Le chef et copropriétaire du célèbre restaurant Joe Beef de Montréal, David McMillan, a lancé un pavé dans la mare cette semaine en écrivant dans une publication torontoise que Montréal avait « perdu son titre » de plus grande ville culinaire au pays au profit de la Ville Reine. Or, même si Toronto est devenue une « très bonne ville gastronomique », « la capitale de la gastronomie en Amérique du Nord, c'est Montréal ! », soutient-il en entrevue.

Géant de la scène culinaire montréalaise, David McMillan a signé une « lettre d'amour à Toronto » mardi dans le magazine spécialisé Foodism Toronto, dans laquelle il affirme que « Toronto est maintenant la grande ville culinaire canadienne ». Cette prise de position provenant de l'un des plus grands chefs au pays n'est pas passée inaperçue dans les médias torontois.

En entrevue avec La Presse hier, David McMillan a toutefois nuancé l'importance de sa prise de position. « Cet article était une lettre d'amour à mes collègues torontois pour leur dire : on mange très bien à Toronto. Je suis complètement épaté [par leur cuisine]. C'était tongue-in-cheek, c'était une gentillesse envers mes collègues », a-t-il répété.

Un phare

Selon lui, la « gastronomie du Québec restera toujours un phare en Amérique du Nord », notamment en raison de la grande diversité des goûts des Québécois.

« On a une clientèle tellement évoluée. On mange du canard, du lapin, des rognons. Ça va être très dur de détrôner Montréal en Amérique du Nord. Il y a plus de variétés dans un menu montréalais qu'à San Francisco ou à Los Angeles ! »

Dans le récent classement du magazine Canada's 100 Best Restaurants, on retrouvait 25 restaurants de Montréal, contre 24 de la Ville Reine. Le restaurant Alo de Toronto devançait toutefois sur le podium le Toqué ! de Normand Laprise et le Joe Beef de David McMillan, deux institutions montréalaises.

Le chef du Joe Beef ne tarit pas d'éloges à l'endroit de la scène culinaire torontoise, qu'il a récemment découverte. Au même titre que Montréal et Vancouver, Toronto est résolument une « capitale gastronomique », où les gens sont « en amour avec la cuisine ». De plus, la richesse affichée dans les restaurants torontois n'a rien à voir avec Montréal, ajoute-t-il.

« À Toronto, on sent l'argent dans les restaurants quand on regarde les couverts, la décoration, les verres, la carte des vins. On sent vraiment la métropole. Montréal, c'est excellent, on mange hyper bien, mais ce sont de petits restaurants comme les miens avec des chefs propriétaires. On a de la misère. On n'a pas de mécénat derrière nous. Mon restaurant, c'est un petit restaurant. On n'est pas riches », explique-t-il.

Pas une compétition

Antonio Park, chef réputé et copropriétaire des restaurants montréalais Park, Jatoba et Lavanderia, refuse de comparer les restaurants de Montréal et Toronto. « Je ne peux pas dire : oui, Montréal, c'est meilleur ou Toronto, c'est meilleur. Je ne pense pas que c'est une compétition. Je pense que c'est une chose magnifique de voir les chefs canadiens s'élever au niveau international. Je pense que c'est juste positif », dit-il.

Danny St Pierre, chef du restaurant Petite Maison dans le Mile End et chef-vedette à la télévision, ne veut pas s'immiscer dans un débat Montréal-Toronto. « Créer un clivage entre les villes, je ne crois pas à ça. Tant mieux si les gens de Toronto sont curieux de venir ici et que nous, on est curieux d'aller à Toronto. C'est fantastique », affirme-t-il.

« La scène culinaire canadienne est de plus en plus définie, et c'est grâce à des porte-étendard comme [David] MacMillan, comme des gens de Toronto, la chef Connie DeSousa à Calgary, les gens de L'Abattoir à Vancouver, etc. Il y a un paquet de stars-chefs qui prennent d'assaut la couleur canadienne et c'est fantastique », soutient Danny St Pierre.

La gastronomie montréalaise se porte très bien, assure Antonio Park. « Elle va toujours être en santé à Montréal. Les cuisiniers passionnés qu'on a à Montréal, c'est incroyable ! », s'enthousiasme-t-il. Néanmoins, Toronto est en train de devenir une des plus grosses villes du monde, rappelle-t-il. « C'est sûr que la cuisine monte, c'est très beau à voir ! », se réjouit-il.