Je n'avais pas envie de sortir. Pas envie d'affronter ce dimanche soir sans saison, juste froid, confite dans une envie de rester dans mes pantoufles pour une séance intensive de cocooning ou de hygge, peu importe, tant qu'on n'a pas à aller dehors.

En plus, je voyais bien que l'adresse était en plein dans la partie naguère hyper courue mais maintenant délaissée de la rue Saint-Denis, près de Rachel, là où c'est pas toujours facile de trouver où se garer, là où on a été traumatisés par la construction, là où on ne sait plus où sont les sens uniques...

Vous voyez combien ça me tentait.

Sauf que voilà. Il fallait aller essayer ce restaurant du nom de Chasse-galerie, comme la légende québécoise racontant une histoire de canot volant à cause d'un certain pacte avec le diable. Pas le choix. Il y a des choses qu'on peut faire en télétravail, mais manger au restaurant n'en fait pas partie.

Je suis donc partie avec une petite bande de supporteurs et quand on a réussi à trouver du stationnement tout facilement, tout calmement, sans le moindre embouteillage et sans souci, il était déjà clair que la soirée était quand même bien lunée.

Je ne peux pas dire que l'aménagement du restaurant m'ait bouleversée de prime abord, surtout qu'il y avait dans l'air une odeur à la fois de poisson et de produit nettoyant qu'on aurait aimé voir chassée par un meilleur système d'aération. Le niveau de décibels était élevé, fête de Noël de bureau à toutes les tables oblige. Un homme à côté de nous, d'ailleurs, parlait franchement joyeusement.

Puis les serveurs, en commençant par le copropriétaire Vianney Godbout, ont commencé à venir s'occuper de notre petite équipe et, tout de suite, on a senti dans leur attention à la fois un professionnalisme et une humilité toute sympathique qui ont donné le ton au reste de la soirée.

Le Chasse-galerie, ouvert il y a quelques mois, n'est pas un restaurant de mode, surtout pas d'esbroufe non plus. C'est un lieu de gens qui connaissent bien leur métier, du service à la sommellerie, et qui, en cuisine, maîtrisent de nombreuses techniques. Le chef Claude Le Bayon et le pâtissier Aurélien Kerzerho ont appris une bonne partie de leur métier en Bretagne, à la bonne école, notamment chez des étoilés français, et ça paraît. Et ces gens ont choisi tout simplement de mettre ici ce savoir au service d'une restauration conviviale. Le tout donne un restaurant à la fois accessible et fin et une cuisine créative et juste.

Pour avoir une bonne idée du registre du chef, on a pris le menu dégustation à six services, pour 69 $, qui a commencé par un amuse-bouche comprenant un mini-éclair à la mousse de chèvre flanqué d'un petit bol de crème de salsifis, doucement hivernale, coiffée d'une feuille d'huître et de caviar. D'entrée de jeu, le style du repas était lancé: saisonnier, laissant place au sucré même dans les plats salés et laissant place, de façon plus générale, aux techniques de pâtisserie.

Le plat qui a suivi, par exemple, un ensemble de meringue et de mousse de foie gras ponctuée de yuzu confit, où l'on avait intégré de petits morceaux de foie gras poêlé, ressemblait à un dessert. Et des petites meringues très fines, à l'oignon caramélisé cette fois-ci, il y en avait aussi avec le plat de cerf impeccablement cuit, juste assez bleu.

Rien n'est nu ou minimaliste ici, les plats sont composés de nombreux ingrédients, mais il y a de l'équilibre et lorsqu'on essaie une acrobatie technique, on la réussit. Et tout est servi dans de la céramique artisanale signée Catherine Auriol (la céramiste de Gaïa qui a aussi conçu la vaisselle du Mousso), à la fois rustique et élégante. C'est fort agréable.

À la table, certains ont trouvé le plat de foie gras trop sucré, alors que pour d'autres, c'était le bonheur total. Certains ont adoré la purée de pommes de terre avec poêlée de pleurotes et pieds-de-mouton, coiffée de beurre noisette, un plat d'automne juste parfaitement savoureux et réconfortant, mais d'autres ont trouvé le goût des truffes en râpures trop prononcé.

Une personne pas particulièrement adepte de poisson a quant à elle dévoré le flétan, un poisson à chair ferme et soyeuse, qu'on grille avec la peau si justement qu'on la dévore comme une croustille.

Photo Alison Slattery, fournie par le restaurant Chasse-galerie

Le flétan, un poisson à chair ferme et soyeuse, est grillé avec la peau, qu'on dévore comme une croustille.

De façon générale, le soin mis dans les plats et la qualité de la préparation nous a ravis. Et c'était clair même avant d'avoir goûté aux fabuleux desserts: une composition à la courge, où un anneau de praliné feuillantine à la noisette est garni de ganache de chocolat blanc, de déclinaisons de textures de courges (confit, en gel, graines torréfiées), de gel de chai et de meringue à la cannelle. L'autre dessert, tout aussi spectaculaire, est composé d'une demi-sphère parfaitement luisante de chocolat noir aromatisée à la cardamome verte qui cache notamment une panna cotta au sapin et du caramel au beurre salé, le tout déposé sur un biscuit au chocolat. Même la toute petite décoration façon tuile en chocolat avec poudre de sapin termine l'expérience avec doigté.

Bravo à ce nouveau venu déjà un peu légendaire.

Chasse-galerie. 4110, rue Saint-Denis, Montréal, 514 419-9601. http://www.lechassegalerie.com/

Notre verdict

Prix: On propose un menu, par personne, trois services à 49 $ six services à 69 $ et la totale à 109 $.

Carte des vins: Bien travaillée sans être immensément longue - et sans obsession pour les vins nature - avec quelques options au verre. Mais surtout un super sommelier qui explique bien les différentes options et qui tient à répondre aux goûts des convives.

Service: Professionnel et impeccable, sympathique et efficace, autant pour les plats que pour le vin.

Déco et ambiance: Un plafond bas, des meubles en bois et de la vaisselle toute en céramique faite à la main, particulièrement jolie, de chez Gaïa donnent au lieu des airs rustiques joyeux. On dirait un tout petit retour aux années 70.

On aime: La qualité du service et de la cuisine.

On aime moins: De petits problèmes de ventilation.

On y retourne? Oui.

Photo Alison Slattery, fournie par le restaurant Chasse-galerie

Dans le dessert à la courge, un anneau de praliné feuillantine à la noisette est garni de ganache de chocolat blanc, de déclinaisons de textures de courges (confit, en gel, graines torréfiées), de gel de chai et de meringue à la cannelle.