François Chartier est connu pour ses recherches sur les arômes, particulièrement sur ceux du vin. Toutefois, à l’autre bout du monde, le sommelier développe une nouvelle expertise : la production de saké. Sa boisson, créée en collaboration avec la maison japonaise Tanaka 1789, est maintenant offerte chez nous.

Rien ne prédestinait le sommelier québécois à se lancer dans la production de saké. Certes, il avait étudié les bases de cet alcool de riz lorsqu’il se préparait au concours mondial de sommellerie à Tokyo, en 1994. Mais une rencontre avec un homme d’affaires japonais a changé les choses en 2017. Celui-ci lui a demandé son opinion sur la qualité de ses sakés. François Chartier n’a pas répondu.

« Je suis resté dans la salle devant les dizaines de verres et j’ai fait ce qui ne se fait pas dans la tradition japonaise : un assemblage », raconte-t-il.

Le sommelier a appris l’art de l’assemblage aux côtés de l’œnologue bordelais Pascal Chatonnet, avec qui il a produit sa gamme de vins pendant quelques années. François Chartier a appliqué la même règle de base avec le saké, soit réunir les meilleures cuvées pour créer un nouveau cru encore meilleur.

J’ai apporté au saké ce que le monde du vin a compris depuis longtemps.

François Chartier, sommelier

Lorsque le toji, le responsable de la production du saké, est revenu dans la salle et qu’il a dégusté la boisson élaborée par Chartier, il a été renversé. La collaboration entre le sommelier et Tanaka 1789 venait d’être scellée.

Revoir les règles

À cinq heures au nord de Tokyo, dans la préfecture de Miyagi, François Chartier a passé de nombreux jours dans les installations de Tanaka 1789 pour revoir chaque étape de la production du saké. Son objectif : élaborer un alcool de riz qui saura plaire aux amateurs de vin. Pour y arriver, il fallait tout d’abord ajouter de la fraîcheur. « Le saké possède en moyenne cinq fois moins d’acidité que le vin », explique-t-il.

La tâche était complexe, car au pays du Soleil levant, la culture du saké est ancrée dans le patrimoine culturel depuis des siècles. Mais la maison Tanaka 1789 lui a fait confiance.

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À contre-courant avec les façons de faire actuelles, François Chartier a réduit le polissage des grains de riz de manière à conserver davantage de lipides et de protéines. Il a également sélectionné des variétés de riz et des levures locales. Puis, il a prolongé l’élevage en cuve de plusieurs mois.

Tous ces changements ont permis de produire un saké contenant seulement deux fois moins d’acidité qu’un vin. De plus, la boisson est ainsi plus complexe, les arômes persistent plus longtemps et l’impression est plus agréable en bouche.

Grâce au temps d’élevage plus long, l’assemblage a également un meilleur potentiel de garde et il se conserve beaucoup mieux au réfrigérateur après l’ouverture de la bouteille.

« On a créé sur mesure une bouteille noire de manière à protéger le saké de la lumière et pour qu’il vieillisse longtemps », ajoute-t-il. L’expert estime que le potentiel de garde de sa boisson peut dépasser 15 ans.

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« On a créé sur mesure une bouteille noire de manière à protéger le saké de la lumière et pour qu’il vieillisse longtemps », explique François Chartier.

Lancée en 2018, sa boisson nommée Blend 001 est commercialisée dans 28 pays. Le sommelier s’est aussi inspiré du vin pour produire un deuxième saké, plus accessible, à l’image des seconds crus de Bordeaux. En signe de clin d’œil au Château de Margaux, il a nommé cette nouvelle cuvée Pavillon.

« Time Pairing »

Lors d’un évènement à la fin de juin dans le Vieux-Québec, une bouteille accompagnait le repas du restaurant asiatique Bo. Les entrées d’huîtres, les raviolis d’anguille, le tataki de bœuf et morilles, la longe d’esturgeon, le mi-cuit de foie gras et le strudel de noisettes et sirop d’érable ont tous été servis avec le saké de François Chartier. Les accords étaient tous impeccables.

Avec le vin, tu as souvent deux ou trois possibilités d’accords au cours du même repas. Avec le saké, selon la température de service, j’en ai parfois cinq.

François Chartier

La boisson servie très froide ressemble à un sauvignon blanc vif et aromatique. Puis après quelques minutes dans le verre, l’alcool de riz prend des airs de grand chardonnay. Le sommelier a nommé ce concept le « Time Pairing ».

Pour le découvrir, François Chartier recommande de servir son saké avec un ceviche ou des huîtres lorsqu’il sort du réfrigérateur, puis de l’accompagner de poisson en sauce ou de champignons une fois que la température se réchauffe et atteint 20 °C. Mais surtout, il proscrit de le verser dans une tasse. Il conseille plutôt de le déguster dans un grand verre de vin.

Consultez la page des sakés de François Chartier

La cuvée Pavillon à la SAQ

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La cuvée Pavillon de François Chartier

La cuvée Pavillon est le premier saké de Chartier commercialisé à la SAQ. Son prix est élevé, mais il permet de s’initier au monde complexe de cet alcool. Les parfums d’agrumes et de fruits exotiques évoluent rapidement vers les notes lactées de beurre et d’herbes. La tension en bouche s’inscrit dans une texture onctueuse et longue. Le format de 500 ml est conçu pour être partagé par deux personnes au cours d’un repas. Mais le créateur assure que la boisson peut être conservée au frais pendant plusieurs mois. D’autres sakés, dont une collaboration avec le vigneron portugais Dirk Niepoort, seront offerts au printemps en importation privée.

Tanaka 1789 X Chartier Pavillon of Blend 001 2019, 84,25 $ (15005058), 16,5 %

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