(Rochefort-sur-Loire) Qui aurait pensé que le chenin blanc, typique des vins de la Loire, possédait plusieurs similitudes avec le vidal, hybride répandu au Québec ? C’est ce que croit Laëtitia Huet. La vinificatrice a passé 12 ans au vignoble de la Rivière-du-Chêne, à Saint-Eustache, avant d’acheter un château dans la Loire. Elle s’inspire maintenant du Québec pour élaborer ses vins.

Les vendanges sont bien amorcées au sud de la ville d’Angers, dans la vallée de la Loire. Les tracteurs s’affairent dans les campagnes et les vignobles ont fermé momentanément leurs portes, le temps des récoltes.

Or, au Château de Piéguë, les visiteurs sont les bienvenus. Chaque samedi de septembre, la vigneronne Laëtitia Huet accueille 25 personnes pour une journée d’immersion dans les coteaux du Layon.

Ce concept, encore peu répandu en France, n’est pas sans rappeler les journées de vendanges organisées dans des vignobles au Québec. C’est d’ailleurs une activité bien rodée au domaine de la Rivière-du-Chêne, à Saint-Eustache, où a travaillé Laëtitia Huet pendant 12 ans.

« Les clients en raffolent, observe-t-elle. On est toujours complet. On récolte le matin, puis on mange ensemble le midi avant de transformer les fruits en après-midi. C’est exactement ce qu’on faisait à Rivière-du-Chêne. »

La journée d’immersion dans les récoltes n’est pas la seule inspiration que la vinificatrice a ramenée du Québec. Le Val de Loire est bousculé par les changements climatiques.

Pour combattre les gels printaniers, de plus en plus fréquents et dévastateurs dans cette région de France, les producteurs installent des tours à vent. Une machine qu’on voit depuis longtemps dans le paysage québécois.

D’autres encore testent la protection avec des toiles géotextiles. Ces méthodes, Laëtitia Huet les connaît par cœur, puisqu’elle les a longtemps utilisées au Québec.

Les hybrides à la rescousse

La vigneronne a toutefois une autre piste de solution en tête pour combattre le gel : planter des hybrides. Le vidal, l’un des raisins blancs les plus répandus dans la province, est dans sa ligne de mire. Sa ressemblance avec le cépage vedette de la Loire, le chenin blanc, est frappante.

« La texture de la grappe, la peau épaisse, l’acidité importante… le chenin blanc et le vidal ont beaucoup de similitudes. »

Tout comme le chenin, le vidal est très polyvalent. Il permet d’élaborer des vins effervescents, des blancs secs et doux. Son véritable atout pour la Loire réside dans ses bourgeons qui sortent plus tardivement au printemps, et qui sont donc moins susceptibles d’être exposés au gel.

Le vidal a été créé au début du XXe siècle pour combattre le phylloxéra en Europe, mais il a rapidement été méprisé, comme les autres hybrides. Les changements climatiques pourraient toutefois lui donner une seconde vie sur le continent européen, car de plus en plus d’hybrides sont à l’essai dans l’Hexagone.

Trop cher au Québec

Les vallons qui bordent la rivière Layon s’enchaînent au sud de la ville d’Angers. Les châteaux de la Loire, construits de pierre blanche de tuffeau, se dressent dans un écrin de vignes verdoyantes. Les cyprès et les pins parasols qui entourent le Château Piéguë évoquent même un paysage de Toscane.

Pourtant, ce n’est pas ce cadre idyllique qui a incité Laëtitia Huet à retourner en France. Après une décennie, elle maîtrisait la vinification des capricieux hybrides et appréciait le climat plus rigoureux. Avec son conjoint, elle a d’ailleurs visité plusieurs vignobles à vendre au Québec avant de conclure qu’il serait plus facile de rentabiliser un domaine en France.

Les vignobles sont super chers au Québec et il y a une grosse part de risque. Ça reste un défi de faire du vin au Québec, versus en France, où le terroir est plus facile.

Laëtitia Huet, vigneronne

Un château de la Loire, bordé de 28 hectares de vignes matures, est-il plus abordable qu’un vignoble à Dunham ? Pas vraiment. Neuf actionnaires, dont trois Québécois, ont cru au rêve de Laëtitia Huet et l’ont aidée à financer l’achat. La vigneronne exploite également des chambres d’hôte dans la grande demeure.

En attendant que son premier vin, un crémant de Loire, arrive sur les tablettes de la SAQ en novembre, la vigneronne affiche fièrement dans sa salle de dégustation une photo prise au Québec alors qu’elle récoltait des raisins gelés recouverts de neige un certain mois de décembre.

Note de dégustation

Le chardonnay et le chenin blanc se partagent en parts égales l’assemblage de ce crémant de Loire. Après un élevage sur lies d’un minimum de 18 mois, fraîcheur et finesse de la bulle sont au rendez-vous. Des parfums d’amande verte et de citron parfument le verre. L’attaque rafraîchissante fait rapidement place à une texture plus ronde et gourmande. Subtilement dosé, sans être complètement sec, c’est un magnifique vin effervescent pour accompagner les huîtres.

PHOTO FOURNIE PAR LE CHÂTEAU DE PIÉGUË

Château Piéguë, crémant de Loire

Château Piéguë, crémant de Loire, 25,05 $ (15046141). Il sera offert à la SAQ en novembre.