En seulement quelques années, l’industrie brassicole québécoise a acquis une expertise enviable, et plusieurs dizaines de microbrasseries ont vu le jour. Chaque mois, nous parlons d’un aspect du monde effervescent de la bière.

Le Super Bowl est certainement l’évènement le plus festif de la planète sport, avec un rayonnement désormais culturel, mais aussi gourmand. Chose certaine, la grand-messe du football américain se célèbre religieusement bière à la main, une réalité qui profite depuis longtemps aux grands brasseurs. Mais les microbrasseries du Québec ont maintenant ce qu’il faut pour obtenir leur part du gâteau.

L’exemple est frappant quand on entre chez Maxi. Au-dessus du bac réfrigéré dans lequel on trouve les incontournables ailes de poulet, côtes levées et autre boustifaille pour accompagner le match entre les Rams de Los Angeles et les Bengals de Cincinnati, on trouve en étalage la nouvelle gamme de bières artisanales brassées exclusivement pour Maxi par la microbrasserie Maltco.

« Le Super Bowl est une grosse période pour la consommation de bière, on essaie donc de faire changer la perception des gens en leur montrant que des bières légères faites localement ça existe, nous explique Philippe Jacques, directeur général de la brasserie de Québec. On utilise les mêmes stratégies que les grandes brasseries pour rejoindre la clientèle, on veut être visibles là où les gens font leurs emplettes. »

Du sur-mesure

C’est Maltco qui a pris contact avec l’épicier en lui proposant une gamme exclusive. « Ce n’est pas une initiative menée par la société mère Loblaws, nous assure l’entrepreneur. C’est un projet que l’on a nous-mêmes proposé à Maxi, et ça leur a plu de pouvoir compter sur un produit unique. Pour nous, c’est idéal parce que l’on fait des bières de styles accessibles à des prix abordables, c’est le mariage parfait. »

La brasserie de l’arrondissement de Charlesbourg a ainsi mis au point la Blanche’t, une blanche ; la Ben Oui, une session IPA ; et la Fait Soif !, une ale blonde faible en alcool, qui est justement faite sur mesure pour le Super Bowl, selon Philippe Jacques.

« Il y a des moments où l’on aime profiter de l’occasion avec ses amis, où l’on veut juste partager une bonne bière sans trop se pencher sur les variétés de houblons qui ont été utilisées, soutient-il avec justesse. Avant le Super Bowl, on va juste ajouter cette bière dans notre panier d’épicerie, c’est exactement ce que l’on cherche dans des évènements comme ça. »

M. Jacques se défend toutefois de lésiner sur la qualité, soulignant que la vision de la microbrasserie s’aiguille d’abord et avant tout par un profil de dégustation qui plaît aux brasseurs et aux amateurs de bière. Il reste que Maltco veut être en mesure d’offrir ses bières à des prix très raisonnables, notamment grâce à des économies d’échelle rendues possibles par des investissements qui permettent entre autres à la microbrasserie de compter sur ses propres silos à grain et sur un important stock de contenants.

Le geek de bière n’avouera peut-être pas publiquement que le prix fait une différence, mais en réalité, il est très possible qu’il se ramasse un petit 4-pack quand il va aller faire ses emplettes chez Maxi.

Philippe Jacques, directeur général de Maltco

« Quant au consommateur moyen, c’est génial pour lui d’avoir accès un bon choix de bières de microbrasserie à l’épicerie, c’est une question de facilité et d’accessibilité », ajoute-t-il.

Achat local

La brasserie Lagabière a fait un choix semblable en investissant dans une nouvelle usine qui a lancé ses activités en décembre dernier. La microbrasserie de Saint-Jean-sur-Richelieu compte maintenant sur des installations qui lui permettent de brasser d’autres variétés que sa populaire Ta Meilleure, l’une des bonnes NEIPA brassées au Québec.

« Quand on a la chance de faire quelque chose d’autre que nos traditionnelles New England IPA, j’aime ça, nous explique Francis Laganière, copropriétaire avec son frère Sébastien. Et on est d’avis que le consommateur de micro est comme nous et qu’il veut varier et avoir accès à autre chose. »

C’est ainsi que Lagabière a lancé une nouvelle gamme de bières plus accessibles, les Lagablonde, Lagalight, Lagablanche, Lagarousse et Lagastout. « Pour le consommateur moyen, savoir qu’il y a une microbrasserie locale qui est capable de faire un produit qu’il reconnaît et qu’il aime va par la suite l’amener à explorer notre gamme complète », affirme de son côté Kevin Fournier, directeur du marketing.

