La pandémie de COVID-19 fait une autre victime dans le milieu de la restauration à Montréal. Dans Saint-Henri, le resto et camion de rue Grumman’78 a annoncé vendredi qu’il « raccroche ses pneus de façon définitive », dans la foulée de sa fermeture pendant le mois d’octobre.

« On tire la plogue. C’est fini. Le respirateur artificiel vient de s’arrêter », lance la propriétaire de l’établissement, Gaëlle Cerf, en entretien avec La Presse. Fondé en 2010, le restaurant avait soufflé ses dix bougies le 13 septembre dernier.

Les deux associés à la tête du Grumman’78 soulignent avec ironie qu’ils ont « travaillé un peu trop fort » en mars dernier. Résultat : ils n’ont pas eu droit à l’aide fédérale au loyer. « Il fallait perdre plus de 70 % de ses revenus, et de notre côté, on avait perdu seulement 65 % … On s’est démenés, mais à un moment donné, c’était trop. On perdait de l’argent, ce n’était plus rentable du tout », raconte Mme Cerf.

Celle-ci se considère malgré tout chanceuse de ne « pas tout perdre » dans les circonstances. « On se retire à temps, pour s’en sortir, et éviter une faillite personnelle. Maintenant, on va prendre une bonne pause pour prendre soin de nous », ajoute la femme d’affaires.

Dernière chance pour les clients

Dans une publication Facebook, vendredi après-midi, le restaurant souligne à ses clients que ceux-ci auront une « dernière chance » de lui donner un coup de main ce week-end, alors qu’une vente de garage sera organisée pour liquider les « quelques objets » et autres souvenirs qui restent du food-truck, en tout respect des mesures sanitaires. « Nous en avons vécu, des belles affaires ! Aider à changer la réglementation municipale, donner du bonheur à bien des gourmands, […] notre bilan est grand, et beau, et lourd », se remémore au passage l’entreprise.

On avait un modèle d’affaires de festivals, de fêtes sur la terrasse. Il n’a pas survécu à la COVID-19, même si on aura tout fait pour se battre.

Gaëlle Cerf, propriétaire du Grumman’78

Aussi vice-présidente de l’Association des restaurateurs de rue du Québec (ARRQ), Mme Cerf avoue que la situation est « hyper-inquiétante » pour plusieurs autres restaurants et commerces montréalais. « Qui a les reins assez solides, et combien de temps peuvent-ils tenir ? J’espère le mieux, mais c’est inéluctable », dit-elle, en parlant des nombreuses autres fermetures qui pourraient survenir dans les prochains mois.

« La fin d’un temps »

Sur les réseaux sociaux, des dizaines de Montréalais ont spontanément apporté leur soutien à l’entreprise. « Merci d’avoir été le porte-étendard du streetfood… Mon food-truck n’aurait jamais existé sans vous », a notamment écrit le chef-propriétaire du P.A. & Gargantua, Paul-André Piché.

« Quelle tristesse ! Vous avez été une source d’inspiration pour notre entreprise. Vous allez nous manquer », a ajouté le camion de rue Mi Corazon Tacos & Burritos. D’autres clients ont aussi parlé de « la fin d’un temps » à Montréal, et plus particulièrement dans le quartier Saint-Henri.

Début octobre, le gouvernement Legault annonçait qu’il assumera jusqu’à 15 000 $ des frais fixes des restaurants, bars et commerces devant fermer leurs portes en zone rouge. Québec entend offrir des « pardons de prêts » pouvant aller jusqu’à 80 % du montant ainsi emprunté, afin de payer les frais de loyer, d’électricité ou de taxes. Les partis de l’opposition avaient toutefois mal reçu la nouvelle, en soutenant que les commerçants avaient surtout besoin d’une aide directe.