Depuis des siècles, on utilise le sel et les nitrates pour conserver la viande. Ajoutés au jambon, au bacon, aux saucisses et autres produits de charcuterie, ils leur donnent un goût à la fois salé et fumé, et ils permettent de stabiliser leur couleur.

Ces agents empêchent aussi la croissance de bactéries pathogènes durant la conservation. Les nitrates, plus précisément, inhibent la croissance du Clostridium botulinum, une bactérie qui peut sécréter une neurotoxine mortelle.

Malheureusement, à la longue, la consommation de sel cause le durcissement des artères et l'hypertension, des facteurs de risque de maladies cardiovasculaires (crise cardiaque, accident vasculaire cérébral).

Depuis les années 60, les autorités publiques nous mettent en garde contre les nitrites (la forme réduite des nitrates). Sous l'effet d'une chaleur intense (frire dans la poêle) ou au contact d'un acide (acidité dans l'estomac), les nitrites réagiraient avec les acides aminés contenus dans les protéines de la viande, du poisson, de la volaille, des oeufs et du fromage. Ensemble, ils formeraient des complexes appelés nitrosamines qui, selon des études faites sur des animaux, auraient des effets cancérigènes (estomac, côlon).

Ayant entendu parler des effets néfastes de la consommation de viandes fumées, Simone l'Heureux veut savoir si, en faisant bouillir le bacon avant de l'ajouter à son omelette, il est possible de se débarrasser de ces agents de conservation indésirables.

Le sel étant soluble dans l'eau, vous n'aurez aucun problème à vous en débarrasser en faisant bouillir votre bacon. Assurez-vous toutefois de bien l'éponger avant de le faire frire. Sinon, au cours de la cuisson, l'eau résiduelle aura tendance à faire crépiter le gras du bacon à l'extérieur de la poêle, risquant de vous brûler et d'éclabousser votre cuisinière.

Pour les nitrates, toutefois, je ne crois pas que cette étape permettra de les éliminer. Mais ce n'est peut-être pas si grave, car il faut savoir que la principale source de nitrates dans l'alimentation (80%) provient des légumes et des fruits.

Les légumes verts feuillus (laitue, endive, roquette, épinard, chou chinois), par exemple, renferment naturellement plus de 2000 ppm de nitrates. C'est beaucoup plus que ce que contiennent les viandes fumées (100 ppm).

Selon certaines études, en faisant bouillir ou frire les légumes verts feuillus, on élimine plus de la moitié des nitrates, sinon la totalité. De plus, la vitamine C contenue dans la plupart des fruits et légumes tend à limiter la formation des nitrosamines.

Par ailleurs, un chercheur suédois a récemment défendu une thèse portant sur les bienfaits des nitrates, qui joueraient un rôle dans les mécanismes de défense de la muqueuse de l'estomac et dans la prévention des ulcères d'estomac.

J'espère que cela n'était pas un trop grand détour pour vous dire que vous faites bien de vous préoccuper de votre consommation de sel et de faire des efforts pour la réduire.

Pour les nitrates, ce qu'il faut retenir, c'est que leur consommation n'est peut-être pas aussi mauvaise qu'on le croyait.

À suivre.

L'auteure de cette chronique est membre de l'Ordre professionnel des diététistes du Québec. Chaque semaine, elle répond à vos questions et commentaires. Adressez-les à: Chronique nutrition La Presse 7, rue Saint-Jacques, Montréal (QC) H2Y 1K9 ou par courriel à: questiondenutrition@hotmail.com