Passion garde-manger est le premier livre de recettes produit par la brigade créative du chef Yotam Ottolenghi, à qui l’on doit notamment Plenty et Jérusalem. Dans leur cuisine laboratoire à Londres, le chef anglo-israélien et son équipe de l’OTK (Ottolenghi Test Kitchen) ont élaboré les plats qui, souhaitent-ils, agrémenteront et simplifieront notre quotidien. Au menu : créativité, ingéniosité et saveurs métissées. Rencontre (en vidéoconférence) avec l’un des chefs les plus en vue de sa génération et sa coautrice, la chef Noor Murad.

Comment avez-vous abordé la rédaction de ce livre ?

Noor Murad : Faire une série de livres avec l’OTK était dans nos plans depuis longtemps. La pandémie nous a procuré la trame autour de laquelle s’articule ce premier ouvrage. Durant le confinement, tout le monde essayait de cuisiner avec ce qu’il avait sous la main. Nous avons décidé d’en faire notre angle. Créer à partir de ce qu’on a dans le garde-manger est une compétence à acquérir, qu’on soit en pandémie ou non.

PHOTO ELENA HEATHERWICK, FOURNIE PAR KO ÉDITIONS

Yotam Ottolenghi et Noor Murad

Ce livre est visiblement le fruit d’une synergie. Comment élaborez-vous les recettes à l’OTK ?

Yotam Ottolenghi : La collaboration est l’essence même de l’OTK. Chaque chef développe ses recettes, mais beaucoup de conversations ont lieu autour de chacune pour arriver à la pousser plus loin. Après plusieurs essais — qui s’étirent parfois jusqu’à une dizaine —, nous obtenons une version de la recette qui atteint enfin sa cible. Nous l’envoyons ensuite à l’externe, où elle est testée dans un milieu familial. On s’assure donc que nos recettes soient maintes fois analysées, et pas uniquement dans notre environnement.

N. M. : Ce qui est sympathique, c’est que nous avons une équipe très diversifiée. Les chefs de l’OTK proviennent de différents coins du monde et chacun a des forces à apporter au groupe. L’ensemble de nos commentaires permet d’améliorer une recette jusqu’à sa version finale. C’est un processus très rigoureux.

Plusieurs cultures culinaires se marient dans vos recettes. Est-ce un critère dans le choix de vos collaborateurs ?

Y. O. : Je dirais que ça se fait de façon organique. Les chefs de l’OTK sont des gens qui ont travaillé au restaurant Ottolenghi avant de se joindre à l’équipe. Il n’y a pas vraiment un concept sous-jacent, mais plutôt un groupe de personnes qui, ensemble, font l’essence de ce projet. Notre cuisine n’est pas formatée. Nous présentons différentes créations faites avec différentes sensibilités. Nous sommes tous des êtres créatifs et passionnés de cuisine.

Qu’est-ce qu’un bon plat pour vous ?

N. M. : C’est quand on prend une bouchée et qu’on a envie d’en reprendre encore et encore, parce qu’il y a plusieurs couches de saveurs, différentes textures et que chaque bouchée est une surprise. On sait alors que c’est une réussite.

Y. O. : Pour répondre par la négative, je pense qu’une recette ne fonctionne pas quand, à la fin de la journée, personne ne veut partir avec les restants ! [rires]

  • Tarte phyllo au chou-fleur et au cari

    PHOTO TIRÉE D’OTTOLENGHI TEST KITCHEN — PASSION GARDE-MANGER

    Tarte phyllo au chou-fleur et au cari

  • Pois chiches confits tandoori

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    Pois chiches confits tandoori

  • Courgettes grillées avec yogourt chaud et beurre au safran

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    Courgettes grillées avec yogourt chaud et beurre au safran

  • Bananes collantes au miso avec lime et riz grillé

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    Bananes collantes au miso avec lime et riz grillé

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Où puisez-vous vos inspirations ?

N. M. : Je crois que tout le monde dans le Test Kitchen a été très influencé par la nourriture qui l’a accompagné enfant, par la façon dont nos mères ou des membres de notre famille cuisinaient. On part de cette nostalgie, on la modernise et on l’amène dans l’univers Ottolenghi.

Y. O. : En effet. Il y a souvent cette idée de vouloir pousser la technique plus loin en cuisine, mais je trouve que tout est bien meilleur quand ça émane d’une place qui nous fait sentir bien. Manger doit être une expérience agréable et réconfortante.

