible que la porte façon « garage » soit complètement ouverte et que du reggae s’en échappe.

    PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, COLLABORATION SPÉCIALE

    L’été, il n’est pas impossible que la porte façon « garage » soit complètement ouverte et que du reggae s’en échappe.

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Otto Bistro, c’est à la fois un restaurant de quartier, où on peut engloutir un bol de mazemen (ramen « sec », donc sans bouillon) avec une bière puis s’en retourner, et une destination pour découvrir des ingrédients rares et haut de gamme, dans l’ambiance la plus décontractée qui soit.

Les grands tableaux aux murs sont du peintre et tatoueur Jonathan Bourassa. D’autres éléments de déco ont été chinés au Japon par le frère du chef. L’éclectisme est le mot d’ordre. L’été, la porte façon « garage » s’ouvre complètement et il n’est pas impossible que du reggae s’en échappe.

Comme la plupart de ses collègues, Hiroshi commande ses poissons et fruits de mer du grand fournisseur True World Foods. Il profite au maximum des produits saisonniers. À notre passage, par exemple, le Hotaru Ika (petit calmar luciole) était au menu, dans un plat de ramen avec palourdes et leur jus.

Mais après une petite entrée bien sage de très bon poulet frit — le classique karaage — et de choux de Bruxelles baignant dans une enrobante sauce soya/balsamique avec des tonnes de noix croquantes, nous optons plutôt pour des classiques de la maison.

Il y a d’abord l’avenue « mer ». Les sashimis changent régulièrement. C’est possible d’en commander un assortiment de 10 ou 20 morceaux ou, comme nous, de les manger en chirashi, ce joli bol de riz surmonté de poissons crus variés du moment, d’œuf, de concombre, d’une feuille de shiso bien relevée, de wasabi et de nori.

Puis il y a l’option « terre », avec, notamment, le mazemen de canard confit. En crevant l’œuf très légèrement poché, on obtient une sorte de carbonara vraiment riche, salée, croustillante grâce à la peau de canard bien dorée. Dans le même style, il y a aussi l’« uni carbonara » en entrée, avec oursin.

L’expression « cuisine fusion » étant quasi taboue en 2022 (mais sa réalité quand même bien présente !), Hiroshi n’ose l’utiliser pour parler de sa cuisine. Il ne se gêne toutefois pas pour faire des emprunts aux cuisines italienne (mazemen burrata), chinoise (délicieux et piquant mapo tofu d’agneau), indienne (curry keema), par exemple. Vous l’aurez deviné, le chef n’a pas suivi la voie « traditionnelle », mais plutôt l’iconoclaste. Il nous avait d’ailleurs confié, il y a plusieurs années, ne pouvoir s’imaginer retourner dans la société japonaise trop contraignante. C’est tant mieux pour nous !

Dans notre verre

PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, COLLABORATION SPÉCIALE

Dominique Brown essaie toujours de tenir une bonne sélection de sakés.

C’est Dominique Brown qui s’occupe de commander les liquides ici. Elle essaie toujours de tenir une bonne sélection de sakés, bien que l’approvisionnement ait été irrégulier ces derniers temps. « J’adore qu’un client ou une cliente me dise qu’il ou elle n’aime pas le saké. Ça devient un défi personnel de trouver quelque chose qui lui plaira et j’y arrive presque toujours ! », nous raconte celle qui s’est mise à l’étude plus sérieuse de cet alcool de riz. Elle choisit également les vins auprès d’agences travaillant avec des artisans de la vigne. Il y a plusieurs options au verre, que vous soyez riz, raisin ou les deux !

Bon à savoir

Il y a peu de plats végétariens et encore moins de plats véganes au menu, mais le chef peut en adapter quelques-uns pour les rendre « sans viande ni poisson », comme le mazemen aux champignons.

Prix

Un bol de ramen, qu’il soit en bouillon ou pas, vous coûtera de 17 $ à 26 $. L’addition devient plus salée lorsqu’on « tombe » dans le poisson, ce qui est tout à fait normal. Le chirashi, par exemple, coûte 38 $. Les prix d’Otto Bistro sont fort raisonnables pour la qualité des produits. « En ayant des coûts de personnel très bas, puisque nous ne sommes pas nombreux, c’est possible d’avoir des prix accessibles », explique Hiroshi.

Information

Otto Bistro est ouvert du mercredi au dimanche, de 17 h à 22 h, et les samedis et dimanches de midi à 13 h 30.

143, avenue du Mont-Royal Est, Montréal

Consultez le site du restaurant