(Dubaï) Des fermes dans le désert aux supermarchés, les Émirats arabes unis testent la culture de la salicorne, plante utilisée tant pour ses qualités nutritionnelles qu’agricoles, car adaptée aux milieux salins et arides de ce pays du Golfe.

Largement méconnue dans cette région, cette plante verte au goût iodé, aussi appelée haricot ou asperge des mers, s’est glissée dans les burgers d’une grande marque de surgelés émiratie, en compagnie du poulet, du quinoa ou encore du chou kale.

« La salicorne est un produit très bon pour la santé », explique Tina Siegismund, cadre de l’entreprise Global Food Industries.

Utilisée à la place du sel, elle permet de réduire la teneur en sodium du burger de 40 %, tout en étant « riche en minéraux, en vitamines, et en antioxydants », dit-elle.

La salicorne contient également des « propriétés antibactériennes et anti-inflammatoires », ajoute la responsable.

« Nous achetons la salicorne auprès d’agriculteurs locaux, elle arrive directement du désert émirati à notre usine », précise Tina Siegsmund.

La culture de cette plante qui pousse en bord de mer ou dans les marais salants a été introduite l’année dernière dans plusieurs fermes à travers le pays, dans le cadre d’un projet du Centre international pour l’agriculture biosaline (International Center for Biosaline Agriculture, ICBA).

Basé à Dubaï, l’un des sept émirats de la fédération qui importe la quasi-totalité de ses besoins alimentaires, ce centre de recherche se penche sur les problèmes de salinité de l’eau souterraine et les moyens de développer « l’agriculture de demain » dans les pays arides.

« Économie circulaire »

Comme la plupart de ses voisins du Golfe, les Émirats arabes unis sont riches en pétrole et en gaz, mais très pauvres en eau douce, avec les trois quarts de son territoire recouverts par le désert.

Dans ces conditions, l’agriculture — qui représente moins de 1 % du PIB émirati – fonctionne grâce à des systèmes de désalinisation, gourmands en énergie et rejetant de la saumure, solution aqueuse très concentrée en sel.

D’où l’intérêt d’utiliser des plantes halophytes comme la salicorne, adaptées aux milieux salés locaux et pouvant être utilisées pour recycler la saumure.

Au lieu de laisser la saumure s’infiltrer dans les nappes phréatiques, le centre a développé un système d’aquaponie, « modèle d’économie circulaire » utilisant les rejets de saumure pour élever des poissons et faire pousser de la salicorne.

« Nous avons développé un prototype et mis en place des projets pilotes dans huit fermes », le défi étant aujourd’hui de passer au stade supérieur, explique Augusto Becerra Lopez-Lavalle, scientifique en chef de ICBA.

Selon lui, la salicorne a « de la valeur » et suscite un intérêt croissant dans le monde.

Mais sa production à grande échelle est tributaire des progrès de la recherche dans des centres comme l’ICBA, qui pourraient faire baisser les coûts, et des débouchés potentiels dans l’industrie agroalimentaire, souligne le scientifique.

Pour lui, la salicorne pourrait remplacer à l’avenir « le sel et autres micronutriments ajoutés artificiellement dans les produits transformés ».

Pour l’heure, elle reste chère et ses bienfaits peu connus des consommateurs. Le burger à la salicorne de Global Food Industries ne fait pas « beaucoup de profits », reconnait Tina Siegismund, qui « continue à croire en la salicorne ».