L’Amérique au complet est terre d’immigration et de mixité, et ça nous a donné bien des cuisines, allant du Tex-Mex à l’italien américain avec extra ail, comme jamais on n’en mange en Italie, ou du pâté chinois québécois dont on n’est même pas capable de déterminer avec précision la réelle origine ou de savoir pourquoi, exactement, on l’a appelé comme ça.
Au Pérou, c’est plus codifié.
Il y a la cuisine japonaise-péruvienne, qu’on a appelée la cuisine nikkei, où on peut classer une bonne partie des ceviches modernes, les immigrés japonais au Pérou ayant appris aux locaux comment préparer et servir le poisson cru. Sauf que contrairement au Japon, les saveurs du poisson cru sont relevées, avec du piment, du citron, de la coriandre. Le restaurant Maido, à Lima, qui figure aux grands palmarès internationaux, fait partie de ces tables où on célèbre autant le manioc et les pommes de terre andines que les plats de nouilles du pays du ramen.
Mais il n’y a pas que le nikkei péruvien qui célèbre la rencontre de l’Asie et du Pérou. Il y a aussi le chifa, où la cuisine chinoise, celle des immigrants cantonais venus en Amérique du Sud au milieu du XIXe siècle, apporte ses saveurs.
Le plat chifa classique, les voyageurs l’ont vu au Pérou mille fois, c’est le lomo saltado, composé de languettes de bœuf marinées dans la sauce soja, sautées avec des oignons et des tomates et servies avec du riz et des pommes de terre.
Le chef Marcel Larrea, à qui l’on doit déjà le restaurant péruvien Tiradito, rue De Bleury, vient d’ouvrir un nouveau bar, où on se consacre à cette cuisine sino-péruvienne. Il s’appelle Chifa, justement, et a l’air d’un restaurant avec ses banquettes et sa longue carte, mais c’est réellement un bar, au sens de la loi. Malheureusement, on ne peut donc pas y aller en famille.
Pour le reste, on mange quand même de façon familiale, avec des assiettes servies au milieu de la table qu’on se partage sans façon.
Le ceviche d’abord
Comme on est dans un restaurant péruvien, chifa ou pas, il faut prendre au moins le ceviche, préparé le soir de mon passage avec du cardeau, un poisson cousin de la sole, mais plus charnu et donc qui se prête bien à une telle préparation. Un leche de tigre classique – le liquide à base de citron, de sel, de piment, d’oignon, dans lequel marine le poisson – reste vraiment dans des saveurs fraîches classiques péruviennes, accentuées par du radis, du persil, et c’est tant mieux. L’ensemble est bien équilibré, on aime.
Même sentiment pour l’anticucho de langue de veau, une brochette de gros morceaux de langue marinée, cuits juste assez pour rester impeccablement fondants. C’est ce genre de plat qui rappelle aux carnivores pourquoi ils aiment la viande et pourquoi et comment on peut manger toutes les parties de l’animal avec plaisir.
J’aurais aimé goûter au canard laqué à la péruvienne-chinoise, mais il faut nécessairement le commander pour deux et pour en faire tout un repas, et on voulait goûter à plus, donc j’ai plutôt opté pour la tortilla china, où on coiffe une omelette au canard effiloché de crème sûre et d’œufs de poisson, avec légumes marinés en contrepoint. C’est audacieux. Peut-être un brin trop baroque.
En revanche, le lomo saltado, classique, donc combinant filet mignon, oignons, tomates, coriandre, poivron et un soupçon de juliennes de carottes baignant dans un jus à base de soja, se laisse manger tout seul.
Au dessert, je n’ai pas adoré les picarones, des beignets qui tombaient dans les pièges tendus par la friture – lourds, goût d’huile trop prononcé – même si les kumquats confits tiraient bien leur épingle du jeu pour leur apporter parfum et fraîcheur. La prochaine fois, je ne prendrai que les agrumes, à la cuillère.
Chifa
Pour une soirée entre adultes qui ont envie d’avoir un peu l’impression de voyager en plein hiver
1080, rue De Bleury
Montréal
514 543-8488
>>> Consultez le site du restaurant
Notre verdict
On paie : De 6 $ à 25 $ par plat à partager
On boit : Des cocktails créatifs inspirés par le thème sinolatino, de la bière. Il y a du vin aussi, mais la carte est courte. Et pas du tout sud-américaine. Rappelez-moi la prochaine fois d’essayer le pisco sour.
On se sent : J’y suis allée un mardi soir et le service était cordial et l’ambiance, bien animée dans ce lieu aux tons riches, tout fenestré, où des motifs aux angles droits et des lampions évoquent le style des restaurants chinois d’Amérique d’une autre époque.
On aime : L’ambiance, la cuisine
On aime moins : Le peu d’information sur le menu et le site web, en salle, sur l’origine des produits.
On y retourne ? Oui.