La critique de restaurants prend un nouveau virage à La Presse. Comme toujours, nos critiques visitent les établissements anonymement et vous racontent leur expérience en soulignant les bons et, parfois, les moins bons coups. Mais nous vous expliquons désormais le choix d’un restaurant ou d’un autre. Nous vous présentons aussi l’équipe en salle et en cuisine. Cette semaine : le restaurant Mastard.

Pourquoi en parler ?

Ouvrir un restaurant en pleine pandémie ? C’est ce pari un peu fou qu’a fait Simon Mathys le 6 janvier 2021 avec son Restaurant Mastard. Après avoir passé sa carrière à travailler pour les autres, le chef avait vraiment envie d’avoir sa maison, sa liberté, son terrain de jeu. Bref, d’avoir, selon l’expression consacrée, « les deux mains sur le volant ».

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

Le chef Simon Mathys, en janvier dernier, lors de l’ouverture du restaurant Mastard

Après quelques mois en mode « à emporter » qui ont remporté un succès certain (et même une mention dans le Canada’s 100 Best), le Mastard accueille les clients depuis le début de l’été. Les rumeurs entendues sont toutes extrêmement favorables et on a voulu, nous aussi, tenter l’expérience de cette table.

Consultez l’article de Canada’s 100 Best
L’équipe
  • Le chef Simon Mathys, au centre, entouré, à droite, du responsable des desserts, Charles Provost, et du cuisinier Raphael Jean-Pineault et, à gauche, du plongeur Félix Blackburn et de Vincent Delaune, cuisinier.

    PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

    Le chef Simon Mathys, au centre, entouré, à droite, du responsable des desserts, Charles Provost, et du cuisinier Raphael Jean-Pineault et, à gauche, du plongeur Félix Blackburn et de Vincent Delaune, cuisinier.

  • En salle, c’est le maître d’hôtel Sébastien Desrosiers et la sommelière Frédérique Morin qui officient.

    PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

    En salle, c’est le maître d’hôtel Sébastien Desrosiers et la sommelière Frédérique Morin qui officient.

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Qui sont-ils ?

Simon Mathys s’est d’abord fait remarquer au feu restaurant Racines avec ses petits plats finement travaillés et inventifs, où il affirmait déjà ce qui deviendra sa marque de commerce : la mise en valeur des produits du terroir et des artisans locaux, ce qu’il a continué à faire chez Accords, et de façon encore plus affirmée et pointue au Manitoba.

Avec la pandémie, M. Mathys a senti le besoin de prendre du recul. Il a quitté le Manitoba, désirant retourner à une certaine simplicité — dans sa cuisine, mais aussi dans son quotidien, car son nouveau resto est à moins de 10 minutes à pied de chez lui, ce qui lui plaît énormément.

Simon Mathys s’est entouré d’une petite équipe tissée serré — quatre en cuisine, deux en salle. Plusieurs ont déjà travaillé avec lui, comme Charles Provost, le « responsable des desserts », issu du Manitoba, ou encore le nouveau maître d’hôtel Sébastien Desrosiers, que le chef a connu chez Accords bistro. Viki Brisson-Sylvestre, sa conjointe, également copropriétaire, s’occupe plutôt du côté administratif.

Notre expérience

Le local de la rue Bélanger, qui a accueilli le restaurant Chez Chose pendant de nombreuses années, offre un décor minimaliste, mais charmant, avec sa longue banquette en cuir, de jolis luminaires, des accents en laiton derrière le bar et une œuvre murale colorée signée Les Frères Lama.

Le Mastard se veut un restaurant de quartier convivial et sans fla-fla, qui offre à table une expérience gourmande et raffinée. La carte se décline en petits plats — certains plus copieux que d’autres — qui mettent tous en valeur des produits de saison et d’artisans locaux. Une carte que le chef se plaît à changer quotidiennement, au gré de ses humeurs, des arrivages, de la température. La spontanéité a de toute évidence sa place ici. Le soir de notre passage, les plats réconfortants, riches et en sauce, inspirés par le temps pluvieux qui prévalait, étaient à l’honneur.

  • Le chef Simon Mathys a ouvert le Restaurant Mastard pendant la pandémie.

    PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

    Le chef Simon Mathys a ouvert le Restaurant Mastard pendant la pandémie.

  • Le dessert au fenouil et aux prunes : surprenant, mais ô combien réussi !

    PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

    Le dessert au fenouil et aux prunes : surprenant, mais ô combien réussi !

  • C’est Simon Mathys et son paternel, ancien ébéniste, qui ont rénové eux-mêmes le local du restaurant.

    PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

    C’est Simon Mathys et son paternel, ancien ébéniste, qui ont rénové eux-mêmes le local du restaurant.

  • Une œuvre murale colorée signée Les Frères Lama donne de la couleur au décor du Mastard.

    PHOTO TIRÉE DE LA PAGE INSTAGRAM DES FRÈRES LAMA

    Une œuvre murale colorée signée Les Frères Lama donne de la couleur au décor du Mastard.

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Simon Mathys a du talent pour créer des plats à la fois familiers et surprenants, comme cette demi-tomate ancestrale surmontée d’un écrasé d’herbes et de fleurs comestibles. La surprise ? À table, on verse sur le tout du gras fondu de bœuf fumé. L’assiette est magnifique, le contraste entre la tomate charnue, la fraîcheur des herbes et la richesse du gras fonctionne fort bien, le mélange des saveurs évoque le BLT. Un petit bijou à dévorer sans modération.

Au total, notre invitée et nous avons dégusté six plats et un dessert (c’était trop !). La plupart des créations étaient savoureuses, surprenantes. On s’est régalées, mais en cherchant parfois fraîcheur et acidité pour contrebalancer des plats riches et roboratifs, comme un ragoût de polypores soufrés (un arrivage du jour) ou une saucisse de porc maison et ses haricots blancs.

Certains plats sont plus intellectualisés, comme les courgettes, préalablement déshydratées, baignant dans un jus de viande monté au beurre miso, à la saveur très intense. Le chef grille les épluchures au charbon avec de la fleur d’ail, pour en faire un condiment acidulé. L’idée est intrigante, mais pas totalement concluante.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Un dessert très réussi et original, à base de fenouil

Autre coup de cœur : la soyeuse truite des Bobines, enrobée de beurre blanc aux œufs de poisson, pour une touche saline, et d’une sauce crémeuse aux herbes, avec quelques feuilles croquantes de sucrine. Une assiette élégante et délicieuse, qui représente bien le style de la maison.

Malgré notre panse rebondie, il fallait goûter au dessert. Nous n’avons pas été déçues par celui composé de crème diplomate au fenouil (oui, oui !), crumble de sarrasin et graines de fenouil, émulsion à la menthe et prunes en purée et en morceaux. Franchement original, frais et léger : une réussite pour clore la soirée.

Dans notre verre

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

La carte des vins, nature ou issus de la biodynamie, accompagne bien les plats du Mastard.

Diplômée de l’ITHQ en sommellerie, Frédérique Morin a imaginé la carte des cocktails, bien tournée — des classiques revisités avec des alcools québécois et des sirops maison —, et celle des vins. Jus nature, bio ou en biodynamie, dont quelques vignobles québécois comme le nouveau Joy Hill, y cohabitent. On est moins dans les classiques que dans la découverte de cépages moins usités, sans trop tomber dans le « funky ». Charmées nous fûmes par le Drei Freunde, un vin orange du domaine viticole allemand 2Naturkinder, assemblage de sylvaner, muller-thurgau et bacchus, tout frais et léger, avec une belle acidité.

Combien

Les petites assiettes s’affichent entre 12 $ et 25 $ ; les desserts, à 12 $. Deux plats par personne, ou cinq à deux pour les grands appétits, devraient suffire, car il faut garder de la place pour les desserts !

Détails notables

Les cuisiniers — et le chef — viennent eux-mêmes porter les assiettes en salle, c’est sympathique. D’ailleurs, le pourboire est séparé équitablement entre tous les membres de l’équipe.

Le chef tenait à ce que son équipe (et lui-même) puisse profiter des fins de semaine. Le Mastard n’est donc pas ouvert les week-ends, mais il l’est les lundis, ce qui est rare de nos jours !

Végétarien ? Plusieurs plats font briller les légumes de belle façon, mais il y a souvent des protéines animales dans les sauces et jus. En général, la cuisine pourra vous accommoder, il suffit de demander.

L’endroit est accessible aux clients à mobilité réduite.

Information

Ouvert du lundi au vendredi, de 18 h à 22 h 30. Réservations par téléphone au 514 843-2152.

1879, rue Bélanger, Montréal

Consultez la page Facebook du restaurant Mastard