Affranchie des pénuries communistes, puis de l'engouement pour le fast-food occidental, la cuisine polonaise renaît avec l'utilisation de produits bio de très haute qualité et des cuisiniers de talent qui marient avec succès tradition et innovation.

Chez Atelier Amaro, un restaurant de Varsovie, le menu est de saison: «escargots au coulis d'ail des ours, asperges fumées aux aiguilles jeunes de mélèze, le tout orné de feuilles de capucine».

Et comme dessert «un petit gâteau au café de chêne, posé sur du chocolat mentholé, avec une mousse de violettes, un 'pop-corn' de graines d'amarante et un sorbet à la rhubarbe avec une pointe de genièvre. L'ensemble entouré de feuilles de menthe fraîche».

Les produits sont 100% naturels et surtout 100% polonais. Le chef, Wojciech Modest Amaro, malgré son nom aux consonances étrangères, également.

Le seul accent étranger dans ce restaurant d'une trentaine de couverts au décor sobre, caché dans un parc du centre de Varsovie, c'est la première étoile que lui a décernée en mars le guide Michelin, une toute première pour un restaurant polonais.

Il l'a obtenue pour «le travail des produits locaux, la cuisine innovante et les combinaisons originales», indique le guide.

Pour ceux qui en Pologne rêvaient de voir le patrimoine gastronomique national reprendre une place dans la cour des grands, un vieux rêve se réalise.

Car le communisme a bouleversé les habitudes alimentaires des Polonais et brisé leur cuisine traditionnelle, riche, multiculturelle et cosmopolite.

«Pendant 50 ans, seule une dizaine de produits de base était véritablement disponible. Alors on s'est mis à cuisiner des plats très simples, des pierogi (raviolis) et des côtes de porc panées qui, paradoxalement, n'appartiennent pas à la cuisine traditionnelle polonaise», explique M. Amaro.

«Après la chute du communisme, les Polonais se sont rapidement enrichis et ont adopté le mode de vie occidental, fast-food compris», ajoute-t-il, bien décidé à révolutionner la cuisine nationale en faisant appel aux petites exploitations qui produisent de façon traditionnelle.

La Pologne est «riche en produits naturels, nous sommes le 5e producteur mondial d'herbes sauvages et de fleurs, nous sommes le royaume des champignons et du gibier grâce à nos forêts. Il suffisait de puiser dans cette richesse, de s'en inspirer, de la redéfinir et de rechercher des producteurs», explique-t-il.

Des passionnés de «slow food»

Piotr et Maryla Rutkowski appartiennent à ce type de producteurs passionnés par la qualité et le goût du traditionnel.

Dans leur exploitation située à Maciejowice, à 80 kilomètres au sud de Varsovie, pratiquement tout le travail est fait à la main, sans produits chimiques. Sur six hectares, ce couple de quadras cultive toutes sortes de salades, herbes, concombres, fraises, tomates, choux-fleurs, courges et courgettes.

«L'intérêt pour les légumes cultivés de manière traditionnelle ne cesse de grandir, surtout parmi les jeunes, au point que parfois nous manquons de produits», explique Maryla.

À Saska Kepa, un quartier à la mode de Varsovie, Zuzana Groniowska a créé un marché bio, «Le Targ», alimenté par des produits venus des quatre coins de Pologne. C'est une passionnée de «slow food», un mouvement international qui prône une alimentation «bonne, propre et juste», utilisant des produits locaux et écologiques.

«J'aime les produits de qualité et je voulais que ma famille mange sainement. Mes amis ont la même approche et nous manquions d'un endroit à Varsovie où l'on pourrait acheter de bons produits, au moins une fois par semaine», explique cette trentenaire aux cheveux rouges coiffés à l'iroquoise.

Sur une trentaine de stands, on y trouve des légumes, des miels, des yoghourts, des pains, des charcuteries à l'ancienne. Le succès est au rendez-vous.

«On ne s'attendait pas à un tel engouement même si on garde à l'esprit que ce sont les clients d'une niche. Mais cette niche ne cesse de s'élargir», explique Zuzana Groniowska.

Pour M. Amaro, l'avenir semble tout tracé. «L'étoile Michelin est un signal qui montre que nous disposons de tous les éléments pour créer une grande cuisine polonaise qui pourra s'exporter à travers le monde», assure-t-il, rêvant d'ouvrir des restaurants à Berlin ou à New York.