Alors que les hausses successives du prix du panier d’épicerie pèsent lourd sur le budget des Québécois, des gens s’unissent aux fourneaux un peu partout en province pour économiser sur le coût des repas. À la veille de la Journée nationale des cuisines collectives, La Presse a rencontré les membres d’un de ces groupes qui, à leur façon, contribuent à freiner l’insécurité alimentaire. Bienvenue dans leur cuisine.

Le bruit des couteaux qui tranchent oignons et gousses d’ail résonne dans la pièce des cuisines collectives du Grand Plateau.

Les quatre participants installés autour de la table sont très concentrés à leur tâche respective. Que préparent-ils en ce vendredi matin ? « De la sauce à spaghetti et de la soupe à l’orge et aux légumineuses », répond, avec entrain, Nicole Beaulieu.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Première étape de la journée : la préparation des légumes

La femme de 69 ans participe depuis six mois à ce groupe de cuisine collective qui se réunit mensuellement pour préparer deux recettes. Après chaque matinée de popote, elle repart à la maison avec une dizaine de plats qu’elle peut réchauffer dans les semaines suivantes. Le tout pour la modique somme de 1,50 $ à 2,50 $ par portion.

Cuisiner en grande quantité permet certes de réaliser des économies. Mais si les coûts sont si faibles, c’est aussi parce que certains ingrédients, comme le sel, le sucre, la farine et les épices, sont fournis par les cuisines collectives du Grand Plateau en échange d’une petite contribution financière.

Selon Statistique Canada, les prix des aliments ont connu, en 2022, leur plus forte hausse en 40 ans, soit près de 10 %.

Dans ce contexte, environ 40 % des organismes qui proposent des groupes de cuisine collective ont vu leur nombre de participants augmenter, rapporte le Regroupement des cuisines collectives du Québec. À un point tel que certains ne peuvent pas répondre à la demande en raison d’un manque de ressources et ont dû créer des listes d’attente.

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Pénélope Stuart et Carole Déry, des cuisines collectives du Grand Plateau

Aux cuisines collectives du Grand Plateau, on a aussi remarqué un engouement grandissant. « Quand il y a eu une annonce au courant de l’été que le coût du panier d’épicerie allait augmenter de 5 à 7 %, on a reçu beaucoup d’appels », indique Pénélope Stuart, responsable ­­de la vie associative et des communications pour l’organisme qui fête cette année ses 30 ans.

Plus que des économies

Mais l’aspect financier, ce n’est pas tout, s’empresse d’ajouter la directrice générale, Carole Déry.

On le comprend bien lorsqu’on voit le groupe s’activer autour des cuisinières commerciales : un membre ajoute les tomates à la sauce à spaghetti, un autre verse le bouillon pour la soupe.

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L’activité est animée par Louise Gamache (au centre), qui est présente pour guider les participants et leur offrir des conseils.

« Est-ce qu’on met toute la pâte de tomate ? », demande Nicole Beaulieu. « On devrait. La pâte de tomate, c’est important pour épaissir », lui répond Pierre Gendron, un autre participant.

Tranquillement, des liens se tissent entre ces quatre aînés, qui avouent ressentir parfois une certaine solitude.

« Je me suis dit : “Ça va me sortir un peu de mon confinement” », répond d’ailleurs l’homme de 65 ans lorsqu’on lui demande ce qui lui a donné envie de participer à un groupe de cuisine collective.

« Je suis seul chez moi. Je ne fais rien. Au lieu de rester à regarder la télévision, je me suis dit que j’aime mieux venir ici et apprendre à cuisiner », indique son côté Frantz Lemaire. Car bien qu’il ne s’agisse pas d’un cours de cuisine, l’activité est animée par Louise Gamache, qui est présente pour guider les participants et leur offrir des conseils. Aujourd’hui, elle leur a réservé une surprise. Alors que la sauce et la soupe mijotent, ils prépareront aussi un dessert : des muffins à l’avoine et aux canneberges.

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La préparation des muffins va bon train.

