Si vous cherchez un endroit discret dans un restaurant pour avoir une rencontre secrète à deux ou à quatre, j'ai trouvé le lieu idéal.

C'est la table du fond à gauche au Diplomate, rue Beaubien Ouest, dans le Mile-Ex.

Le quartier est peu connu. Le restaurant est un secret bien gardé. Et la table est carrément nichée dans un mur. On y est à l'abri de tous les regards même si la vue sur l'arrière-boutique par la paroi vitrée n'est pas idéale.

Vous pouvez y faire tout le maraudage professionnel ou personnel que vous voudrez, ourdir mille plans dans cette niche et personne ne le saura, c'est à peu près certain.

Et le repas, en passant, sera pas mal du tout.

Le Diplomate, c'est la nouvelle table du chef Aaron Langille, qu'on a connu jadis au Filet et au Club Chasse et Pêche, mais surtout au café Sardine, dans le Mile End, où il a pendant quelque temps décliné les idées accrochées durant un bref stage à Noma, à Copenhague, épicentre de la nouvelle cuisine nordique. On l'a revu récemment chez Orange Rouge, dans le Quartier chinois.

Au Sardine, il faisait de jolies choses. Chez Orange Rouge, le casting asiatique n'allait pas du tout et le restaurant est devenu formidable après qu'il soit parti.

Et Aaron Langille est revenu à ce qu'il fait bien au Diplomate, c'est-à-dire une cuisine déjantée plutôt du Nord, mais qui refuse de suivre des codes et références culturelles et qui réussit néanmoins le tour de force de rester savoureuse et surtout de ne pas tomber dans le n'importe quoi. Même si on frise parfois le danger.

La toute petite huître mi-cuite au scotch qu'on nous a servie d'entrée de jeu, par exemple, n'était pas particulièrement brillante - pourquoi changer une texture gagnante - et m'a tout de suite inquiétée, surtout qu'on venait de servir du pain avec du bouillon de poivron déconcertant et de l'huile de tournesol, délicieuse au demeurant. Mais les craintes se sont dissipées quand est arrivé un plat de calmars taillés en tagliatelle, ponctués de jaune d'oeuf confit, d'huile d'estragon et de truffe d'été. Une jolie combinaison improbable de parfums complémentaires, qui fait réellement penser à un plat de pâtes à la texture soyeuse.

Les palourdes, servies avec de l'origan frais et une sauce pimentée, se sont aussi laissé manger toutes seules, surtout qu'elles étaient accompagnées de feuilles vertes franchement surprenantes, charnues, fraîches, qui répondent au doux nom de ficoïde glaciale. À essayer cet été.

Le plat de chou de Bruxelles avec crème fraîche infusée au citron vert et aux tranches de chorizo, cette saucisse ibérique pimentée et fumée, nous a tout de suite intéressés, car il sortait des sentiers battus, surtout grâce aux saveurs d'agrumes.

C'est probablement le magret de canard, servi avec arachides, morceaux de céleri et grains de seigle, qui prenait le plus de risques, celui dont je craignais vraiment que ce soit une combinaison improvisée sans réel sens. Mais le plat créait une sorte de rapprochement Nord-Sud, où le seigle jouait le rôle des terres froides alors que l'arachide évoquait la Chine ou la Thaïlande, tandis que le céleri jouait les arbitres. On l'a dévoré.

Le plat de porcelet était lui aussi inspiré par les voyages orientaux du chef. On le proposait avec pâte de crevette, un peu de curry, des minicrevettes séchées... Ce n'était pas l'assiette la plus élégante du repas, mais on ne pouvait pas dire que les saveurs n'étaient pas soutenues. Et la viande avait toute la tendresse attendue.

Au dessert, la crème brûlée au sésame noir servie avec granité au laurier a clos le repas sur une note franchement élégante. On est repartis en souriant.

Notre verdict

• Prix: petites assiettes à partager, façon tapas, entre 10 $ et 14 $

• Carte de vins: des bouteilles bien choisies, de producteurs indépendants d'un peu partout, à prix souvent abordables.

• Déco: du liège, du bois, des tuiles noires, de l'inox... Le lieu est tout en long et la plupart des places assises sont au bar, d'où on peut voir les cuisiniers travailler dans leur espace ouvert. On est ici dans un troquet, pas une table chaleureuse où traîner. Les prix, très abordables, sont en conséquence.

• Service: sympathique, pas compliqué. Souvent, c'est le chef qui vient porter ses plats et expliquer la démarche.

• Un plus: les plats pas chers, surprenants, savoureux.

• Un moins: certaines assiettes pourraient être plus précises et la déco un peu plus accueillante.

• On y retourne? Oui, pour un repas au bar, pas cher, pas compliqué.

Le Diplomate

129, rue Beaubien Ouest, Montréal, 514 303-9727

PHOTO BERNARD BRAULT, LA PRESSE

Le quartier où est situé le Diplomate est peu connu. Le restaurant est un secret bien gardé.

PHOTO BERNARD BRAULT, LA PRESSE

Le Diplomate sert une cuisine déjantée plutôt du Nord, mais qui refuse de suivre des codes et références culturelles.