Les mesures de santé publique viennent d’inclure la fermeture des bars. Les restaurants, eux, peuvent poursuivre leurs activités, en limitant la fréquentation à 50 % de leur capacité actuelle. Les tables doivent désormais être espacées d’au moins un mètre. Mais par souci de responsabilité sociale, plusieurs établissements ont décidé de fermer ou de n’offrir que des plats pour emporter.

Le milieu des bars a accueilli la nouvelle consigne de fermeture des lieux de rassemblement avec un mélange de colère, de résignation et de soulagement. Les uns après les autres, ils ont annoncé la suspension de leurs activités dans les médias sociaux. « Je m’attendais à ce que le gouvernement étende ça aux restaurants, mais c’est sans doute sage de faire les choses progressivement pour ne pas engorger les épiceries encore plus, comme disait Legault », nous confiait Richard Holder, propriétaire du Majestique, du Darling et du Waverly, dont il ferme les portes jusqu’à nouvel ordre.

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Le Darling

« Nos employés étaient de plus en plus inquiets pour leur santé, admet M. Holder. Il y a en a une qui m’a écrit qu’elle avait déjà six pneumonies à son actif. Mais l’aspect financier tire dans l’autre sens. Plusieurs de nos employés vivent d’une paie à l’autre. » Richard Holder compte donc mettre son personnel à pied, pour qu’il puisse toucher au chômage pendant la durée de la crise.

« C’est la fin de l’hiver, nous venons de vivre notre période la plus creuse de l’année et nous comptions sur le printemps pour nous aider à nous rétablir, déplore David Schmidt, copropriétaire du Bar Pelicano (fermé), du Mal nécessaire (fermé) du Bar Pamplemousse (à capacité réduite parce que restaurant aussi), entre autres. Cette situation aura un impact sur les petites entreprises qui n’ont pas un gros coussin financier. Ça va prendre la patience des propriétaires d’immeubles et de l’aide du gouvernement pour régler tout ça. »

Des restaurants qui décident de fermer

Le chef David McMillan a décidé de fermer tous les restaurants du groupe Joe Beef (qui comprend Vin papillon, Liverpool House, Vinette et McKiernan, dès dimanche. À compter de mardi, le McKiernan proposera takeout et livraison (incluant cidre, bière et vin). Vanya Filipovic, du restaurant Vin mon lapin, tente de convaincre le plus de restaurateurs possible de fermer leur salle à manger. « Ce serait bien que toute la communauté se mette ensemble, nous a écrit la restauratrice et sommelière. J’arrive d’Italie et tout le monde là-bas me le dit : “Ne faites pas comme nous. Prenez ça au sérieux.” »

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Frédéric Morin et David McMillan, du groupe Joe Beef

Ils sont de plus en plus nombreux à prendre la décision d’arrêter d’accueillir des clients sur place : Elena (qui propose ses pizzas pour emporter et livrera sous peu), Nora Gray, Maison Boulud, Beba, Candide, Foxy, Un po di piu, Maison publique, Boxermans, Les Fillettes et Alma, entre autres.

Ayant récemment reçu un don d’organe, le restaurateur Vianney Godbout est sensible à la réalité de ceux qui ont un système immunitaire affaibli. Il a pris la décision de fermer son restaurant de la rue Saint-Denis, Chasse-Galerie, dès lundi. « Je suis un peu attristé des gens qui minimisent la chose. Il faut se responsabiliser. C’est là qu’il faut agir, mais j’espère rouvrir en grand dès que la courbe sera aplanie. »

Miser sur les commandes à emporter et les livraisons

Maurice et Paul Holder avaient décidé de fermer temporairement, à compter de samedi, les brasseries Holder et Bernard, le Café du Nouveau Monde ainsi que Le 409. Ce dernier restera cependant ouvert pour les commandes à emporter et les livraisons. Grumman 78, Arthur’s Nosh Bar, Pastaga et plusieurs autres font de même. Pour encourager ses collègues, le chef Martin Juneau a même décidé de commander du takeout dans chacun des établissements indépendants qui offrent cette option afin qu’ils puissent continuer « à faire des sous ».

Cette voie des plats pour emporter risque de connaître une croissance, croit Martin Vézina, responsable des communications et des affaires publiques à l’Association Restauration Québec (ARQ).

