Je dis souvent, à qui veut l'entendre, que le rôle de la critique de restaurant, selon moi, n'est certainement pas de dire «vous savez ce restaurant inconnu où vous n'avez pas du tout l'intention d'aller et aucune raison de vous y intéresser, eh bien il est moyen».

La critique est une forme de journalisme. Il faut qu'elle soit d'intérêt public et d'intérêt tout court. Il faut qu'il y ait une raison d'informer les gens sur le fait que tel livre ou telle pièce ou tel restaurant est extraordinaire, bon ou moyen et qu'on soit ensuite capable, évidemment, d'expliquer cette prise de position.

Si je suis sur le point de vous dire que GaNaDaRa, un petit restaurant coréen du Village Shaughnessy n'est pas, selon moi, une table exceptionnelle, c'est donc parce que j'estime qu'il y a une raison de l'écrire. Et cette raison, c'est que ce restaurant est toujours, toujours bondé et que, chaque fois que je passe devant, il y a une queue de gens qui attendent de très très longues minutes pour y manger.

Donc cet article a pour but de répondre à la question: est-ce que ça vaut la peine de faire le pied de grue pendant 50 minutes - oui, c'est le temps que j'ai patienté en ligne comme des dizaines d'autres clients - pour aller manger là, dans ce restaurant sans affiche? Et la réponse c'est que moi, non, je ne le referai pas. Parce que la qualité de la cuisine coréenne n'est pas à la hauteur de mes attentes.

Mais de toute évidence, bien des gens ne pensent pas comme moi. Surtout des jeunes, des étudiants de ce quartier qui s'étire sur le boulevard De Maisonneuve à l'ouest de l'Université Concordia, qui remplissent ce lieu fort abordable de leur présence souriante et de leurs rires colorés, jour après jour après jour.

GaNaDaRa - premières lettres de l'alphabet coréen - n'est pas un nouveau restaurant, m'a expliqué le gars à la caisse, mais il a été modernisé et c'est ce qui a fait exploser sa popularité il y a trois ans. La décoration n'est pas ultra recherchée, mais elle est nette et moderne, avec des accents de couleurs: des chaises écarlates et des ampoules dans des cages minimalistes.

Le menu reflète aussi ce désir de contemporanéité. On y parle d'amuse-gueule autant que de kimbap, jjigae ou katsu, par exemple, catégories de plats qui se déclinent en général avec du riz, des nouilles, des algues. Il y a même une poutine tobboki! Avec de la mozzarella, des frites et des gâteaux de riz... Non, je ne l'ai pas essayée.

Il serait totalement faux de croire que la cuisine coréenne ressemble à la japonaise, puisque dans le pays qui nous a donné le tube Gangnam Style, on aime, notamment, l'épicé. De l'épicé qui arrive généralement par le biais de kimchi, fait de chou et d'autres légumes fermentés au piment, très relevé, qu'on ajoute aux plats.

Chez GaNaDaRa, certains plats sont très pimentés, ce qui n'est pas un défaut en soi, surtout que c'est ce qui fait la beauté de bien des cuisines, qu'elle soit coréenne ou thaïlandaise ou indienne ou mexicaine, par exemple. Ce qui est dommage toutefois, c'est qu'on a l'impression ici qu'une fois le feu passé, il ne reste rien des parfums que le piment doit propulser pour être agréable.

De tous les plats essayés, mon préféré fut le poulet frit servi en amuse-gueule, qui ressemble à une sorte de poulet général Tao bien croquant à l'extérieur, tendre à l'intérieur, piquant et sucré. Même si toute la table s'est rapidement retrouvée couverte d'autres mets, je me suis surprise à continuer de puiser dans cette assiette. Peut-être est-ce parce que les tokochi, galettes de riz frites servies avec une montagne de la même sauce rouge, étaient trop collants et costauds. Peut-être parce que le jeyuk dupbap, plat de flanc et d'épaule de porc servi avec du riz tout blanc et de la sauce gochujang très piquante, n'avait pas assez d'éclat, tout comme le plat au boeuf (bulgogi). Ou peut-être parce que le kimchi qui aurait dû donner du zeste au bibimbap au boeuf, plat traditionnel avec du riz et des légumes et de l'oeuf, tombait à plat alors qu'il doit normalement jouer un rôle crucial dans la construction des saveurs.

Ajouter de jolis champignons enoki ici n'est pas assez, même s'il est vrai que la présentation des plats est soignée. On aime les oignons verts partout, les assiettes de métal ou ardoises qui font écho aux façons traditionnelles de servir les plats coréens - souvent la poêle ou le gril est carrément sur la table - la netteté des lignes de sauces soja maison et de mayonnaise délicatement tracées sur les dumplings frits franchement très croustillants.

Photo Olivier Jean, La Presse

On aime les oignons verts partout, les assiettes de métal ou ardoises qui font échos aux façons traditionnelles de servir les plats coréens

On a bu de la bière japonaise avec tout ça et on a sauté le dessert. La bouche en feu. Heureux d'avoir enfin percé le mystère de la popularité du lieu: essentiellement ses bas prix et son atmosphère.

GaNaDaRa. 1862, boulevard De Maisonneuve Ouest, Montréal. 514 933-2288.

Notre verdict

Prix: amuse-gueule entre 4 $ et 8 $. Plats entre 7 $ et 15 $.

Carte de vin: on y boit de la bière, du thé ou des boissons fraîches.

Service: gentil mais pas nécessairement hyper efficace, notamment quand vient le temps de placer les convives, ce qui peut contribuer à la file d'attente.

Atmosphère: beaucoup de jeunes, beaucoup de vie, franche impression d'être là où l'avenir de Montréal s'invente. Très sympathique.

Plus: l'atmosphère

Moins: une file d'attente injustifiée

On y retourne? Pas moi.

Photo Olivier Jean, La Presse

GaNaDaRa - premières lettres de l'alphabet coréen - n'est pas un nouveau restaurant, m'a expliqué le gars à la caisse, mais il a été modernisé et c'est ce qui a fait exploser sa popularité il y a trois ans.