Les années se suivent, mais ne se ressemblent pas dans le vignoble québécois. Après la récolte 2021 qualifiée d’exceptionnelle tant pour la qualité que pour la quantité des raisins, la production de vin sera en baisse cette année.

Le producteur du Vignoble de la Bauge à Brigham, Simon Naud, est sans équivoque : la récolte 2022 s’annonce moins grandiose que les deux précédentes.

« On a une année de défis. On a eu beaucoup de pluie et moins de chaleur », a expliqué M. Naud au cours d’une activité qui s’est tenue au Domaine du fleuve le 29 août, à laquelle ont assisté une soixantaine de vignerons du Québec.

PHOTO ANNE GAUTHIER, ARCHIVES LA PRESSE

Simon Naud, producteur du Vignoble de la Bauge à Brigham

Dans certaines régions de la province, les vignerons affirment avoir enregistré deux fois plus de pluie dans les mois de mai et de juin que la totalité des précipitations estivales reçues l’an dernier.

Cette météo grise n’a pas favorisé un mûrissement précoce des raisins, observe également l’agronome Gaëlle Dubé. Ainsi, les vendanges se dérouleront vers la fin de septembre et pourraient s’étirer jusqu’à l’Action de grâce, si le temps est clément. Malgré la météo pluvieuse, l’experte observe peu de maladies. Une bonne nouvelle pour la qualité de la vendange à venir.

Selon le vigneron Normand Guénette, propriétaire du vignoble Chat Botté, à Hemmingford, la vendange 2022 sera normale.

Il ne faut pas se comparer avec l’an passé, c’était la meilleure année depuis 40 ans !

Normand Guénette, propriétaire du vignoble Chat Botté

Froid intense

La chercheuse Andréanne Hébert-Haché, spécialiste de la résistance hivernale chez les vignes, affirme que ce n’est pas la pluie qui a nui le plus à la future récolte, mais plutôt le gel intense de l’hiver.

Le mercure a plongé jusqu’à - 30 °C dans certaines régions en janvier. A priori, rien d’anormal pour le climat québécois. Ce qui est exceptionnel, c’est qu’il y avait peu de neige au sol pour protéger les plants. Ainsi, les températures extrêmes ont endommagé les futurs bourgeons et hypothéqué la récolte 2022.

« On voit que les cépages hybrides sont adaptés à notre climat, dit-elle, car il y a des fruits sur les vignes malgré tout. »

Quant aux cépages dits européens, de l’espèce vitis vinifera, ils sont protégés sous une toile de géotextile pour affronter l’hiver. Or, cette protection n’a pas été totalement efficace cette année, souligne Gaëlle Dubé.

« La toile, elle a ses limites, dit-elle. S’il fait - 35 °C dehors, sous la toile, il fera 10 °C de plus, donc - 25 °C. Ce ne sera pas suffisant pour une vigne vitis vinifera. »

L’agronome constate que beaucoup de vignerons cultivent les deux espèces. De cette manière, ils répartissent mieux les risques.

Vigneron depuis bientôt 30 ans à Havelock, au vignoble du Marathonien, Jean Joly se veut rassurant. Il avance que s’il y a moins de fruits de façon générale sur les vignes, les raisins seront davantage concentrés en saveur et mûriront plus vite.

Inquiétudes

Lors de la rencontre des vignerons membres du Conseil des vins du Québec (CVQ), les discussions s’inquiétaient davantage du règlement de la plainte qu’avait déposée l’Australie, en 2018, devant l’Organisation mondiale du commerce que de la récolte à venir. En effet, l’Australie affirmait que le Canada favorisait les producteurs locaux en leur permettant de vendre directement en épicerie sans imposer de frais supplémentaires, comme c’est le cas lorsqu’ils vendent à la Société des alcools du Québec (SAQ).

Les deux pays ont fini par s’entendre l’an dernier.

Les vignerons québécois peuvent continuer à vendre dans les épiceries sans passer par la SAQ, mais ils devront, à partir du 1er décembre 2023, payer une redevance de plus de 40 % sur la valeur facturée au commerçant.

« C’est un coup dur », affirme sans détour le président du CVQ, Louis Denault.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Louis Denault, président du Conseil des vins du Québec

Le vigneron de l’île d’Orléans travaille d’arrache-pied pour trouver un moyen d’absorber cette nouvelle taxe sans faire augmenter le coût des vins en épicerie ni menacer la jeune industrie vinicole au Québec.

Louis Denault tente également de convaincre le gouvernement du Québec de changer une autre règle : le transport du vin. Selon la loi en vigueur, le vigneron est le seul qui peut livrer ses vins en épicerie. Ni un autre vigneron ni une entreprise de transporteur ne peut le faire.

Selon le président du CVQ, un changement dans la loi permettrait aux vins du Québec d’être davantage disponibles en région, puisque plusieurs producteurs ne livrent pas dans les épiceries trop éloignées des vignobles.