Y a-t-il des tâches que vous n’aimez pas ou des raccourcis que vous aimeriez pouvoir prendre en cuisine ?

Y. O. : Constamment, et je n’ai rien contre. Les chefs ont souvent tendance à lever le nez sur ce qui simplifie les gestes, mais je ne vois rien qui puisse justifier ce comportement. C’est facile d’être snob, mais ce n’est pas aidant. Si on peut faire en sorte que ce soit plus facile ou plus rapide — en utilisant un ingrédient qui est congelé ou sorti d’une boîte, un robot culinaire ou un presse-ail —, tant mieux ! Il faut se rappeler que ceux qui cuisinent à la maison n’ont pas le luxe d’avoir de l’aide ou l’occasion de cuisiner pendant des heures.

N. M. : C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous avons inclus une section qui permet de tout cuisiner dans le même plat. La vaisselle est assurément la partie la plus pénible du travail !

Y a-t-il un plat dont vous ne vous lassez jamais ?

Y. O. : J’adore la soupe au poulet. Elle ne doit pas nécessairement contenir beaucoup de viande, mais il doit absolument y avoir une forme de féculent et des légumes. Je pourrais aussi dire du riz, mais je ne veux pas voler la réponse de Noor.

N. M. : Du riz et des pommes ! En tarte, en crumble… Je pourrais en manger à tous les repas.

Quel aliment ne risque-t-on pas de trouver dans vos recettes ?

N. M. : Les huîtres ! Je déteste leur côté gluant.

Y. O. : Ah… mais j’adore les huîtres frites ! Pour ma part, j’ai un problème avec les billes de tapioca, mais vous pourriez en trouver dans mes recettes.

Vous reste-t-il encore des défis à relever comme chef ?

Y. O. : Toujours ! Parfois, on a une vision de ce à quoi devrait ressembler une recette, sans y arriver. Je me rappelle avoir travaillé très longtemps sur un gâteau au tahini et aux noix de Grenoble. Ça nous a pris une éternité à faire en sorte qu’il ne soit pas sec. Souvent, on doit surmonter des défis techniques, et la façon de le faire, c’est de continuer à essayer et à tester.

N. M. : De mon côté, il m’arrive de penser à une idée et de réaliser que je l’ai déjà faite. Ça peut être difficile d’être créatif à tout coup. Parfois aussi, je développe un plat que j’ai goûté tellement de fois que je ne sais plus comment l’amener ailleurs. Et c’est là que l’équipe entre en jeu, et c’est la raison pour laquelle on travaille ensemble.

Comment souhaitez-vous que ce livre soit utilisé par les cuisiniers à la maison ?

Y. O. : Avec un sentiment de liberté et une conviction qu’on peut improviser à partir de ce qu’on a chez soi. Le Test Kitchen repose sur l’ouverture, la souplesse et l’inventivité. Il n’y a rien de rigide dans notre philosophie.

Les propos ont été traduits de l’anglais et édités pour correspondre au format.

Notre avis : Tirer le meilleur de ses possibilités

PHOTO TIRÉE D’OTTOLENGHI TEST KITCHEN — PASSION GARDE-MANGER

Saumon au zaatar et au tahini

Yotam Ottolenghi et la chef d’équipe de l’Ottolenghi Test Kitchen, Noor Murad, décrivent leur cuisine en ces termes : généreuse, alléchante, joyeuse. Avec ce nouvel ouvrage, premier de ce qui promet d’être une série, l’équipe prend un virage plus pratique que par le passé et dévoile les rouages de sa cuisine créative. L’objectif : simplifier le travail à la maison et nous encourager à acquérir les habiletés qui permettent de créer à partir de ce qu’on a sous la main.

Ce qui compose notre garde-manger n’est pas forcément ce qui occupe les tablettes de l’OTK, doit-on préciser en pointant entre autres la lime noire, le citron confit ou certaines épices comme le zaatar. On devra se procurer ces ingrédients ou appliquer la philosophie Ottolenghi en improvisant à son tour.

Notre brigade a testé de son côté une quinzaine de recettes. Le verdict est unanime : les plats de l’OTK sont hautement réconfortants et jamais décevants. Les plus simples (macaroni au fromage, soupe au poulet, accompagnement de carottes) réinventent le genre et nous font vivre une expérience gustative unique. Certains plats se prêtent à la cuisine au quotidien, mais dans bien des cas, il faudra mettre un peu plus d’efforts. Le travail est toutefois amplement récompensé.

