Installé rue Notre-Dame dans Saint-Henri, un tout petit peu à l'est du square Sir-George-Étienne-Cartier, Chez Lavigne est un restaurant de quartier qui aime le vin.

Sa carte a été sélectionnée par Steve Beauséjour, de l'intrépide agence réZin, et compte autant des crus de Moravie du Sud (République tchèque) que du Québec, en passant évidemment par la France et l'Espagne et d'autres terres plus traditionnelles. Pour encourager les essais, si on prend deux verres d'un même vin, on peut même choisir n'importe quelle bouteille.

Le ton est celui de la découverte de vins qu'on n'appelle pas nature ou bios, mais plutôt «vivants».

Sur un mur, on affiche une petite collection de verres anciens. Si le fruit de la treille version très actuelle vous intéresse, c'est un arrêt obligé.

Côté menu, après avoir démarré en proposant un concept «nordique», le restaurant cuisine maintenant surtout des produits du terroir québécois avec un nouveau chef, Olivier Caza Berthelet, un cuisinier formé à l'École hôtelière de Laval qui a notamment travaillé à l'ancien Van Horne et chez Les Affamés. Pensez oursins du bas du fleuve, pintade de Saint-Michel-de-Bellechasse, riz sauvage, omble chevalier de Gaspésie...

Le lieu est aménagé avec goût. Banquettes de couleurs sobres, bar circulaire, immenses fenêtres s'ouvrant sur le trottoir comme autant de portes de garage vitrées.

L'espace est calme et on peut aisément s'entendre en parlant.

Si vous cherchez un lieu où fuir les clameurs des troquets à la mode pendant l'été, ceci peut aisément être une paisible option.

À peaufiner

Ce restaurant, bref, a plusieurs ingrédients qui jouent en sa faveur. Dommage qu'on en reparte sans être emballé. Comme si la cuisine avait encore besoin d'ajustements, de peaufinage. On sent d'immenses efforts et beaucoup de bonne volonté, beaucoup de bonnes idées, mais on l'aimerait plus franche dans ses saveurs et moins compliquée côté présentation.

Les oursins du bas du fleuve, par exemple, sont servis sous une mousseline de chou-fleur fumé qui assomme un peu les parfums vanillés et iodés du coquillage. On sent leur texture douce, mais ils se perdent un peu sous leur garniture.

Le saumon à 37 degrés? Sa texture est à la fois ferme et fondante puisqu'on l'a cuit à très basse température, mais le caviar de saumon qui l'accompagne résonne très fort à ses côtés avec son amertume, tandis que des sauces-gelées à la coriandre et aux agrumes n'arrivent pas à imposer leur acidité parfumée. En revanche, le concombre offre la fraîcheur requise tandis que des grains de riz sauvage soufflés ajoutent des notes croquantes et torréfiés.

Les tortellinis aux épinards avec fromage de chèvre et poireaux? Lourds, coriaces. Une belle idée avec des difficultés d'exécution.

Offre intéressante

En plat principal, l'offre est intéressante. On a aimé le porc de la ferme Nordest, offert parfaitement rosé, laqué à l'érable et servi avec carottes, oignons et de grosses tranches de pleurotes eryngii, ces énormes champignons charnus. Un plat simple mais sans faille.

L'assiette d'omble chevalier, avec champignons armillaires, brocoli, fines tranches de radis rouges et noirs, est aussi fort sympathique, d'abord et avant tout parce que le poisson est cuit juste suffisamment à l'unilatérale, afin que l'on puisse croquer dans la peau comme dans celle d'un poulet bien doré.

Au dessert, il y a deux options, deux plats compliqués où les présentations sont plus spectaculaires que les saveurs. Gâteau aux carottes réinventé, gâteau forêt-noire déconstruit aussi. L'idée de décomposer ces classiques pour isoler leurs ingrédients - une pommade de cerise ici, une crème anglaise par là, une tuile de sucre au poivre rose un peu lourde par là encore - a trop été vue pour qu'on la propose à nouveau sans nous épater réellement.

Dommage. Un peu comme pour tout le repas, on aimerait que la précision, l'effort, le souci de bien faire apportent de meilleurs résultats.

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Chez Lavigne, 4280, rue Notre-Dame Ouest, Montréal, 514 939-1111, http://www.chezlavigne.com

Prix: entrées entre 10 $ et 15 $. Plats entre 21 $ et 28 $. Desserts 9 $.

Carte de vins: pas immensément longue mais très originale et remplie de crus «vivants» donc très actuels, dont du vin québécois. On n'est pas dans les lieux communs, loin de là.

Service: efficace, gentil.

Atmosphère et décoration: de grandes fenêtres, des banquettes multicolores, un bar circulaire donnent au lieu une chouette allure de bistro réinventé. Comme c'est encore plutôt confidentiel, on en profite car le niveau de décibels est peu élevé.

Plus: le décor, l'originalité de la carte de vins, l'envie de bien faire les choses.

Moins: la cuisine n'est pas encore au point, les saveurs pas assez franches.

On y retourne? Pas tout de suite.

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, LA PRESSE