C’est l’un des premiers légumes de champ québécois à sortir de terre, chaque printemps. Et si très peu de gens vont aux asperges comme on va aux fraises ou aux pommes pour de l’autocueillette, la plante aux longs bourgeons charnus, appelés turions, compte son lot d’adeptes qui n’hésitent pas à aller chercher leurs bouquets directement à la ferme.

L’asperge profite de l’engouement pour les aliments locaux qui s’est manifesté dans la foulée du « Grand Confinement » de 2020. « L’année de la pandémie, nous avons eu 35 % de plus d’affluence à la ferme », raconte Nicole Saint-Jean, copropriétaire de La sublime asperge, à Saint-Aimé, au sud de Sorel, en Montérégie. « On dirait que les gens, qui ne pouvaient pas aller en voyage, se promenaient à la campagne et venaient nous acheter des asperges. L’an dernier, ça s’est pas mal maintenu. »

France Droulers, propriétaire de la ferme Biophile, à Saint-Anicet, non loin de la frontière de l’État de New York, observe le même engouement depuis quelques années. « Les gens viennent parce qu’ils savent que les asperges vendues dans le kiosque ont été coupées le matin même », dit-elle.

C’est la fraîcheur qui fait l’attrait.

France Droulers, de la ferme Biophile

Des amateurs pressés

À la fin du mois d’avril, déjà, des habitués se sont pointés — en vain — au kiosque dans l’espoir de croquer dans une asperge bien juteuse. Les premières récoltes à la ferme certifiée biologique depuis 1994 devraient avoir lieu ces jours-ci.

PHOTO TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DE LA FERME BIOPHILE

Des turions sortis de terre à la ferme Biophile… mais pas encore assez pour être récoltés.

Si les prévisions météo disent vrai, les bourgeoises, demoiselles et pitchounettes (nommées ainsi en fonction de leur taille) de La sublime asperge feront leur apparition sur les étals vers le 15 mai, à peu près dans les temps, malgré un printemps assez tardif cette année.

Le plus tôt qu’on a vu, en 22 ans, c’est le 4 mai. Et le plus tard, le 22 mai.

Nicole Saint-Jean, de la ferme La sublime asperge

La ferme compte parmi ses clients plus de 80 restaurants montréalais, dont le Toqué !, la Maison Boulud, Elena et Le Mousso, qui achètent environ le tiers de la production de 100 000 lb. « Nos asperges sont très appréciées pour leur goût, plus sucré, et leur texture, moins fibreuse, explique Mme Saint-Jean. On cultive dans un sol moins sableux que dans Lanaudière, c’est peut-être ce qui explique ces qualités particulières. »

« J’ai beaucoup de commentaires de clients qui me disent n’avoir jamais mangé des asperges aussi goûteuses », observe pour sa part France Droulers, qui cultive aussi une terre assez peu sableuse.

Un légume mieux connu

À la ferme horticole LMR, qui produit les asperges La belle verte sur 30 hectares à Saint-Liguori, dans Lanaudière (où l’asperge a souvent remplacé le tabac dans les champs), les ventes à la ferme restent marginales. L’essentiel de la production est écoulé dans les grandes chaînes d’alimentation québécoises et ontariennes. « Ça fait 30 ans qu’on fait de l’asperge, dit la copropriétaire, Suzanne Mercille. On a commencé à vendre à la ferme parce que des gens nous le demandaient. »

Les Québécois connaissent de mieux en mieux ce légume printanier, constate par ailleurs Mme Mercille. « Anciennement, les gens voulaient toujours avoir de la petite asperge, croyant que c’est elle qui est la plus tendre, dit-elle. Mais non, c’est la plus grosse qui est tendre. »

La grosse asperge a beaucoup plus de chair, elle est meilleure. De plus en plus de clients la demandent chez nous…

Suzanne Mercille, de la ferme horticole LMR

Si les plants d’asperges peuvent produire pendant 20 ans, et même un peu plus, la récolte du légume reste exigeante physiquement. Pour l’instant, au Québec, tout se fait manuellement, faute d’une technologie capable de couper seulement les turions qui ont atteint la bonne taille, chaque jour, dans chaque rang.

