(Dijon) Les viticulteurs ne décolèrent pas. Face à un projet de révision de l’aire d’appellation de l’AOC Bourgogne porté par l’Inao, qui gère les appellations agricoles françaises, ils dénoncent l’amputation de « secteurs entiers de la Bourgogne historique ».

Le comité national de l’Institut national de l’origine et de la qualité (Inao), qui devait examiner ce projet jeudi, a préféré le reporter en raison de la dissension « entre les propositions qui allaient être discutées et les positions des syndicats de vignerons de Bourgogne ».

Une annonce qui n’a pas tranquillisé les organisations professionnelles qui s’alarment d’une nouvelle délimitation qui conduirait à « sortir 64 communes de Bourgogne de l’aire de production de l’AOC Bourgogne », en particulier dans les secteurs de Chablis, de Dijon et du nord de la Côte-d’Or.

Le projet de l’Inao maintiendrait en revanche la moitié des communes du Beaujolais qui peuvent déjà prétendre à l’appellation aujourd’hui, soit une quarantaine sur 386 qui composent la Bourgogne viticole, ce qui a achevé de mettre le feu aux poudres.

« La Bourgogne c’est la Bourgogne. Et le Beaujolais, c’est le Beaujolais », martèlent en cœur, depuis fin janvier, vignerons et élus, craignant une délocalisation de la production, une surproduction et à terme une baisse de l’image et du cours du bourgogne.

Les vins de Bourgogne sont « très gravement menacés », abondent douze députés et sénateurs régionaux de tous bords, face à ce qu’ils estiment être « une faute contre l’histoire, la géographie, l’économie ».

Les vignerons sont pourtant à l’origine de cette demande de révision, un dossier ouvert en 2000 : « La Bourgogne n’a jamais achevé son travail de délimitation initié en 1937 », une situation « devenue aujourd’hui problématique », expliquent leurs représentants.

Mais ils craignent que cette démarche se retourne aujourd’hui contre eux.

« Critères objectifs »

« Aujourd’hui on est dans la phase d’étude », tempère Gilles Flutet, responsable du service Territoires et Délimitation de l’Inao. Pour établir cette nouvelle délimitation, le responsable met en avant la nécessité de « travailler sur des critères objectifs », sans se limiter au sol et au cépage.

« Les experts ont pour mission de définir ce qu’est la Bourgogne viticole » et se basent sur des éléments « liés au milieu naturel, mais aussi aux pratiques et usages », explique-t-il.

Les zones qui sortiraient de l’aire d’appellation ne choisissent d’utiliser que « très peu » l’AOC Bourgogne, souligne M. Flutet, qui prend en exemple la préférence souvent donnée à l’AOC Chablis dans l’Yonne.

« On a du mal à comprendre comment on peut proposer d’exclure de la Bourgogne des producteurs qui y sont depuis des siècles », lance Thiébault Huber, président de la Confédération des appellations et vignerons de Bourgogne.

Il faut « enterrer » cette proposition dont les critères sont « proprement inacceptables » avant de « revoir la méthode de travail avec l’Inao pour coconstruire le dossier de délimitation », assène-t-il.

Bourgogne en Beaujolais

Le dossier a connu plusieurs rebondissements depuis 2000, dont le rejet d’une précédente délimitation par le Conseil d’État en 2014. À l’époque, ce sont les producteurs de bourgogne en Beaujolais qui s’estimaient discriminés.

« Notre cible n’est pas les vignerons du Beaujolais », assure aujourd’hui M. Huber. Dominique Piron, président d’InterBeaujolais, dit d’ailleurs « comprendre tout à fait » la colère des Bourguignons face à l’exclusion de communes historiques : « le nom “Bourgogne” a de la valeur aujourd’hui dans le monde entier ».

Mais il compte aussi « protéger » ceux qui produisent du bourgogne dans le Beaujolais, ce qui ne concerne « qu’une petite partie » de cette région viticole située majoritairement dans le Rhône, au sud de la frontière bourguignonne.

Le Beaujolais figure « historiquement comme un vignoble de la Bourgogne », insiste de son côté l’Association des producteurs de bourgogne en Beaujolais, appelant à « ne pas confondre Bourgogne viticole et Bourgogne administrative ».

« Les viticulteurs en Beaujolais produisent à la fois des vins du Beaujolais, du Crémant de Bourgogne et du bourgogne, c’est une réalité de la production qui doit être reconnue » et qui « ne s’oppose pas au fait de revendiquer fièrement notre identité beaujolaise », selon l’association.

Malgré le report du projet, « la mobilisation reste entière », selon les vignerons de Bourgogne, qui ont décidé de maintenir le rassemblement prévu jeudi devant le siège de l’Inao à Montreuil.