On ne pourra pas accuser ce petit bistro du Plateau de ne pas porter son nom: Cantine. Car l'intitulé fait référence à un lieu de «nourritures infantiles» d'autrefois qu'on servait aux employés de manufactures pour les alimenter de manière économique et surtout fortifiante. Des plats, que de nos jours on s'évertue de plus en plus à immortaliser en les réinterprétant.

Cela a peut-être commencé avec la «poutine» de Martin Picard du Pied de cochon dont on a fait grand cas par son addition de foie gras. Mais d'autres l'ont fait depuis avec les pâtés chinois, fricassées et autres plats emblèmes de la culture populaire nord-américaine. On peut se demander si ces aliments valent qu'on s'y intéresse.

En tout cas, cette Cantine s'est attachée à ces petits plats d'origine modeste et leur a fait faire un sacré bond en avant, mélangeant l'hier et l'aujourd'hui avec abandon et un brin d'esprit. Au milieu d'un décor où vous êtes presque assis sur les genoux de vos voisins (et par conséquent, entendez leurs chuchotements et semonces), il vous prendra de rêver à l'Expo 67 tant le mobilier en cuir blanc, les murs aux graphiques rectangulaires, les luminaires et tapisseries rappellent l'esthétique vintage de l'Habitat de Moshe Safdie.

Un regard au menu et on comprend que les patrons ont le sens de l'humour (et de la dérision). Leur objectif: rendre hommage à des plats qui forment l'héritage gastronomique collectif de tous les Québécois, qu'ils soient de la classe ouvrière ou non. Ces plats revus et corrigés font appel à des produits modernes et plus frais, et certainement plus réconfortants que la tambouille habituelle archiconnue, ancêtre de nos restos rapides.

On commence avec une «soupe of the D», crème de courge un peu fade à laquelle il manque le sel et quelques autres assaisonnements qui en feraient autre chose qu'une trivialité de plus. Sa texture s'approche davantage du jus d'orange que du jus de tomate, ce n'est pas très engageant. En général quand on ne reconnaît pas le légume dont est fait une soupe, il y a problème. Heureusement, les rillettes de sanglier et de cerf ont un goût puissant, une texture souple, mais brute. Cette terrine s'accompagne d'une sorte de confiture de prunes absolument délicieuse et pas trop sucrée. Autre entrée, dans le mode «aventure», les «pogos» où l'on trouve de la saucisse de sanglier (insipide) enrobée de pâte à frire à la bière, et qu'on doit tremper dans une sauce au miel, déclinée en quatre petits dumplings frits sur un bâton. L'assiette est joliment présentée, les bouchées crépitent de chaleur, à peine émergent-elles du bain d'huile, mais le plat est sans intérêt, autre qu'anecdotique.

Passons aux choses sérieuses. D'abord le «poulet tabarnakos (sic!)», poitrine marinée dans la tequila et la lime, servie sur des linguines sautés aux légumes. La viande dégage un goût de savon alcoolisé, aucune trace d'acidité, c'est un peu loupé ou à tout le moins, on l'oublie vite et on relègue au chapitre des iniquités gastronomiques. Coq au vin, annonce notre serveur, bof! C'est vite fait, ça ne goûte pas grand-chose et c'est un peu humiliant pour ce grand braisé classique. Le club sandwich au canard et tomates confites a bonne gueule, c'est le meilleur de la carte, malgré une mayonnaise de la couleur d'un coucher de soleil tropical. Le midi, un «kraft dinner» nouveau genre aurait pu laisser un meilleur souvenir s'il avait été réalisé avec des produits de qualité. C'est bien le drame avec ces restos qui veulent refaire le monde. Encore faut-il savoir faire le marché!

En finale, le pudding chômeur a un parfum caramélisé, mais manque de sauce, de caramel quoi. Bref, on a le sentiment ici qu'il manque un peu de quelque chose à un peu tout. Comme un robinet d'où s'écoule les idées, mais sans verre pour mettre en dessous!

Cantine

212, avenue du Mont-Royal Est

Montréal

514-750-9800


On y retourne? Considérant que ce n'est pas bien cher, que la volonté de bien faire est manifeste, que le resto est vachement sympa, oui avec réserve. Ce n'est pas de la grande ni même de la moyenne cuisine, sachez-le tout de même!

Prix: les midis, on propose une formule à 13$, le soir c'est plus compliqué, mais on s'en tire pour 30$ en moyenne, un peu plus si on ajoute le vin et un dessert. Bref, à trois, vous dépasserez à peine le billet de 100$, tout inclus.

Faune: si vous cherchez du «people» façon Plateau, vous serez servi. Quelques visages connus, aperçus sur une scène, beaucoup de belles fringues, des amoureux bien peignés bras dessus, bras dessous.

Décor: très fin des années 60, couleur criarde, orange, brun, vert, évoquant une époque épeurante et joyeuse à la fois. Mobilier inspiré et confortable. Bref, une ambiance.

Service: sympathique, bien habillé, drôlement gentil.

Vin: quelques petits crus communs (quatre par catégorie tiens!) mais facturés très correctement.

+ La petite boutique attenante qui offre café et autres trucs qu'on a tendance à oublier.

- Le manque d'intimité.