Les livraisons et les commandes à emporter vont peut-être être davantage utilisées, elles font partie des mesures qui peuvent être prises pour minimiser les coûts et le nombre de personnes à l’intérieur du restaurant.

Martin Vézina

C’est ce qu’a décidé de faire David Ferguson, chef propriétaire du restaurant Gus. L’établissement sera désormais ouvert de façon plus restreinte, du mercredi au samedi. Une façon de parer à la baisse de fréquentation et au manque éventuel de personnel. L’endroit offrira une grande partie de son menu pour emporter, dont les populaires burgers de son autre commerce, Lou, qui, lui, va fermer ses portes temporairement. « On n’a jamais rien vu de tel, on est un peu sous le choc. On fait ce qui nous semble le mieux dans les circonstances », dit-il.

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David Ferguson, du restaurant Gus

« Faire preuve de courage »

À Québec, Nina Pizza, qui compte deux succursales, a annoncé vendredi que les commerces fermaient pour une durée indéterminée. Avec ses 60 employés et près de 1250 clients qui passent dans la pizzéria de Saint-Roch chaque semaine, il s’agit pour les propriétaires d’une question de responsabilité sociale. « Ce n’est pas une décision facile à prendre, mais on croit qu’il faut faire preuve de courage. Le message est clair : pour aplanir la courbe, il faut que tout le monde reste chez soi », explique Pénélope Lachapelle, copropriétaire.

PHOTO OLIVIER.PONTBRIAND, ARCHIVES LA PRESSE

Nina Pizza a annoncé vendredi la fermeture de ses deux établissements dans la ville de Québec.

Joint vendredi soir, Antonin Mousseau-Rivard, du Mousso et du Petit Mousso, dit être « très aux aguets » et décidera au cours des prochains jours ce qu’il va faire. « C’est une situation qui nous préoccupe extrêmement. On va choisir la fermeture au-delà des pertes si on en vient là. Cette semaine, on a eu de plus petites journées que jamais dans les deux restaurants. C’est très inquiétant, ça rend l’avenir du restaurant incertain, d’autant plus que 30 % de notre chiffre d’affaires est dû aux touristes. »

PHOTO BÉNÉDICTE BROCARD, FOURNIE PAR GAULT & MILLAU

Antonin Mousseau-Rivard, du Mousso et du Petit Mousso

Après avoir tenté de garder son restaurant, qui célèbrera son 25e anniversaire à la fin du mois, ouvert en prenant plusieurs précautions supplémentaires, Olivier de Montigny, chef propriétaire du restaurant La Chronique, a finalement annoncé qu’il interrompait ses activité pour 14 jours. « La COVID-19 attaque le monde de la restauration de plein fouet ! Compte tenue de l’incertitude que suscite la situation actuelle, nous croyons qu’il est plus que judicieux de suivre les directives gouvernementales afin de limiter tout risque de propagation de ce virulent virus », a-t-il écrit sur la page Facebook du restaurant, lundi soir.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Restaurant La Chronique

Face à cette situation inusitée, Peter Prince, fondateur des Marchands, a offert aux bars et aux restaurants mal pris d’entreposer gratuitement les surplus de denrées périssables congelables (viande, sauce, sirops, etc.) dans son immense chambre de congélation. L’entreprise qui fournit un grand nombre de restaurants, bars et événements en glace de première qualité a vu son carnet de commandes s’effacer dans les derniers jours.

« Tout notre calendrier événementiel a été annulé, nos ventes mensuelles récurrentes aussi, dans une période où on est déjà pas mal moins occupés. Alors tant qu’à être dans cette situation, aussi bien s’entraider ! » a déclaré M. Prince.

D’autres fermetures sont à prévoir, aussi serait-il sage de consulter les médias sociaux des restaurants ou de les joindre au téléphone pour en avoir le cœur net.

Et les espaces de restauration ?

Aujourd’hui, lundi, tous les espaces de restauration ont annoncé l’arrêt de leurs activités. Le Central et le Cathcart sont dès maintenant fermés, jusqu’à nouvel ordre. Quant au Time Out Market Montréal, il fermera ses portes à compter de demain matin, mardi.