On ne peut pas dire que depuis son ouverture, il y a trois ans, le restaurant de l'hôtel St. James, le XO, a connu beaucoup de stabilité. Le chef qui l'a lancé, Jérôme Ferrer, n'est pas resté. Celui qui devait le remettre sur les rails, Éric Gonzales, a lui aussi quitté.

Et nous voilà avec encore un nouveau chef, Mike Mercury, qui apporte cette fois une touche italienne au menu de l'opulente table, jusque là toujours plutôt française.

 

D'un chef à l'autre, le style général cependant demeure: cuisine minutieuse et recherchée, nappes blanches, service très professionnel, prix élevés.

Le pari de continuer dans cette voie est risqué, car c'est ce type de restauration qui connaît le plus de difficultés actuellement à Montréal et même ailleurs dans le monde. On en a parlé amplement dans la foulée de certaines fermetures, que ce soit celle d'Anise ou des Chèvres ou d'Area. Les tables qui roulent sont celles proposant une approche relaxe, terroir, avec produits de qualité, mais sans facéties, pas celles qui ont l'air d'aspirer aux étoiles Michelin.

Évidemment, on voit mal l'hôtel St. James transformer son restaurant en brasserie, surtout avec son riche décor baroque. Il se doit donc de rester dans le très chic. Mais il se doit aussi de s'assurer que le service et la cuisine correspondent au standing imposé par les lieux. Et encore plus, par les prix demandés.

Or, c'est là le très ardu défi qu'il semble avoir de la difficulté à relever. On a chez XO une belle expérience. Le service est courtois, la cuisine est plutôt bien faite et originale. Mais est-ce la perfection à laquelle on est en droit de s'attendre lorsque la note finale est de plus de 100$ par personne?

Pas tout à fait.

Par exemple, plutôt que de changer le menu selon les arrivages du jour, on nous présente un menu pour nous dire ensuite que tel plat a été remplacé par... Aussi, pratiquement chaque fois que l'on nous a apporté un plat, on l'a d'abord déposé devant la mauvaise personne. Une fois, un serveur a même dû aller en cuisine vérifier la nature du contenu de l'assiette qu'il venait de nous apporter. Et c'est sans parler de cette théière arrivée sur notre table plutôt que sur celle de la voisine qui l'attendait.

Sur la bonne voie

Heureusement, la très grande gentillesse des serveurs nous permet rapidement d'oublier ces détails, mais une petite impression d'amateurisme demeure.

La cuisine aussi est sur la bonne voie, mais pas encore à destination. En entrée, par exemple, un poulpe braisé et grillé, très goûteux grâce à une sauce presque laquée, à base de sirop d'érable, résiste trop sous la dent et contraste trop avec la délicatesse parfaite de morceaux de poulet cuits sous vide

En revanche, le pétoncle cru en ceviche au yuzu est frais et délicat, accompagné de suprêmes de mandarines et délicatement salé par de minuscules dés de sauce soja en gelée.

En plat principal, la morue noire, un poisson gras et savoureux, qui fond sous la dent, est servie presque en croûte, déposée sur des champignons et une généreuse quantité d'une sauce émulsionnée qui ressemble à une hollandaise oxygénée. Le plat est sur la bonne voie mais sa présentation manque de couleur. Le veau - une combinaison de filet et de côte - est quant à lui décevant puisque sa cuisson n'a pas réussi à le faire tendre et juteux.

Au dessert, la mousse au chocolat au lait n'a pas la consistance d'une mousse, mais plutôt d'une soupe, déposée sur un croquant de biscuit au chocolat. C'est frais, délicat et franchement réussi. Il ne reste que le nom à peaufiner.

Bref, un repas plutôt bien, mais qui n'éblouit pas, dans un contexte sans humilité - on n'a qu'à penser aux deux énormes X O rutilants au milieu de la salle - qui ne nous donne donc malheureusement pas de raison d'être indulgent.

 

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XO

355, rue Saint-Jacques

Montréal

514-841-3111


Prix: 225$ pour deux, tout compris. Comptez une bonne trentaine de dollars pour les plats principaux et une vingtaine pour les entrées.

Carte de vin: intéressante. Choix limité mais recherché de vins au verre dont certains en importation privée. On n'hésitera pas, d'ailleurs, à vous faire goûter la nouveauté du jour.

Décor: opulent, façon Palm Beach ou Newport, vases en ivoire chinois surdimmensionnés et palmiers géants inclus.

Ambiance musicale: on fait jouer du techno-lounge dans un lieu et un décor où on s'attendrait à écouter du piano ou toute autre musique classique sophistiquée.

Faune: clients de l'hôtel, couples d'un certain âge, le genre qui porte le collier de perles et la chaussure Tods, et pourquoi pas un corsage Oscar de la Renta.

Service: attentionné et motivé, malgré de légères maladresses.

Plus: la gentillesse des serveurs.

Moins: une cuisine et un service légèrement en deçà de ce à quoi on s'attend dans cette gamme de prix et dans ce genre d'ambiance.