« On n’est pas une banque alimentaire. On n’est pas un centre de dépannage. On ne distribue pas de paniers. […] Nous, on travaille en éducation alimentaire. L’adage dit : “Vaut mieux montrer à quelqu’un à pêcher que de lui donner du poisson.” C’est un peu ça, notre philosophie », explique la directrice générale, Carole Déry, en spécifiant que l’organisme accueille les gens peu importe leur revenu.

Aux cuisines collectives du Grand Plateau, cet apprentissage débute très jeune puisque certains groupes sont composés d’enfants de 4e et de 5année du primaire. « Ce n’est pas tout le monde qui a la chance d’avoir une éducation sur la saine alimentation. Pourtant, bien manger, ça a des impacts sur toute la vie », note sa collègue Pénélope Stuart.

Nicole Beaulieu peut en témoigner. La femme qui mangeait très rarement des plats végétariens a découvert ce type de cuisine et ses bienfaits grâce à l’organisme. « Ça nous fait goûter à de nouveaux mets », se réjouit-elle.

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Dans l’ordre habituel : Pierre Gendron, Pénélope Stuart, Louise Gamache, Colette Samuel, Nicole Beaulieu, Carole Déry et Frantz Lemaire

La matinée de cuisine tire à sa fin. Les participants s’assoient ensemble pour planifier leur rencontre du mois d’avril. Que concocteront-ils ? Colette Samuel propose un mets qui lui rappelle son enfance : des galettes de morue. Ses comparses acceptent sa suggestion. Après avoir trouvé une recette en ligne, chacun choisit les ingrédients qu’il apportera. « À la prochaine ! », lancent-ils en se quittant, leurs petits plats sous le bras.

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Le groupe s’active en cuisine.

Trois conseils pour se nourrir à moindre coût

1. « Allez consulter vos organismes communautaires », suggère Pénélope Stuart, des cuisines collectives du Grand Plateau. Il existe de nombreuses initiatives, particulièrement pour les gens à faible revenu. « Il y a des paniers de légumes en partie subventionnés qui sont offerts sur le Plateau », donne en exemple sa collègue Carole Déry, en mentionnant les services des Ateliers d’éducation populaire du Plateau.

Consultez le site des Ateliers d’éducation populaire du Plateau

2. Initiez-vous à la cuisine zéro gaspillage. « Il y a plein de choses qu’on ne consomme qu’à moitié. […] Par exemple, la partie verte des poireaux. Au lieu de la mettre au compost, on peut l’utiliser pour faire des soupes », explique Pénélope Stuart. Des villes et des organismes présentent parfois des conférences gratuites sur le sujet. On peut aussi consulter le site « Sauve ta bouffe », qui recèle une foule de conseils et de recettes « zéro gaspi ».

Consultez le site « Sauve ta bouffe »

3. Participez à une cuisine collective, proposent également en chœur Pénélope Stuart et Carole Déry. En plus de préparer des plats à moindre coût, cette activité permet de nouer des amitiés, font-elles valoir. La Journée nationale des cuisines collectives est l’occasion de découvrir celle près de chez vous puisque de nombreuses activités sont organisées dans la province ce dimanche. Aux cuisines collectives du Grand Plateau, par exemple, il y aura préparation et mise en conserve de carottes marinées.

Consultez le site du Regroupement des cuisines collectives du Québec Consultez le site des cuisines collectives du Grand Plateau
En savoir plus
  • 1065,60 $
    Somme qu’une famille canadienne de quatre personnes devra dépenser de plus en 2023 pour se nourrir
    SOURCE : Rapport annuel sur les prix alimentaires, Université Dalhousie
    15 %
    Pourcentage des ménages québécois qui vivaient de l’insécurité alimentaire grave ou modérée en septembre 2022
    SOURCE : Institut de la santé publique du Québec
  • 1082
    Nombre de groupes de cuisine collective au Québec, en mars 2022
    SOURCE : Regroupement des cuisines collectives du Québec
    7169
    Nombre de personnes participant à une cuisine collective dans la province, en mars 2022
    SOURCE : Regroupement des cuisines collectives du Québec