Chez Lion Bleu, à Alma, presque 40 % des bières vendues au bistro-brasserie sont des blondes accessibles, y compris l’excellente Extracteur, une lager d’inspiration mexicaine. « Les lagers sont vraiment de plus en plus populaires, nous dit David Otis, propriétaire et brasseur. Ça démocratise la bière de spécialité, c’est vraiment une belle porte d’entrée dans l’univers de la microbrasserie. Maintenant, quand un monsieur entre et me dit qu’il n’aime pas ça, les bières fancy, je lui réponds : “Aimez-vous ça, une petite Corona ? Goûtez donc à ça !’’ »

10,5 millions

C’est la somme investie dans la nouvelle usine de Lagabière à Saint-Jean-sur-Richelieu. Bien que l’objectif à moyen terme soit de produire 30 000 hectolitres de bière, la capacité réelle de l’usine pourrait atteindre 100 000 hectolitres.

Source : Francis Laganière, copropriétaire, microbrasserie Lagabière

Sélections du moment

Extracteur Lager mexicaine

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L’Extracteur Lager mexicaine, de Lion Bleu

Le zeste d’une caisse entière de limes est incorporé à la fin du processus d’ébullition de chaque brassin d’Extracteur. Le nez de cette lager blonde d’inspiration mexicaine est conséquemment explosif. Mais on perçoit aussi son étonnant profil céréalier, composé de malt Vienna puis de 30 % de flocons de maïs — c’est la façon de faire des immigrants allemands qui ont à l’origine développé ce genre de lager au Mexique, nous dit le brasseur David Otis. Son goût est néanmoins franc et rafraîchissant à souhait grâce à l’acidité de l’agrume, avec une belle longueur bien encadrée par les houblons Saaz et Magnum.

Lion Bleu, 4,5 % alc./vol., 473 ml

Fait Soif !

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La Fait Soif !, de Maltco

Bien qu’il soit parfaitement adéquat de la boire directement de la canette, elle est aussi tout à fait à sa place dans un verre, où elle s’accompagne d’un mince col de mousse duquel s’évadent de discrets effluves maltés. En bouche, elle offre une superbe effervescence avec une finale très sèche, fort rafraîchissante. Son agréable touche maltée assure néanmoins une belle longueur, appuyée par une amertume bien dosée qui en fait une bière légère qui se distingue aisément des offrandes commerciales comparables, sans pour autant déstabiliser le profane. En vente seulement chez Maxi.

Maltco, 4 % alc./vol., 473 ml

Lagablonde

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La Lagablonde, de Lagabière

Une belle mousse persistante coiffe cette ale blonde un peu trouble qui laisse échapper de discrètes exhalaisons de fraise et de vanille. Son amplitude en bouche est étonnante, avec une effervescence franche. La finale maltée laisse des traces subtiles de vanille et de petits fruits, l’amertume des houblons vient toutefois agréablement clore le débat. Encore une belle façon de s’initier aux bières de microbrasseries.

Lagabière, 4,9 % alc./vol., 473 ml

Bon baiser de Prague

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La Bon Baiser de Prague, de Vagabond

Nez discret offrant quelque chose d’agréablement floral, qui cède le pas à des saveurs beaucoup plus affirmées en bouche, bien craquantes au palais, comme on s’y attend pour une pilsner bohémienne. La brasserie Vagabond, qui fait partie du Collectif brassicole Ensemble, à Boucherville, a manifestement bien respecté la formule classique en utilisant notamment l’essentiel houblon Saaz, mais on a aussi osé une touche nord-américaine en ajoutant de petites quantités de Bravo, ce qui explique sans doute l’agréable aspect floral. Une belle réussite avec un potentiel fédérateur.

Vagabond, 4,9 % alc./vol., 473 ml

Sentinelle

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La Sentinelle, de Dieu du Ciel !

Avec sa belle robe jaune parfaitement limpide, cette ale blonde inspirée des Kölsch allemandes offre un superbe profil céréalier, délicatement malté avec une amertume qui s’affirme graduellement à chaque lampée, affirmant le caractère savamment fruité, herbacé et épicé du houblon Vanguard, cousin nord-américain de l’allemand Hallertau. Bien sèche, bien craquante, voilà une autre superbe interprétation d’un classique très accessible, à prix d’ami.

Dieu du Ciel !, 5,1 % alc./vol., 473 ml