Alors que les vendanges commencent, de nombreux vignobles du Québec proposent à la population de venir leur prêter main-forte pour cueillir les raisins entre la mi-septembre et l’Action de grâce, une période intense qui représente l’aboutissement du travail de toute une année.

Si certains vignerons présentent leur invitation comme une activité bucolique où ils offrent le souper au terme d’une journée de dur labeur, tous ne manquent pas de rappeler que le travail doit tout de même se faire.

« On a vraiment besoin d’aide », affirme Benoit Pilon, le propriétaire du petit vignoble Le Bourg des Cèdres, en Montérégie. Il cherche une vingtaine de personnes par jour au cours des quatre prochaines fins de semaine.

C’est un « échange de bons services » où les bénévoles vivent l’espace d’une journée l’« expérience » de faire les vendanges. « Il y en a qui disent : « j’ai payé pour aller en France les faire, je peux les faire chez nous gratuitement » », illustre-t-il en entrevue avec La Presse Canadienne. En soirée, il offre le repas, le vin, le fromage. « C’est une façon de les remercier », explique-t-il.

Et cette formule, qu’il répétera pour une cinquième année, lui convient d’autant plus que « les bénévoles travaillent mieux que les gens engagés », bien qu’ils soient parfois plus lents à exécuter leur tâche. Par exemple, ils font attention de ne pas mettre des feuilles ou des grappes pourries dans les chaudières, ce qui évite de faire un tri par la suite.

Dans les années passées, il installait les vignerons bénévoles assez près les uns des autres dans les rangs et face-à-face afin qu’ils puissent discuter et rigoler entre eux en travaillant. Distanciation oblige, seuls les membres d’une même famille seront rassemblés cette année.

Au vignoble Le Domaine du Fleuve, à Varennes, le directeur général Louis Thomas souhaite aussi « faire affaire avec la population s’ils veulent bien venir nous aider ».

À quelques jours du début des vendanges, il ignore toujours s’il aura suffisamment de travailleurs provenant d’agences de placement pour répondre à ses besoins. Plusieurs bénévoles se sont cependant déjà manifestés, si bien qu’il ne croit pas qu’il aura des problèmes de main-d’œuvre cette saison. Cette année, il en cherche une douzaine par jour.

« On leur parle du vin, on leur explique ce qu’on fait, mais il y a quand même une portion travail », insiste-t-il. D’ailleurs, ça commence de bonne heure. Les gens doivent être arrivés vers 7 h 30 ou 8 h. « Le matin, tout le monde est en forme, mentionne-t-il. On n’a pas encore de courbatures. Faire les vendanges, on est quand même assis bas. »

Une « grande proportion des vignobles » recrutent des bénévoles pour les vendanges, confirme Sébastien Daoust du Conseil des vins du Québec.

Selon M. Daoust, ils le font pour répondre à la demande et non parce qu’ils en ont fondamentalement besoin. « Je ne pense pas que quelque vigneron que ce soit part avec l’idée que son modèle d’affaires sera basé sur le bénévolat », a-t-il déclaré.

« De façon générale dans l’industrie, c’est comme une autre année présentement où on a un paquet de personnes qui se portent volontaires. […] On se parle beaucoup entre vignerons et s’il y avait des vignerons qui sont dans le trouble on en aurait entendu parler. »

De nombreux vignobles comptent principalement sur des travailleurs temporaires qui travailleront plusieurs semaines durant la période des vendanges, mais là encore il y a des enjeux de main-d’œuvre.

Prenez le Domaine de Lavoie, à Rougemont, l’un des plus gros vignobles de la province. Habituellement, le copropriétaire Francis-Hugues Lavoie a recours aux services de l’Union des producteurs agricoles (UPA) pour embaucher des travailleurs du Québec pour les vendanges, mais cette année « c’est plus compliqué ».

« Comme il y a beaucoup de fermes de fruits et de légumes qui n’ont pas réussi à avoir leurs travailleurs étrangers qui viennent du Guatemala et du Mexique durant l’été pour faire la récolte, eux, ils ont déjà pigé dans la banque de noms de l’UPA, constate M. Lavoie. Alors, là, la banque est à sec. »

Il prévoit commencer les vendanges la semaine prochaine. « C’est sûr qu’on a besoin de monde », tranche-t-il sans l’ombre d’une hésitation.

Ceux qui veulent travailler sur son champ seront avertis : l’ouvrage est physiquement éprouvant. « C’est un travail qui est du matin au soir, prévient-il. On est accroupi. On est à genoux ou assis sur une chaudière et on coupe du raisin toute la journée. On est à quatre pattes. Ce n’est pas aussi chic que ça peut paraître. »

Durant la longue fin de semaine de l’Action de grâce, il accueillera des bénévoles comme c’est son habitude. Leur aide n’est « pas marginale », note-t-il, expliquant que « ça paraît quand tu es 130 ». L’activité, fort courue, est déjà complète.

Du côté du Vignoble de l’Orpailleur, situé à Dunham dans les Cantons-de-l’Est, le propriétaire Charles-Henri De Coussergues touche du bois. Il a terminé de former son équipe en juillet — uniquement des Québécois, comme depuis 35 ans. Ça se passe si bien qu’il a même refusé des travailleurs cette année.

Il attribue son succès à recruter au fait qu’il paie au rendement, qu’il loge ses travailleurs et que l’ambiance est agréable, même si le travail est assez dur.

Pendant des années, le vigneron a organisé des fins de semaine de vendanges avec des bénévoles. À présent, il dit ne plus pouvoir « se permettre (d’avoir) des gens qui viennent ou qui ne viennent pas, ou qui au bout de deux heures ont mal au dos ».

M. De Coussergues est déjà « dans le jus », ayant commencé les vendanges le 7 septembre. La qualité est au rendez-vous grâce au temps chaud et sec des derniers mois. Et jusqu’à présent, il a fait beau, ce qui représente des journées idéales pour la cueillette.

Chose certaine, les vendanges attirent, à en croire le nombre de vignobles qui proposent d’y participer, généralement gratuitement, au grand plaisir de nombreux Québécois.