Depuis quelques années, les boulangers avaient déjà noté un réel engouement des Québécois pour la confection du pain chez soi, une vieille tradition canadienne-française qui renaît en ces temps de confinement… 

Depuis deux semaines, Élizabeth Phénix, âgée de 11 ans, est la boulangère de sa famille ! La jeune Montérégienne a appris à faire du pain avec une recette de miche blanche de Ricardo, il y a environ deux ans. 

PHOTO FOURNIE PAR ÉLIZABETH PHÉNIX

Élizabeth Phénix est la boulangère de sa famille !

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Élizabeth Phénix en pleine action !

« C’est une activité qui me désennuie ! dit-elle. Je fais deux miches par semaine. C’est facile à faire. Il n’y a pas beaucoup d’ingrédients à mettre. On mélange, on laisse reposer huit heures. Après, quand il faut retourner la pâte, j’aime ça ! Ça me change les idées. » 

>> Regardez la vidéo de Ricardo de 2015

Le pain n’est pas seulement l’aliment de base le plus universel. C’est aussi un univers d’odeurs, de saveurs, de formes et de couleurs qui nous rattachent aux souvenirs, à l’enfance, à quelque chose de rassurant. Dans le contexte difficile vécu ces jours-ci, bien des gens ont décidé de faire leur propre pain. 

Ricardo Larrivée a constaté l’ampleur du phénomène. Il expliquait dans La Presse en fin de semaine dernière à quel point sa recette en direct de pain maison sans pétrissage, mis sur sa page Facebook le 20 mars dernier, a été un succès populaire. « Je n’ai jamais vu un tel phénomène ! dit-il. Comme si tous les gens se mettaient à faire du pain ! Et quand ça fonctionne, on ressent énormément de fierté. »

>> Regardez la nouvelle recette de Ricardo

Marc-André Cyr, qui donne des cours de boulangerie depuis 15 ans, n’est pas étonné par cet engouement pour le pain maison. « Ça ne fait qu’augmenter depuis des années, dit-il. Avec le virus, ça a fait boum ! » 

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, LA PRESSE

Marc-André Cyr

La Presse a essayé une recette de baguette que l’on trouve sur l’internet. Et pour une première, c’était plutôt réussi. Le pain était croustillant, la mie bien cuite et aérée. Il manquait juste un peu de sel !

>> Regardez la vidéo de recette testée par La Presse, How to make a French baguette at home

PHOTO LA PRESSE

Les baguettes que La Presse a faites à la maison. Une première plutôt réussie, non ?

Un tel regain d’intérêt pour le pain maison ne fait pas peur aux boulangers. « Je ne peux qu’encourager ce mouvement, dit Dominique Gauvrit, propriétaire de la Boulangerie Jarry. Quand on a créé la boulangerie, l’automne dernier, c’était aussi pour que le “médium” du pain crée du lien social et rapproche les communautés. Et quand les gens fabriquent leur pain, ça ne veut pas dire qu’ils ne viendront plus à la boulangerie. »

Dominique Gauvrit pense que quand on donne les bons outils aux gens pour apprendre à faire leur pain, ils apprécient davantage le produit. « Ils vont avoir davantage de respect pour le travail du boulanger et vont vouloir améliorer leurs connaissances », dit-il. 

Thérapeutique

Faire du pain, c’est également très bon pour le moral, ajoute le boulanger, qui a participé il y a quelques années au Carrefour du pain, un projet de réinsertion sociale qui amenait des jeunes à faire l’expérience du pain. 

« Pour eux, c’était un élément de fierté, dit-il. Le pain, c’est basique. On est dans l’essentiel. Le pain a un pouvoir fort, notamment de rassembler. Et il permet de se connecter à soi-même. » 

Au Centre communautaire Lajeunesse, se connecter à soi-même, c’était un peu le but du projet de La miche porte conseil, de la travailleuse sociale Marie-Michèle Baril-Dionne, dite Marie-Miche, qui travaille dans un hôpital pédiatrique, et de la psychologue Claudine Barrette. Toutes les deux ont créé des ateliers de fabrication de pain pour fournir un savoir et créer des liens. 

