«Les protéines de soya aident à réduire le cholestérol.» Preuves scientifiques à l'appui, Santé Canada vient d'autoriser les fabricants à inscrire cette allégation santé sur les étiquettes d'aliments contenant au moins 6 g de protéines de soya par portion. Des textes alarmistes, qui circulent abondamment dans les réseaux sociaux, mettent pourtant en garde contre cette légumineuse. Qui croire?

Manger des aliments riches en protéines de soya - tofu, fèves, miso, tempeh, boissons de soya, etc. - a un effet positif sur la santé, selon Santé Canada. En mars, la Direction des aliments de ce ministère fédéral «a conclu à l'existence de preuves scientifiques appuyant une allégation au sujet des protéines de soya et de l'abaissement du cholestérol sanguin».

Depuis, les fabricants sont autorisés à vanter les mérites anti-cholestérol de cette légumineuse dans leurs publicités et étiquettes. En indiquant, par exemple, que «150g de tofu fournit 70% de la quantité quotidienne de protéines de soya aidant à abaisser le cholestérol».

L'«apport quotidien minimal efficace» a été fixé à 25 g de protéines de soya par jour, ce qui équivaut à grignoter 3/4 tasse d'edamames, les fèves de soya vertes servies à l'apéro dans les restaurants japonais. Cette allégation est jugée «pertinente et généralement applicable à la population», puisque 39% des Canadiens de 6 à 79 ans présentent des taux malsains de cholestérol total, selon Santé Canada.

«On n'est pas vraiment capables de savoir si c'est la consommation de soya en tant que telle qui est bénéfique pour la santé du coeur, ou si c'est le fait qu'on mange moins de viande qui l'est, nuance Bernard Lavallée, diététiste et auteur du blogue Le Nutrionniste urbain. Il reste que les gens qui intègrent le soya à leur alimentation ont une meilleure santé cardiovasculaire.»

Aux États-Unis, le marché des aliments à base de soya a bondi de 2,28 à 4,5 milliards US par an, entre 1999 - année où une allégation santé liée au soya a été permise - et 2013, selon la Soyfoods Association of North America. Un boom des produits à base de soya est à prévoir ici aussi.

Excellente source de protéines

D'autant que le soya - l'un des premiers aliments que l'être humain a fait pousser, rapporte Extenso, le Centre de référence sur la nutrition de l'Université de Montréal - a de nombreux autres atouts.

Plus riche en gras que les autres légumineuses, le soya contient toutefois «de bons gras, des polyinsaturés et des monoinsaturés, dont des oméga-3», poursuit le nutritionniste. C'est aussi une source de fer, de zinc et même de calcium, dans le cas de boisson fortifiée et de tofu coagulé avec des sels de calcium - à vérifier sur le tableau de valeur nutritive.

Très légère diminution du risque de cancer du sein

Manger du soya, est-ce que ça minimise les bouffées de chaleur et autres désagréments liés à la ménopause? «On n'est pas capables de le prouver», répond M. Lavallée.

Est-ce que ça prévient le cancer du sein? Possiblement, mais surtout chez les femmes asiatiques, qui en consomment de bonnes quantités depuis l'enfance. Explication: le soya contient des phytoestrogènes, qui entraîneraient la destruction de cellules cancéreuses, contrairement aux oestrogènes naturellement sécrétés par les ovaires, qui contribueraient à leur prolifération. «Une analyse récente des résultats de 18 études indique que la consommation de produits à base de soya engendre une très légère diminution du risque de cancer du sein, mais ces résultats doivent être interprétés avec prudence», précise la Société canadienne du cancer dans son site internet.

Même les survivantes du cancer du sein peuvent consommer jusqu'à trois portions d'aliments à base de soya par jour, tranche la Société canadienne du cancer. Il leur suffit d'éviter les sources concentrées comme les poudres et suppléments de soya, «car ces produits peuvent affecter le corps d'une manière similaire aux oestrogènes».

Du soya dans la gomme à mâcher 

Reste à choisir sous quelle forme manger son soya. «Le mieux est de choisir des aliments peu transformés, conseille M. Lavallée. Les substituts de viande, comme ceux de Yves Veggie Cuisine, sont souvent des aliments transformés. Ce n'est pas parce que c'est végétarien que c'est bon pour la santé.»

Quant à ceux qui évitent le soya, ils doivent être très attentifs, puisque ses dérivés se cachent partout. Étonnamment, «la principale source de soya dans l'alimentation nord-américaine n'est pas le tofu, ce sont les aliments transformés», indique le nutritionniste.

Émulsifiant et texturant, le soya est utilisé sous forme d'huile, de lécithine, de farine, de protéine concentrées ou isolées. On peut le retrouver notamment dans la chapelure, les céréales, les craquelins, les aliments panés, les substituts de repas, les épices, certains hamburgers à base de viande hachée, des chilis, de la limonade, même dans la sauce Worcestershire et la gomme à mâcher.

Quels sont les aliments de soya traditionnels?

Lait de soya: boisson fabriquée à partir de soya moulu, filtrée.

Edamame: soya vert frais bouilli, vendu surgelé.

Miso: condiment fabriqué à partir de soya, d'une céréale, de sel et d'une culture de moisissures, utilisé pour donner du goût aux soupes et sauces.

Natto: haricots de soya fermentés et gluants, servis en accompagnement du riz.

Sauce soya: condiment liquide brun fabriqué à partir de fèves de soya fermentées.

Tempeh: fèves de soya entières fermentées, sous forme de pain solide.

Tofu: boisson de soya caillée et pressée.

Source: Le soya, la culture «bonne à tout faire» de l'agriculture, gagne du terrain dans tout le Canada, Statistique Canada.

Génétiquement modifié

«Chaque fois qu'on parle de soya comme bon aliment, je dois vous dire que les cheveux me dressent sur la tête, a écrit à La Presse Bernard Desparois, un lecteur de Sherbrooke. Plus de 90% du soya produit est génétiquement modifié (GM), un poison. Du soya Roundup dans mon assiette, non merci.»

En réalité, 82% des cultures de soya dans le monde étaient GM en 2014, selon le site d'information sur les OGM du gouvernement du Québec (www.ogm.gouv.qc.ca). C'est plus que le coton (68% des cultures mondiales), le canola (25%) et le maïs (30%).

C'est dans les cultures de soya et de coton génétiquement modifiés qu'on retrouve le plus d'empilements de gènes, qui permettent d'avoir plusieurs nouvelles caractéristiques à la fois.

Est-ce dangereux? «Du point de vue de la nutrition, il n'y a aucune preuve que les OGM soient néfastes, répond le nutritionniste Bernard Lavallée, auteur de Sauver la planète une bouchée à la fois, paru aux éditions La Presse. Mais on peut se poser des questions sur leurs effets sur l'environnement.»

Le soya génétiquement modifié est généralement utilisé avec de l'herbicide à base de glyphosate - comme le Roundup de Monsanto - , qui ne se dégrade pas aussi vite qu'espéré. Du glyphosate a été détecté dans 65% des échantillons de la rivière Yamaska analysés par Environnement Canada, de 2003 à 2008.

Si vous préférez ne pas consommer de soya génétiquement modifié, cherchez les aliments certifiés sans OGM ou biologiques. «C'est la seule façon d'éviter les OGM», dit M. Lavallée.