Je ne sais plus exactement quand j'ai compris que mon désir d'adorer d'amour le restaurant Maggie Oakes venait de prendre le bord.

Peut-être est-ce dès notre arrivée, quand on est restés plantés dans la porte donnant sur la place Jacques-Cartier, par où l'on était entrés, à humer les problèmes de ventilation et à attendre en vain, pour finalement comprendre que l'hôtesse était plutôt stationnée à l'autre bout de la salle, là où entrent les clients de l'hôtel William Gray auquel ce restaurant est attaché.

Peut-être est-ce quand j'ai lu sur le menu qu'on servait du gravlax - un plat de poisson cru mariné - «poêlé»...

Peut-être est-ce quand on est venu nous servir un côtes-du-rhône d'une bouteille bien entamée, sans nous le faire goûter, pour qu'ensuite on réalise, à la première gorgée, qu'il était bouchonné.

Peut-être est-ce quand le serveur a insisté pour nous servir lui-même notre pièce de boeuf vieilli «tomahawk» à 110 $ et qu'il a fait tomber mon premier morceau sur la table, avant de le reprendre et de le remettre illico dans mon assiette, un peu comme s'il respectait la règle des 15 secondes longtemps suivie quand mes enfants faisaient choir un biscuit ou un bonbon par terre.

Quelque part dans tout ça, en tout cas, j'ai abandonné mon projet. Pourtant, je rêvais de pouvoir vous en dire des tonnes de bien. Ce restaurant a en effet tant de qualités en sa faveur.

D'abord, il est grand et fonctionne tous les jours pas mal tout le temps, ce qui en fait une destination pratique. On est plusieurs, on est lundi soir ou dimanche après-midi? Hop, c'est ouvert c'est sûr, et il y a de bonnes chances d'y trouver de la place. Il sera même ouvert le 24 décembre! Juste pour ça, tout lieu proposant de quoi manger et boire quand tout est fermé ailleurs gagne des points.

Ensuite, le Maggie Oakes a un style intéressant. Un peu Art déco. On sort des sentiers ultrabattus du vintage élégamment dépareillé éclairé aux ampoules nues. Ici, les banquettes, le laiton, le marbre évoquent plutôt les diners du siècle dernier. Un mur végétal ajoute à l'ensemble une note actuelle. Et des écrans permettent de regarder le match du jour quand on s'assoit au bar. Le détail n'est pas inintéressant si quelqu'un dans votre entourage proche, par exemple, s'intéresse au football, au hockey, au basket ou aux élections.

Autre qualité, ce restaurant fait partie d'un hôtel qui a de la gueule. Je n'ai pas visité les chambres du William Gray, mais le hall est franchement très cool avec ses fauteuils façon années 50 et sa cheminée minimaliste. Et l'hôtel, en plus d'avoir des produits Le Labo, critère sinon de coolitude du moins d'un effort vers la modernité éminemment fiable, est décoré d'oeuvres de l'artiste montréalais Steve Spazuk. Encore de bons points ici.

Oh, et j'oubliais, le café de l'hôtel est signé Olimpico - exactement comme dans le Mile End - et la boutique de l'hôtel est une succursale d'OTH, les rois de la chaussure de course du moment et de tout autre vêtement «hip» pour ne pas dire «lit» du centre-ville.

Vous comprenez donc que le Maggie Oakes arrivait avec bien des attentes.

Vous comprenez donc aussi que lorsque j'ai vu qu'il y avait, en snack, une trempette aux poivrons et au fromage Oka, je ne m'attendais pas à l'arrière-goût évoquant le Velveeta. J'espérais même, je l'avoue, quelques crudités pour en profiter, pas juste des croûtons. Aussi, je plaide coupable, quand le serveur m'a dit que la viande - qu'on fait vieillir bien ostensiblement dans une vitrine, en pièces format Pierrafeux, avis aux végétariens sensibles - était accompagnée de légumes du «marché», je n'ai pas pensé que ça viendrait avec des asperges. Elles étaient grillées et minces, correctes, mais des asperges du «marché»? En décembre? Vraiment? Le chef Derek Bocking - participant à Top Chef 2011 - n'avait-il pas dit qu'il voulait faire de la cuisine de saison?

Peut-être, surtout, que j'aurais dû me taire, ne pas noter tout cela et seulement me rappeler le positif: les épinards tout simples en tombée avec la viande, la soupe à la patate douce et aux poireaux, de saison, savoureuse, parfaitement onctueuse, la rémoulade de chou à la pomme, très salée, avec copeaux de cheddar de l'Île-aux-Grues et «lardons» de canard, mais remplie de bonnes et fraîches intentions.

Le gravlax «poêlé»? J'avoue que je ne l'ai pas essayé.

Au dessert, on a opté pour deux créations qui se ressemblaient, toutes les deux bien sucrées et chocolatées: des s'mores glacés à la crème glacée à la bière - donc chocolat, guimauve, crumble - et un fondant au chocolat avec glace à la noisette... Rien pour gagner un concours de légèreté ou de pâtisserie parisienne, mais tout pour faire plaisir aux becs sucrés en quête de valeurs sûres.

Entre ça, le steak juste assez saignant, les petites pommes de terre grillées et un verre de la très correcte deuxième bouteille de côtes-du-rhône de la maison Chapoutier, on peut dresser un bilan sympathique du repas. Probablement mieux, en tout cas, que bien des tables touristiques des environs. Et peut-être que si vous cherchez un établissement ouvert le 24 décembre, cela demeure une option. Mais pour l'enthousiasme débridé, ça ne sera pas cette semaine. On s'en souhaite plein en 2017.

Photo François Roy, La Presse

Les banquettes, le laiton et le marbre créent une ambiance qui rappelle celle des diners du siècle dernier.

Maggie Oakes, 426, place Jacques-Cartier, Montréal, 514 656-6000.

Notre verdict

Prix: Entrées de 6 $ à 18 $, plats de 15 $ à 29 $, immenses pièces de boeuf de 54 $ à 59 $ par personne...

Carte des vins: Peu de vins au verre, sinon carte variée aux valeurs sûres en tous genres joliment exposées dans un cellier vitré.

Service: Affable et sympathique mais quelques lenteurs et difficultés côté vin... Une bouteille bouchonnée, ça arrive, mais c'est pour ça qu'on doit le faire goûter avant de servir.

Atmosphère: Lieu très grand, fréquenté par bien des touristes du Vieux-Montréal. On y va pour des repas en grand nombre... Atmosphère bien différente de celle feutrée, plutôt bobo, de l'hôtel adjacent, le William Gray, et de son café Olimpico.

On aime: Les heures d'ouverture, l'espace.

On aime moins: Plusieurs anomalies dans les assiettes et dans le service.

On y retourne? Pas tout de suite...

Photo François Roy, La Presse

Les bouteilles de vin sont joliment exposées dans une cave vitrée.