L’hôtel Four Seasons voulait faire les choses différemment. Et la table qu’il propose au centre-ville, Marcus, ouverte au début de l’été, est effectivement aux antipodes de bien d’autres.

Et non pas parce que le chef Marcus Samuelsson — New-Yorkais d’origine suédoise né en Éthiopie —, embauché pour ajouter Montréal à la liste des villes où il attire les foules, fait les choses de façon radicalement inédite dans la cuisine.

Ce qui est nouveau dans ce restaurant, c’est une ambiance, un sentiment de bienvenue pour tous, qu’on ne sent pas toujours ailleurs dans la métropole. Une diversité rafraîchissante, invitante.

Les prix, me direz-vous, font que ce n’est pas tout, tout, tout le monde qui peut se permettre de passer une soirée dans ce décor particulièrement soigné et réussi signé Atelier Zébulon Perron, où rutilance et lignes épurées, tout en crème, laiton, noirs doux, se conjuguent pour créer un style un peu brasserie. 

Mais il y a dans le restaurant et au bar, et j’en suis sûre sur la terrasse l’été, une joie palpable. Cela faisait partie du pari lancé par les propriétaires, les gens de Carbonleo qui ont investi dans le nouvel hôtel, quand ils ont annoncé la venue de Samuelsson. 

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Un plat de loup de mer entier

Ils voulaient en faire un lieu d’expérience où l’on a envie d’aller pour se sentir emporté par une énergie de douce fête. Et c’est réussi.

Personne dans la salle, le soir de notre passage, ne semblait issu du même quartier, du même métier, des mêmes cercles, des mêmes mondes, et s’il y avait à côté de nous deux jeunes femmes visiblement fortement inspirées par les Kardashian, il y avait aussi plus loin une jeune famille avec un petit bébé, et ailleurs un groupe de touristes côtoyant des collègues célébrant un anniversaire… Les sourires étaient nombreux. Le niveau de décibels, juste assez élevé.

C’est la force du restaurant phare de Samuelsson à Harlem, le Red Rooster : être un carrefour pour tous. 

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Au menu exécuté par le chef Nicholas Bramos — un ancien du Toqué ! mais aussi de l’immense Taverne Moderne 1909 à côté du Centre Bell —, on affiche beaucoup de plats assez classiques du chef Samuelsson. Des propositions classiques — poissons crus, tomates et mozzarella, tartares, steak, poissons entiers grillés — avec des tournures originales. 

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Ce qui est nouveau dans ce restaurant, c’est une ambiance, un sentiment de bienvenue pour tous.

Y a-t-il une ligne éditoriale claire ? Les plats sont soignés, ils ont tous des notes exotiques et ils ont parfois quelque chose de non convenu, comme les noix de macadamia qu’on ajoute, concassées, sur une assiette de pétoncles crus, où le mollusque est déposé sur un thé acidulé infusé à l’hibiscus et salé. C’est délicat, un peu incongru dans un monde de restauration de pointe où les ingrédients venus de loin ont de moins en moins la cote, mais au moins, on quitte pour un moment un univers de tartares si souvent prévisible. Et le caviar qui apporte des notes salées vient du lac Saint-Pierre.

L’entrée de thon est aussi intéressante, avec ses craquelins de riz frit, sa touche d’œufs de poissons bien salés — tobiko — et ses gouttes de coulis de mangue qui ajoutent là encore une note exotique, à côté de la mayonnaise berbère. Tout repose sur cette combinaison bien campée entre acidité, salé et croustillant. Mais utiliser du thon rouge venu du Sri Lanka fait sourciller en 2019. Plus tard pendant le repas, j’apprécierai le pavé de flétan où, cette fois, ce sont des graines de citrouille qui surprennent agréablement. 

À ne pas rater : le poisson du jour en papillote — des pétoncles lors de notre passage — que l’on sert de façon spectaculaire : on déballe le petit emballage où l’on a cuit les fruits de mer, à l’étouffée, à table. La sauce romesco avec tomate, amandes et ail offre le support voulu pour donner du corps à la création. La cuisson permet au contenu océanique de garder son moelleux. 

Au dessert, les plats continuent de se pavaner, mais celui de saison, à la poire pochée à la fève tonka — un de mes fruits préférés et une épice formidable —, est décevant, avec cette grosse croustille de tapioca qui prend bien de la place. Le plat au chocolat et au yuzu s’en sort beaucoup mieux, avec sa riche ganache, sa crème au yuzu et sa quenelle de sorbet au chocolat et au citron vert, le tout ponctué de concassé de praliné et de quelques flocons de feuille d’or. Élégant et original. Racoleur avec ce détail d’agrume qui apporte un exotisme délicieux, fil conducteur de tout ce repas.

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Plat au chocolat et au yuzu, avec ganache et quenelle de sorbet au chocolat et au citron vert

Notre verdict

On paie : entre 14 $ et 28 $ pour les entrées, entre 31 $ et 48 $ pour les plats.

On boit : des vins d’une carte très variée avec de beaux produits canadiens, comme ce Chardonnay Blue Mountain de l’Okanagan que nous avons choisi, et qu’on ne voit pas souvent sur les cartes à Montréal. 

On se sent : servi par un personnel gentil et affairé pour la critique reconnue. Atmosphère bien vivante dans un lieu magnifiquement aménagé par Atelier Zébulon Perron. Matériaux nobles, lignes pures. Foule joyeusement diversifiée.

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Matériaux nobles, lignes pures : le restaurant affiche le style brasserie. 

On aime : l’ambiance et le sentiment que tout le monde est bienvenu

On aime moins : les produits parfois venus de bien loin

On y retourne ? Oui, pour l’ambiance

Marcus. 1440, rue de la Montagne, Montréal. https://www.fourseasons.com/fr/montreal/dining/