Elle est arrivée, l’attendue saison des petits fruits du Québec ! Si on adore les déguster frais, il est aussi intéressant de les transformer pour savourer leur goût exceptionnel toute l’année durant. Envie de vous y mettre ? Voici quelques trucs, astuces et recettes pour mettre l’été en petits pots.

Pour Camilla Wynne, les confitures et les conserves, c’est plus qu’un passe-temps, c’est une passion ! La pâtissière de métier, qui a commencé sa carrière auprès de Patrice Demers au restaurant Les Chèvres puis qui a aussi travaillé avec Stéphanie Labelle chez Rhubarbe, avoue avoir développé au fil des ans une véritable obsession.

PHOTO FOURNIE PAR CAMILLA WYNNE

Camilla Wynne

« C’est avec Patrice Demers que j’ai fait de la marmelade la première fois. Puis, je me suis enseigné avec des livres à faire des confitures. Une fois que tu commences à mettre en pot, tu ne peux pas t’arrêter ! », lance-t-elle en riant.

C’est d’ailleurs parce qu’elle avait beaucoup trop de pots de confitures chez elle qu’elle a fondé à Montréal, en 2011, Preservation Society. Elle y vendait ses confitures, gelées, marmelades, chutneys et marinades, se distinguant par son approche locale, saisonnière et par ses amalgames de parfums originaux et étonnants.

PHOTO MICKAEL A. BANDASSAK, FOURNIE PAR PENGUIN RANDOM HOUSE CANADA

Il y a mille et une façons de mettre les petits fruits en pots.

Aujourd’hui déménagée à Toronto, elle a dû cesser les activités de son entreprise, mais continue d’offrir des ateliers et formations pour ceux qui veulent s’initier à l’art de la conserverie. Elle a publié l’an dernier Jam Bake, véritable petite bible pour tous ceux qui désirent apprendre à faire leurs propres confitures à la maison et à les utiliser dans diverses recettes.

Et non, contrairement à ce que bien des gens craignent, ce n’est vraiment pas si compliqué, ni si long à faire.

Comme la confiture est mise en pot très chaude, il n’est pas nécessaire de faire bouillir les pots pour les stériliser. C’est donc beaucoup plus rapide ! On n’est pas obligé de se lancer dans une grande entreprise de plusieurs heures et on peut faire seulement un ou deux pots à la fois si on veut.

Camilla Wynne

Respecter le petit fruit

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, LA PRESSE

Vincent Paris, fondateur de Confiturerie Tigidou

Le saviez-vous ? Pour pouvoir commercialiser un produit sous l’appellation « confiture » au Canada, il faut que la préparation corresponde à des critères stricts, avec un pourcentage minimum de fruits – variant de 45 % à 52 % selon le type de fruit – et un minimum « d’extraits solubles » – dont de sucre – à environ 66 %. Si le produit ne respecte pas ce ratio, il ne peut apposer le terme « confiture » sur son étiquette.

Sise à l’île d’Orléans, Confiturerie Tigidou est spécialisée en confitures et gelées de fruits, des créations plus classiques aux plus funky. Les fines concoctions offertes à la boutique attenante à l’atelier de fabrication sont cuisinées au « petit chaudron, sans pectines ajoutées », explique Vincent Paris, confiturier et fondateur de l’entreprise.

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, LA PRESSE

La Tite Fraise, confiture emblématique de Tigidou

Sa fameuse confiture Tite Fraise, moins sucrée que la moyenne, à base de sucre de canne bio, citron frais et fraises de l’île, est devenue une « légende chez Tigidou » – et a aussi été nommée meilleure confiture aux fraises au Québec par le magazine Ricardo, l’automne dernier. Sa texture « moins gélifiée » surprend, de la bonne façon !

« Pour nous, c’est une fierté d’offrir des produits moins sucrés, frais et sans agents de conservation. Il y a huit ans, quand on a commencé, on se faisait dire que ce n’était pas correct, que ce n’était pas de la vraie confiture », se remémore-t-il.

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

La groseille contient naturellement beaucoup de pectine.

Les perceptions commencent à changer, fait écho Camilla Wynne, mais il y a encore cette idée répandue comme quoi une « vraie » confiture devrait avoir une texture de gelée. « Une gélification moins ferme, c’est bon aussi ! Il faut juste changer notre façon de voir la confiture. Si on va en France, on aura différentes textures de confitures selon le fruit utilisé, car on respecte la pectine naturelle du fruit. »

Certains fruits vont avoir naturellement plus de pectine que d’autres et atteindront plus facilement une gélification ferme. Si on ne veut pas ajouter de pectine, on doit donc travailler avec ce que la nature nous donne.