« Ça nous donne de l’énergie de voir que nos produits sont aimés », relève Nicole Saint-Jean, qui se réjouit de voir deux de ses filles sur le point de prendre la relève. « Dire que dans les années 1980, notre voisine avait tout le mal du monde à vendre les siennes, à rabais et à peu près seulement à des Italiens de Montréal… »

Des asperges en vedette

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

L’asperge profite de l’engouement pour les aliments locaux. Des amateurs n’hésitent pas à parcourir la campagne pour s’en procurer à la ferme dès qu’elles font leur apparition au printemps.

Mathieu Masson-Duceppe, chef propriétaire du Jellyfish et du PubJelly, dans le Vieux-Montréal, se plaît à mettre les légumes en vedette dans ses plats. Nous lui avons donc demandé de travailler avec l’asperge, un défi qu’il a relevé avec enthousiasme. « J’ai préparé une assiette à mettre au centre de la table pour le brunch, le lunch ou en accompagnement de viandes grillées, dit le chef qui participe ce printemps à la troisième saison de Fire Masters de Food Network. J’ai vraiment suivi mes envies du moment… »

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Le chef du Jellyfish et du Pubjelly, Mathieu Masson-Duceppe, en compagnie de son chien

Asperges du Québec avec Halloumi, sauce façon grébiche au labneh, tomates cerises confites, œufs et zaatar

Rendement : 4 portions

Ingrédients

  • 15 asperges fraîches
  • 400 g de fromage halloumi
  • 400 ml de labneh
  • 3 œufs
  • 200 ml d’amandes hachées
  • 1 échalote grise hachée
  • 150 ml de moutarde de Dijon à l’ancienne
  • 100 ml de persil haché
  • 100 ml d’aneth haché
  • 50 ml de zaatar (mélange d’épices)
  • 1 grappe de tomates cerises
  • 100 ml de miel épicé
  • 200 ml d’huile d’olive
  • Le zeste de 1/2 citron
  • Fleur de sel
  • Poivre

Préparation

  • 1. Préchauffer le four à 230 °C (450 °F).
  • 2. Peler légèrement la base des asperges (pas plus que la moitié). Blanchir dans de l’eau salée pendant 1 minute, puis refroidir immédiatement dans de l’eau glacée. Sécher et réserver.
  • 3. Faire cuire deux œufs dans de l’eau bouillante pendant 5 minutes, puis refroidir immédiatement dans de l’eau glacée. Peler et hacher finement les œufs.
  • 4. Préparer la sauce façon gribiche dans un cul de poule. Mélanger le labneh, les œufs, les amandes, l’échalote, la moutarde, le persil, l’aneth, la moitié du zaatar, un peu de fleur de sel, du poivre, et 100 ml d’huile d’olive. Réserver.
  • 5. Huiler la grappe de tomates cerises sur une plaque allant au four, puis la rôtir pendant 5 minutes. Réserver.
  • 6. Séparer le morceau de fromage halloumi en 4 tranches égales. Les poêler jusqu’à ce qu’elles soient bien dorées de chaque côté. Réserver.
  • 7. Faire cuire 1 œuf miroir dans la poêle en s’assurant que le jaune reste bien coulant. Réserver.

Assemblage

  • 8. Disposer les asperges dans un grand plat de service. Les badigeonner avec un peu d’huile d’olive. Saler, poivrer et ajouter le zeste de citron.
  • 9. Disposer la grappe de tomates cerises, les tranches d’halloumi, la sauce façon gribiche et l’œuf dans le plat de service. Parsemer le tout du reste du zaatar et de miel épicé (vous pouvez aussi utiliser du miel ordinaire et ajouter un peu de piment dans l’assiette). Déguster.

Conserver des asperges fraîches

Pour que ses asperges restent bien croquantes et juteuses, le chef Mathieu Masson-Duceppe les conserve au frigo, debout, débarrassées de leur élastique et enrobées d’un essuie-tout mouillé légèrement, dans un plat de yogourt vide avec un peu d’eau au fond. « Elles peuvent ainsi rester belles vraiment longtemps, dit-il. Parfois, elles ont même meilleure mine qu’au supermarché après une nuit comme ça au frigo. »

En savoir plus
  • Entre 4 $ et 6 $
    C’est le prix approximatif à la livre que les consommateurs devraient avoir à payer pour des asperges dans la plupart des fermes qui font de la vente directe. Les prix sont plus élevés que l’an dernier à cause de l’augmentation des dépenses liées à l’essence, aux engrais, à la main-d’œuvre, etc. Les asperges bios peuvent être un peu plus chères.
    Producteurs contactés par La Presse