Conçu comme un carnet de recettes maison, Passion garde-manger (édition québécoise de Shelf Love, publiée par KO Éditions) est une invitation à griffonner ses pages pour y inscrire ses commentaires et impressions personnelles. Comme on peut s’y attendre d’un livre d’Ottolenghi, l’offre de légumes et de légumineuses est généreuse et jamais banale. Si on a un livre de recettes à offrir (ou s’offrir) en cette saison où les ouvrages culinaires abondent, celui d’OTK se démarque assurément du lot.

Passion garde-manger

Passion garde-manger

KO Éditions, 2021

262 pages

Pommes de terre rôties avec aïoli et noix de pin au beurre

PHOTO TIRÉE D’OTTOLENGHI TEST KITCHEN — PASSION GARDE-MANGER

Pommes de terre rôties servies avec aïoli et noix de pin au beurre

Les frites-mayo des comptoirs de kebab sont la source d’inspiration de ce plat. « Ces temps-ci, j’ai un faible pour cette recette, indique Noor Murad. C’est un excellent plat d’accompagnement qui pourrait très bien figurer sur le menu des Fêtes. C’est facile à faire tout en étant impressionnant. » On confirme : on ne peut pas s’en lasser.

Mise en place : 10 minutes

Préparation : 50 minutes

Rendement : 4 portions

Ingrédients

  • 750 g (env. 4 tasses) de petites pommes de terre grelots, avec la peau, coupées en deux
  • 2 c. à soupe d’huile d’olive
  • 5 g (env. 1/4 de tasse) de persil, haché
  • Sel et poivre noir

Aïoli

  • 2 grosses gousses d’ail pressées
  • 1 c. à thé de moutarde de Dijon
  • 1 gros œuf, plus 1 jaune d’œuf
  • 100 ml (2/5 de tasse) d’huile d’olive
  • 100 ml (2/5 de tasse) d’huile de tournesol
  • 1 c. à soupe de jus de citron
  • 75 g (1/3 de tasse) de yogourt grec

Noix de pin au beurre

  • 2 1/4 de c. à soupe de beurre
  • 3 c. à soupe de noix de pin
  • 1/4 de c. à thé de paprika fumé

Préparation

  • 1. Préchauffer le four à convection à 220 °C (425 °F) ou le four standard à 240 °C (475 °F).
  • 2. Mettre les pommes de terre et 2 c. à thé de sel dans une casserole et ajouter de l’eau froide pour les couvrir d’environ 4 cm (1 1/2 po). Placer la casserole sur feu moyen-élevé, amener à ébullition, puis laisser mijoter 6 minutes, ou jusqu’à ce qu’elles soient al dente. Égoutter les pommes de terre dans une passoire et les éponger. Les transférer sur une plaque de cuisson et les mélanger avec l’huile et 1/2 c. à thé de sel, puis donner un tour de moulin à poivre. Rôtir au four 35 minutes, en les retournant une ou deux fois. Ajouter le persil et mélanger.
  • 3. Entre-temps, préparer l’aïoli. Dans le récipient d’un robot culinaire, mettre l’ail, la moutarde, l’œuf, le jaune d’œuf et 1/4 de c. à thé de sel. Broyer le tout 10 secondes. En continuant d’actionner l’appareil, verser les deux huiles en un filet jusqu’à l’obtention d’une sauce de la consistance de la mayonnaise. Transférer la sauce dans un bol, incorporer le jus de citron et le yogourt, et réserver.
  • 4. Préparer les noix de pin au beurre. Dans une sauteuse, sur feu moyen, chauffer le beurre. Une fois le beurre fondu, ajouter les noix de pin et cuire jusqu’à ce qu’elles soient dorées, soit 3 ou 4 minutes. Ajouter le paprika et mélanger, puis retirer du feu et transférer dans un bol.
  • 5. Étaler l’aïoli dans un plat rond peu profond. Garnir des pommes de terre rôties et des noix de pin au beurre.

Votre touche personnelle

Si vous ne trouvez pas de petites pommes de terre grelots, utilisez des pommes de terre ordinaires et coupez-les en tranches de 1,5 cm (2/3 de po).

Variez les noix. Des amandes ou des noisettes blanchies et hachées seraient parfaites ici !

Version végétalienne : utilisez de la mayonnaise de pois chiches (recette incluse dans le livre) et de l’huile d’olive à la place du beurre.