Tout le monde veut faire de la confiture de fraises, mais ce sont des fruits naturellement bas en pectine. Ce n’est pas la confiture la plus facile à faire ! C’est beaucoup plus facile d’obtenir une gélification avec des fruits comme le cassis ou la groseille.

Camilla Wynne

Confiture d’antan

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, LA PRESSE

Mise en pot de confiture de fraises

Afin de pouvoir distribuer ses produits à plus grande échelle, Confiturerie Tigidou va lancer au courant de l’été la Confiture de bonnes sœurs, aux fraises de l’île d’Orléans, qui sera offerte dans plusieurs commerces indépendants de la province, ainsi que dans la boutique. Ce produit reprend une recette traditionnelle québécoise, telle que cuisinée par les sœurs des communautés religieuses à une certaine époque, puis transmise à nos aïeules. « C’est une recette inspirée des temps anciens, alors que les bonnes sœurs concoctaient des confitures pour aider à conserver les récoltes d’été des petits fruits tout l’hiver durant, à une époque où les conditions de conservation étaient bien différentes, avant l’arrivée des réfrigérateurs et des pots hermétiques », détaille Vincent Paris.

Cette confiture, qui contient plus de sucre, est aussi plus abordable. « On sait que la situation économique est plus difficile au Québec et on avait envie d’offrir la possibilité aux Québécois de profiter des fraises de l’île à prix moindre », dit le confiturier.

Jam Bake. Inspired Recipes for Creating and Baking with Preserves

Jam Bake. Inspired Recipes for Creating and Baking with Preserves

Penguin Random House Canada

256 pages

Consultez le site de Camilla Wynne (en anglais) Consultez le site de Confiturerie Tigidou

Cinq conseils de Camilla

Envie de vous initier à l’art de la confiture ? Voici cinq conseils de Camilla Wynne pour partir du bon pied !

1. L’équipement

Il ne faut pas d’équipements très spécialisés pour réaliser des confitures à la maison. Parmi les essentiels : des pots Mason et des couvercles neufs, une plaque à pâtisserie, une maryse en silicone (ou une cuillère en bois), un thermomètre numérique, puis, le plus important, un chaudron à fond épais, plus large que haut, ce qui facilite l’évaporation. Si vous avez envie d’investir, Camilla Wynne suggère l’achat d’une bassine à confiture en cuivre de type Mauviel.

2. Les fruits

Pour un maximum de parfum et de fraîcheur, on utilise des fruits locaux, de saison et idéalement biologiques. Pas le temps de cuisiner ? Vous pouvez congeler vos fruits sans problème. N’hésitez pas à mélanger des petits fruits à haut taux de pectine (cassis, groseilles) avec ceux qui en contiennent moins (fraises, bleuets, cerises). Plus un fruit est mûr, moins il contient de pectine. Il n’est donc pas idéal de faire vos confitures avec des fruits très mûrs. Camilla suggère un ratio de 75 % de fruits parfaitement mûrs et de 25 % de fruits pas tout à fait mûrs.

3. Le sucre et l’acidité

Plus une confiture contient de sucre, plus elle va se conserver longtemps. Le sucre aide aussi à la gélification. Mais avec les méthodes de conservation actuelles, il n’est pas nécessaire d’utiliser, comme dans les recettes d’antan, une quantité égale de sucre et de fruits pour que la confiture se conserve bien. Camilla Wynne utilise une proportion de 50 % à 60 % de sucre, proportionnellement à la quantité de fruits, et ses confitures se conservent environ un an. Quant à la macération dans le jus de citron, elle permet d’activer la pectine naturellement présente dans les petits fruits.

4. La mise en pot

Pour ne pas avoir à stériliser les pots dans l’eau bouillante, le secret est de verser le liquide encore très chaud (90 °C ou plus) dans les pots, de les sceller, puis de les retourner à l’envers 1 ou 2 minutes (ce qui permet de stériliser les couvercles) avant de les laisser reposer 24 heures sans les toucher. C’est ce que Camilla Wynne appelle la méthode « inversion ». Attention : cette méthode fonctionne seulement pour les liquides chauds comme les confitures, les gelées et les marmelades.

5. Prête ou pas prête ?

Il n’y a pas de méthode infaillible pour savoir quand votre confiture est prête. Répétition, patience et observation sont les mots-clés ici. On peut tester la préparation avec une spatule : lorsque la confiture reste « accrochée » à celle-ci (comme si elle était en « amour » avec), c’est probablement prêt. Une autre technique est celle du congélateur : on étale sur une assiette préalablement refroidie au congélateur un trait de confiture, puis on la remet au congélo. Si, après deux minutes, on réussit à tracer une ligne avec le doigt sans que la confiture bouge, c’est le moment de mettre en pot !

