Au printemps dernier, on a passé outre la Champagne des salles de dégustation somptueuses et des historiques caves enfouies dans des kilomètres de crayères pour découvrir la Champagne agricole, indépendante, biologique, vivante. En ce début de période de toutes les retrouvailles, trinquons aux bulles d’artisans !
La région vitivinicole la plus prestigieuse de France, où l’hectare coûte maintenant plus de 1 million d’euros (ou près de 1,4 million de dollars canadiens), est encore très fortement dominée par le négoce. Les grandes maisons élaborent leurs cuvées avec le raisin acheté aux viticulteurs. Mais depuis plusieurs années, l’Association des champagnes biologiques se bonifie d’une foule de petits domaines.
Consultez le site de l’Union des Maisons de ChampagneCeux-ci ne vendent pas à la propriété et reçoivent seulement sur rendez-vous, quand leurs propriétaires ne sont pas occupés aux champs ou au chai.
Il n’y a pas d’équipe commerciale chez les Tarlant, Piollot, Doquet et compagnie. Et réussir à acheter leurs bouteilles en France est parfois plus compliqué que de les trouver dans une succursale de la SAQ ou auprès de leurs agents québécois.
On peut s’estimer heureux d’avoir accès à toutes ces réjouissantes bulles.
La transmission de l’indépendance
La petite virée champenoise commence dans la vallée de la Marne. Benoît et Mélanie Tarlant, frère et sœur, sont issus d’une longue lignée de vignerons farouchement indépendants. Leur arrière-arrière-arrière-grand-père, Louis Tarlant, a contribué au développement de l’appellation d’origine contrôlée Champagne (AOC) en 1927 et juré de ne plus jamais vendre de raisin aux grandes maisons commerciales. Leur père Jean-Mary se lançait pour sa part dans le « brut nature » — le plus sec des champagnes, sans ajout de sucre aucun — dès les années 1970.
Aujourd’hui, les héritiers de 14 hectares de vignes (pinot noir, chardonnay et pinot meunier, mais aussi pinot blanc, arbane et petit meslier) se trouvent en porte-à-faux avec l’AOC. Ils la jugent trop restrictive à certains égards — Benoît a une fibre expérimentale, comme en témoigne la cuvée Argilité, fermentée et élevée en amphore — et beaucoup trop permissive à d’autres.
Ils poursuivent toutefois la tradition du brut nature, la poussant encore plus loin avec une conversion en bio maintenant terminée. « Faire du brut nature, ça nous oblige à être radicaux dans nos choix à la vigne parce qu’on ne pourra pas ajouter de sucre pour « corriger » quoi que ce soit, raconte Benoît. Il faut à la base faire un excellent vin de champagne, qui se tient tout seul. Je ne suis pas un radical du sucre, mais le brut nature, c’est ce qui nous a été transmis. »
Pour nous, le savoir-faire à la vigne est ce qu’il y a de plus important, et sa transmission est essentielle.
Mélanie Tarlant
« Quand le consommateur achète une bouteille de Tarlant, il achète une recherche. Travailler avec la nature, c’est tout en nuances. Ce n’est jamais noir ou blanc. Il faut rester vigilant et constamment se remettre en question », déclare sa sœur Mélanie, tandis que nous observons les verdoyants coteaux tout autour.
Pionnier du bio
Un arrêt chez Pascal Doquet, président de l’Association des champagnes biologiques (qu’il a cofondée en 1998) et vigneron dont les cuvées sont bien établies au Québec, était de mise.
Vigneron sur la Côte des Blancs depuis 1982, il a pris le contrôle complet de l’ancien domaine familial en 2004, épaulé par sa femme, Laure. L’ébouriffé, qui se qualifie de « hippie » formé aux philosophies orientales, produit entre 65 000 et 70 000 bouteilles sur 8,5 hectares.
Travailler la vigne sans chimie, ça n’a jamais été simple. « Au début, on n’était vraiment pas nombreux. Il fallait être droit dans ses bottes et ne pas avoir peur des qu’en-dira-t-on. Aujourd’hui encore, on se demande pourquoi il n’y a pas plus de vignobles en bio. »
La prise de risque fait peur, surtout qu’on avance de plus en plus dans l’imprévisible. En 2021, j’ai récolté 15 % de ma production habituelle sur un des sites. C’est dur.
Pascal Doquet, président de l’Association des champagnes biologiques
Cela dit, la disparition de la biodiversité donne raison aux pourfendeurs de chimie. « On est tout petits, mais on a une grande influence ! », se réjouit M. Doquet.
