(Paris) « Un mois et demi de maturation, marbrée, le gras sec qui va caraméliser : elle sera tendre comme pas permis » : explique en préparant une côte de bœuf, Romain Lebœuf qui milite pour remettre la viande à sa juste place face aux végétaliens et recommandations écologistes.

Issu d’une dynastie de bouchers et détenteur du prestigieux titre de « meilleur ouvrier de France », ce boucher parisien de 31 ans a récemment publié aux Éditions du Chêne Boucherie, une encyclopédie sur la viande avec des gestes techniques pour la maîtriser et une soixantaine de recettes, les siennes et de ses confrères pour valoriser chaque partie.  

« La viande, je suis né dedans », raconte cet originaire de Bourges qui avait commencé à couper des petits morceaux pour les animaux des clients dans la boucherie familiale dès 6 ans. « Mon père m’a expliqué la méthode, je ne me suis jamais blessé ».  

Préparer la viande « c’est apaisant. Quand j’ai des difficultés en boutique, je fais de l’agneau ou une belle pièce de bœuf. C’est une satisfaction purement personnelle ».

PHOTO STEPHANE DE SAKUTIN, AGENCE FRANCE-PRESSE

Romain Leboeuf

Pour la finale du meilleur ouvrier de France en 2015, celui qui rêvait un temps être designer d’intérieur a fait des sculptures de tête de bœuf, mais aussi de Notre Dame, de l’Arc de triomphe et du Sacré-Cœur… en graisse d’agneau.  

Vainqueur du Championnat du monde de boucherie aux Pays-Pas en 2009, il décide de voler de ses propres ailes et s’installe à Paris à 24 ans.

Il est l’un des rares dans la profession qui continue d’acheter les bêtes vivantes chez un éleveur dont le père a vendu à son père. Un procédé compliqué qui joue sur le prix, mais qui permet d’avoir « les meilleures » viandes.

La côte qu’il est en train de recouvrir et ficeler après avoir enlevé « tout ce qui résiste » à la cuisson — la veine, la vertèbre, les tissus conjonctifs — « il n’y en a pas tous les quatre matins ! »

« Meilleurs amis »… végétaliens

« La boucherie artisanale est un savoir-faire qu’on a dans peu de pays, on l’a en France, on valorise bien l’élevage », souligne Romain Lebœuf qui forme dans sa boutique des apprentis bretons, réunionnais et une Italienne venue en France parce que la filière n’est pas aussi bien structurée dans son pays.

« À l’heure actuelle, les codes sont pétés, sur la viande, vous avez de l’info, de l’intox, il faut juste arrêter ! ».

PHOTO STEPHANE DE SAKUTIN, AGENCE FRANCE-PRESSE

Romain Lebœuf a participé à des débats télévisés après que sa boutique eut été prise pour cible il y a un an par les végétaliens qui ont brisé la devanture et versé du faux sang.

« Ce sont mes meilleurs amis dans le sens que le bien-être animal est la chose que je défends le plus au monde », dit-il.  

« La boucherie est en ce moment un peu mise en boîte par quelques militants véganes, une minorité, mais qui fait beaucoup de bruit […] On n’a pas à se défendre, mais à replacer la viande dans l’équilibre alimentaire », souligne-t-il.

Pour le biologiste George Oxley, la présence des vaches « est hyper importante » dans la viticulture « pour la reproduction de levures de surface », qui permettent que l’eau rentre dans le sol. « Les concepts véganes sont complètement à côté de la biologie », soutient-il.

Quant aux recommandations de réduire la consommation de viande pour lutter contre le réchauffement climatique, « cela ne nous impacte pas, au contraire cela va plutôt dans le bon sens », souligne le boucher. « Si les gens en mangent moins, mais de meilleure qualité, cela m’arrange ».

Bon cuisinier lui-même qui fait à manger à ses apprentis à midi, il tient à accompagner ses clients. « Quand vous êtes boucher, vous voulez que votre client réussisse la cuisson, sinon c’est un non-sens ! ».  

La côte de bœuf de plus de 3 kg pour 6 à 8 personnes, on va la colorer à la poêle et envoyer au four chaud pour 15-25 minutes, d’après la technique des grandes-mères ou, de façon plus moderne, cuire à basse température -80 degrés maximum en sondant avec un thermomètre.

« À 45 °C au milieu, elle sera entre bleue et saignante avec toute la jutosité. Une cuisson de dingue ! »