PHOTO FOURNIE PAR LA MICHE PORTE CONSEIL

La psychologue Claudine Barrette 
et la travailleuse sociale Marie-Michèle Baril-Dionne

« On voulait un espace de parole où les gens puissent ralentir », dit Mme Barrette. « Comme boulangère autodidacte, je trouvais que cette tradition de cuire son pain soi-même se perdait, ajoute Marie-Miche. Les gens qu’on a rencontrés lors des ateliers parlaient beaucoup de leur grand-mère qui faisait son pain et de leur souvenir de l’odeur du pain. » 

La pandémie a brisé l’élan de La miche porte conseil. Mais la semaine dernière, elles ont décidé de donner l’atelier en ligne. Les deux premiers ateliers se tiendront les vendredi 10 avril et samedi 11 avril, à 13 h.

PHOTO FOURNIE PAR LA MICHE PORTE CONSEIL

La fabrication du pain maison permet de nourrir les siens, mais aussi de se nourrir l’âme…

« À cause de la distanciation sociale et des restrictions, le besoin de communauté et de partager ce qu’on vit est fort, dit Marie-Miche. Le niveau de stress a augmenté. Je le vois dans mon milieu de travail. Les gens sont hyper anxieux, entre quatre murs avec leurs enfants. Alors l’idée de créer un espace pour mettre la main à la pâte pour se nourrir, à tous points de vue, c’est essentiel. »

>> Consultez le site de La miche porte conseil

 Le pain en vogue 

Ces initiatives de fabrication artisanale de pain n’ont pas empêché la production de pain des boulangeries d’augmenter. « Les gens font des réserves et achètent de plus grosses quantités », observe Dominique Gauvrit. Tellement que la farine peut manquer à certains endroits. Montréalaise qui fait son pain depuis quelques années, Laurence DeRoo dit avoir du mal à s’en procurer ces derniers temps. 

« J’ai toujours des collections de farines que je rapporte de voyages, sinon je prends la farine de Montréal, la Five Roses pour ne pas la nommer, qui fonctionne très bien, dit-elle. Mais là, dans Rosemont, j’ai bien du mal à en trouver dans les épiceries. » 

PHOTO FOURNIE PAR LA MICHE PORTE CONSEIL

« Comme boulangère autodidacte, je trouvais que cette tradition de cuire son pain soi-même se perdait », dit Marie-Miche.

Si les Québécois ont du mal à trouver de la farine et de la levure dans les supermarchés, ils peuvent s’adresser directement aux boulangers. La boulangerie Le pain dans les voiles vend de la farine en paquets de 2 kg ou de 20 kg et de la levure fraîche par paquets de 900 g. À Laval, la Boulangerie Pâtisserie Concorde vend de la farine et de la levure fraîche. La boulangerie Les Co’Pains d’abord, sur le Plateau, ne vend que de la levure (par 100 g). Et la Boulangerie Jarry vend de la levure et de la farine qu’elle fabrique elle-même. « Jusqu’à présent, on n’a pas de difficulté à trouver du blé du Québec », dit Dominique Gauvrit. 

>> Regardez la recette de baguette maison de Quand Margot pâtisse

>> Regardez la recette de bain baguette maison de Ma fleur d’oranger

>> Consultez le site des recettes de King Arthur Flour (en anglais)

>> Consultez le site de La petite Bette pour des pains variés

>> Lisez notre article « Fous de levain »

L’histoire du pain

PHOTO OLIVIER PONTBRIAND, ARCHIVES LA PRESSE

Les initiatives de fabrication artisanale de pain n’ont pas empêché la production de pain des boulangeries d’augmenter.

Les premiers pains faits avec de l’eau et des céréales grillées datent de 10 000 ans avant Jésus-Christ. Puis, les Égyptiens ont découvert l’importance du levain, et enfin les Grecs ont diversifié les types de pain et la boulangerie commerciale.

La création de la baguette française remonterait à l’époque de Napoléon 1er. Sa forme permettait que le pain soit plus facilement transportable par les soldats.

La hausse du prix du pain est à l’origine de la prise de la Bastille, en 1789, et de la Révolution française dont les valeurs ont façonné nos sociétés démocratiques…

Des proverbes avec le pain

• Pain d’autrui a toujours bon goût (Arménie)

• Terre noire donne pain blanc (Islande)

• L’espérance est le pain du pauvre (France)

• Celui qui jette son pain en riant le ramasse plus tard en pleurant (Québec)