Une affaire de famille
« L’Aube se lève », « Quand la Champagne s’éveille à l’Aube », lit-on dans la presse spécialisée. L’Aube, c’est la région la plus au sud de l’appellation. Elle a longtemps été laissée pour compte. Mais c’est ici que plusieurs chouchous des amateurs de champagnes d’artisans, dont Charles Dufour (Bulles de comptoir), Cédric Bouchard, Vincent Couche, Vouette & Sorbée, Jacques Lassaigne, sont installés.
C’est également ici, à Polisot, qu’on trouve la famille Piollot-Moreau. En 1986, Roland Piollot a décidé de champagniser le raisin que son père vendait auparavant. Dominique Moreau a quant à elle quitté sa carrière en enseignement pour fonder les champagnes Marie Courtin (nom de sa grand-mère) en 2005. Jeanne Piollot, leur fille, a récemment acheté une parcelle à Molesme, de l’autre côté de la « frontière », en Bourgogne, où elle vinifie de délicieuses bulles en appellation Vin de France. Celle qui aide aussi ses parents en Champagne avait soif de liberté et d’expérimentation.
Défiant la tradition de l’assemblage, Roland Piollot ne produit que des champagnes en monocépage, dont le superbe Colas Robin, à base de pinot blanc. C’est un acte de résistance, la plupart des vignes de ce raisin ayant été arrachées au fil du temps, au profit du chardonnay et du pinot noir.
Dominique Moreau s’en tient, elle aussi, à un seul cépage par cuvée, provenant d’une parcelle et même d’un millésime uniques. On peut difficilement faire plus pur comme expression d’un vignoble. Qui plus est, les vignes du couple sont menées en biodynamie. Jeanne, elle, convertit sa parcelle malmenée tout doucement.
Les vins de Roland et Jeanne Piollot sont représentés au Québec par Les vins dame-jeanne et vendus en commande privée uniquement (ou dans les restaurants). Il en va de même pour les Champagnes Marie-Courtin, qui appartiennent au portfolio de l’agence Art & vin.
Consultez le site des Vins dame-jeanne Consultez le site d’Art & vinSuggestions
Champagne Tarlant Zero Brut Nature
Cette cuvée phare du domaine Tarlant, faite de parts égales de pinot meunier, de chardonnay et de pinot noir, a un nez qui évoque l’heureux mariage de la framboise et du chocolat blanc. En bouche, le côté lacté est balancé par une acidité très affirmée.
54,50 $ (15 095 305)
Consultez la fiche de la SAQPascal Doquet Horizon blanc de blancs brut
Favori des champagnes de vigneron offerts à la SAQ, ce Doquet a un profil classique, juste assez brioché/oxydatif. À base de chardonnay à 100 %, il est passe-partout et réconfortant.
57 $ (11 528 046), bio
Consultez la fiche de la SAQChampagne Pierre Gerbais Grains de Celles
Ce champagne très frais et délicat révèle des notes de pomme verte vivifiantes. On le sifflera volontiers à l’apéro avec les copains/copines, autour de l’îlot de cuisine.
49,50 $ (13 647 014)
Consultez la fiche de la SAQVincent Couche Élégance Extra Brut
Comme la Côte des Bar d’où elle vient, cette cuvée sans soufre est composée majoritairement de pinot noir (84 %), avec un peu de chardonnay. On a une petite préférence pour les millésimés de Couche, un peu plus chers, mais la finesse de ce brut vineux ne déçoit pas pour le prix.
48,50 $ (14 758 816), bio
Consultez la fiche de la SAQChampagne Geoffroy Expression Premier Cru
Le pinot meunier (50 %) l’emporte sur le pinot noir (40 %) et le chardonnay (10 %) dans cet assemblage. Les 8,4 g de sucre par litre se sentent à peine, tant le vin est en équilibre. Pour amateurs de champagnes plus amples qui recherchent la touche grillée/noisettée.
61 $ (13 699 754)
Consultez la fiche de la SAQPhilippe Lancelot Grand Cru Cramant 2015
Il reste peu de ce champagne plus haut de gamme dans le réseau, mais la cuvée Fine Fleur 2016 devrait arriver en SAQ incessamment. Sans soufre, ce blanc de blancs est fin et complexe, avec une trame épicée et des amers désaltérants.
136 $ (14 997 518)
Consultez la fiche de la SAQHors SAQ
On trouvera une bonne sélection de champagnes d’auteurs sur le site du Déserteur, au Café DAX, chez Vino Rama, à la Ferme 40 arpents (dans le Kamouraska) et à la Réserve naturelle (Sutton), entre autres.
Consultez le site du Déserteur