Confiture de « bonnes sœurs » aux fraises

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, LA PRESSE

Une confiture de fraises en préparation

Vincent Paris, confiturier en chef chez Confiturerie Tigidou, a accepté de présenter la recette de sa Confiture de bonnes sœurs aux fraises de l’île d’Orléans.

Rendement : 4 pots de 250 ml

Ingrédients

  • 1 kg de fraises du Québec, idéalement de l’île d’Orléans
  • 1 kg de sucre blanc canadien

Préparation

1. Faire baigner les fraises dans une bassine d’eau claire. Déposer les fruits sur un linge propre pour les assécher à l’air frais.

2. À l’aide d’un petit couteau bien aiguisé, équeuter les fraises, puis les couper en moitiés. Les déposer en rangs dans le fond d’une bassine. Les couvrir d’une rangée de sucre. Répéter jusqu’à ce que toutes les fraises et le sucre soient épuisés.

3. Couvrir la bassine d’un linge propre et mettre à l’abri des enfants et des animaux (!). Laisser les fruits et le sucre en épousailles une nuit durant. Ne pas remuer.

4. Le lendemain matin, préparer chaudron, marmite et pots avec couvercles.

5. Mettre au chaudron à feu doux les fraises et le sucre, brasser doucement avec une cuillère de bois. Laisser cuire doucement jusqu’aux premières apparitions d’écume sur le dessus. Brasser régulièrement, sans fracas ni geste brusque. Avec une louche, enlever doucement l’écume et réserver.

6. Pendant ce temps, préparer une grande marmite d’eau bouillante pour y faire tremper les pots.

7. Vous saurez que la confiture est prise lorsque vous en déposerez une cuillère sur une assiette froide et qu’elle glissera doucement comme une crème épaisse.

Empotage

1. Il est important de conserver la confiture et les pots très chauds pour ne pas avoir de mauvaise surprise avec vos confitures, l’hiver venu.

2. Installer une grande table ou une grande surface pour bien travailler, près du poêle, du chaudron, de la marmite d’eau bouillante et des pots avec couvercles. Préparer assez de linges pour y placer tous les pots.

3. Remplir la marmite d’eau bouillante de pots avec leur couvercle. Les laisser tremper 1 minute, puis retirer un pot à la fois avec son couvercle. Remplir immédiatement le pot avec votre confiture, le fermer avec son couvercle, puis le déposer à l’abri, la tête en bas. Refaire cette étape pour chaque pot. Si l’un des couvercles a un défaut, vous vous en apercevrez vite (si c’est le cas, déguster ces premiers pots de confiture rapidement).

4. Identifier vos pots avec la date et le nom de la ferme qui vous a vendu les fraises. Si ce sont vos récoltes, indiquer l’origine ou la variété de vos fraises.

Note : régaler les enfants des nananes de fraise faites avec l’écume de vos confitures, séchée dans une assiette au four.

Confiture Bleu Matin

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Des bleuets en confiture

Lorsque Camilla Wynne avait encore son entreprise Preservation Society, cette confiture de bleuets aromatisée aux grains de café était un de ses meilleurs vendeurs. Elle a accepté de nous donner cette recette qui apparaît dans son livre Jam Bake.

Rendement : 4 pots de 250 ml

Ingrédients

  • 1,5 kg (12 tasses) de bleuets lavés et équeutés
  • 700 g (3 1/2 tasses) de sucre
  • 75 ml (5 c. à soupe) de jus de citron
  • 1 1/2 c. à soupe de grains de café

Préparation

1. Dans un grand bol, combiner les bleuets, le sucre et le jus de citron, puis laisser macérer au moins 15 minutes et jusqu’à 1 semaine, couvert, au réfrigérateur.

2. Préchauffer le four à 250 °F. Sur une plaque allant au four recouverte d’un papier parchemin, déposer les pots tête en bas et enfourner, au moins 20 minutes avant d’être prêt à empoter.

3. Transférer le mélange dans un chaudron. Mettre les grains de café dans une boule à thé ou bien ficelés dans un coton à fromage et ajouter au mélange.

4. Chauffer à feu moyen, en brassant souvent, jusqu’à ce que les bleuets commencent à perdre de leur jus et que le sucre commence à se dissoudre. Verser environ le tiers du mélange dans un mélangeur et réduire en purée (attention, chaud !), puis retourner dans le chaudron.

5. Augmenter à feu moyen-élevé et amener à ébullition, en brassant souvent. Quand la confiture semble prête, enlever du feu et se débarrasser des grains de café.

6. Verser dans les pots en laissant environ de 1/4 à 1/8 de pouce d’espace entre la confiture et le rebord. Enlever les bulles d’air et nettoyer les rebords, si nécessaire, puis fermer hermétiquement et tourner à l’envers pendant 1 à 2 minutes. Retourner et laisser la confiture reposer, sans la toucher, pendant 24 heures.