(Saint-Ignace-de-Stanbridge) Ce n’est pas la COVID-19 qui a fait prendre le champ à Sophie Bélair Hamel et Frédéric Ouellet-Lacroix, mais un désir longuement mûri d’apporter leur contribution pour l’environnement, de participer à la petite révolution agricole en cours, d’offrir un milieu de vie sain et sensé à leurs deux filles. Bienvenue chez Les Sœurs Racines.

Est-ce un vignoble ? Un gîte ? Une table champêtre ? Un centre de zoothérapie, avec chien et poules sociables ? La réponse est en redéfinition constante, tandis que le jeune couple bâtit son projet au meilleur de ses moyens, de ses envies et des revirements incessants de la vie.

Heureusement, avec le mois de décembre arrive ce temps de l’année où la nature s’endort et laisse un peu de répit à ses « accompagnateurs ». Les vignes ont été couvertes de paille et de toiles, le potager préparé pour l’hiver. Le caveau est rempli de légumes de garde. Les poulets de chair ont été abattus, promesse de bons repas en famille. La chasse a été fructueuse. Le congélateur déborde !

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Les vignes ont été protégées pour l’hiver avec de la paille et des toiles.

Bien qu’ils soient loin d’être en vacances, Frédéric et Sophie peuvent un peu se poser et se demander quels cépages ils ont envie de planter au printemps prochain, pour continuer de développer le vignoble. Ils peuvent réfléchir à l’avenir de leur magnifique gîte, qui connaît un succès fou, et à un possible service de restauration à la ferme, l’été prochain. Auront-ils ou pas des cochons au printemps ? Combien de poulets devraient-ils réserver ? Est-ce le temps de construire un premier petit chai pour faire du vin l’automne prochain ?

Bref, même quand la saison « morte » s’installe, ça ne chôme pas dans la chaumière, d’autant plus que les jeunes parents occupent tous deux des boulots à l’extérieur. Sophie travaille à la municipalité. Frédéric était employé du vignoble Les Pervenches et s’apprête maintenant à faire des contrats de rénovation pendant l’hiver.

La transition

« On a toujours voulu cultiver et élever ce qu’on mangeait, ce qu’on buvait. Comprendre le cycle. Le faire bien », explique Sophie, en repensant à ce qui les a poussés à acheter une propriété agricole à Saint-Ignace-de-Stanbridge, en 2017.

La transition ville-campagne a commencé lorsque son amoureux a décidé de donner un coup de main au vignoble Pinard et filles, à Magog, tout en travaillant au restaurant Joe Beef. C’était en 2016.

« À l’été 2017, Frédéric [Simon, le vigneron] nous a même permis de planter un petit jardin, chez Pinard, pour avoir des légumes. Mais on ne savait pas trop ce qu’on faisait », raconte celui que tout le monde appelle affectueusement « grand Fred », pour honorer ses 6 pi 6 po.

Le constat principal de cette première aventure dans le champ a donné une direction au projet du couple.

J’ai réalisé que la terre, la lutte contre les produits chimiques et les ajouts m’intéressaient finalement beaucoup plus que le vin lui-même. Il fallait d’abord et avant tout apprendre à être agriculteurs. C’est la partie la plus complexe d’un vignoble.

Frédéric Ouellet-Lacroix, cofondateur des Sœurs Racines

« Ici, on n’a pas d’investisseurs. Chaque pied de vigne est payé de notre poche. On n’a pas trop de marge d’erreur », ajoute la titulaire d’une maîtrise en environnement, dont le sujet de recherche était justement la viticulture au Québec.

« La vigne, c’est une culture pérenne qui a du sens d’un point de vue écologique, si on le fait bien et qu’on évite la monoculture stérile. Ça vaut donc la peine de prendre son temps pour faire les bons choix », croit Sophie.

La ferme de Saint-Ignace-de-Stanbridge a été achetée en 2017. Les premières vignes ont été plantées au printemps 2018. Mille pieds de melon de Bourgogne (cépage du muscadet) ont été mis en terre. Le raisin a été vendangé une première fois cet automne et entre dans la composition d’une bière collaborative de la brasserie Dunham. Il n’y aura que 300 bouteilles, vendues sous peu. Soyez à l’affût !

En 2019, des rangs de chardonnay, de pinot noir, de frontenac gris et de seyval se sont ajoutés. Sophie et Fred ont voulu planter du muscat, mais ont dû se rabattre sur du gewurztraminer. Ils avaient commandé 3500 pi de pinot gris, mais la pépinière du Niagara n’en a pas livré un seul ! Ce sont les aléas d’un tout petit vignoble québécois face aux grands de l’Ontario.

Les prochaines plantations se feront au printemps 2021. « On aimerait atteindre trois hectares de vigne, donc 12 000 à 15 000 pi », déclare Sophie.

Pas seulement la vigne

  • Le gîte des Sœurs Racines a du charme à revendre.

    PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

    Le gîte des Sœurs Racines a du charme à revendre.

  • Une des trois chambres du gîte des Sœurs Racines

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    Une des trois chambres du gîte des Sœurs Racines

  • La chambre « dortoir » du gîte des Sœurs Racines est égayée par des vitraux.

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    La chambre « dortoir » du gîte des Sœurs Racines est égayée par des vitraux.

  • L’amour de Sophie Bélair Hamel et de Frédéric Ouellet-Lacroix pour le bon vin est manifeste dans la déco du gîte.

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    L’amour de Sophie Bélair Hamel et de Frédéric Ouellet-Lacroix pour le bon vin est manifeste dans la déco du gîte.

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Outre leurs emplois respectifs, Sophie et Fred tirent un revenu de l’exploitation du gîte adjacent à leur propre maison, qui les a tenus fort occupés jusqu’à maintenant. Déjà, les réservations vont bon train pour le printemps et l’été 2021.

Au départ, la très grande demeure se trouvant sur la terre devait être convertie en maison de ferme bigénération. Lorsque ce projet est tombé à l’eau, le couple a décidé de transformer la portion qu’il n’habiterait pas en maison de location, avec trois chambres à coucher, foyer, cuisine moderne et charme à revendre.

« On ne veut pas être un “vignoble’’. On a peur de la monoculture. On a peur d’entrer dans une case. La vigne, c’est beau et on l’aime, mais on aime aussi plein d’autres racines. C’est un projet qui, on l’espère, perdurera dans le temps. C’est une place où on s’enracine, où on s’est tout de suite sentis bien. » À voir la cote d’amour des Sœurs Racines dans les réseaux sociaux, dans les milieux de l’agriculture artisanale et de la restauration, ils ne sont pas les seuls à bien s’y sentir.

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