(Ronda) L’Allemand Friedrich Schatz est passé pour un fou lorsqu’il s’est installé à Ronda en 1982 pour y ressusciter la viticulture. Et peu importe le désastre économique, il vendange cette année avec autant de passion, car la terre « n’attend pas ».

À quelques kilomètres de la côte méditerranéenne, dans le sud de l’Espagne, cette région et sa vingtaine de propriétés viticoles est l’une des plus prometteuses en Espagne, troisième producteur mondial en valeur après la France et l’Italie.

On y faisait du vin depuis l’époque romaine jusqu’à ce que tout s’arrête en 1878 en raison du phylloxéra qui a ravagé la vigne ici comme ailleurs en Europe.

Un siècle plus tard, Federico, comme il préfère se faire appeler, a quitté sa famille de vignerons près de Stuttgart à 18 ans et est tombé amoureux d’une coquette propriété de trois hectares en pente douce et au « sol très vivant et très aéré ».

Les cépages locaux étant tombés en désuétude, il y plante principalement des cépages français comme le pinot noir, le merlot, le chardonnay ou le petit verdot, qui rentre dans l’assemblage des grands Médoc.

Et vendange tout à la main dans son exploitation, où il travaille avec sa mère, sa femme, sa fille et trois employés.

Chute des ventes

PHOTO JORGE GUERRERO, AGENCE FRANCE-PRESSE

Les cépages locaux étant tombés en désuétude, Friedrich Schatz y plante principalement des cépages français comme le pinot noir, le merlot, le chardonnay ou le petit verdot. Il vendange tout à la main dans son exploitation où il travaille avec sa mère, sa femme, sa fille et trois employés.

Mais cette année, le viticulteur dont le succès a contribué avec d’autres à la création en 2001 de l’appellation Sierras de Malaga, s’attend à une chute des ventes de 80 % à cause de la pandémie qui a entraîné durant plusieurs mois la fermeture des bars et restaurants.

Une « guerre sans balles » qui ne lui ôte ni le sourire ni la motivation pour continuer à produire ses vins biologiques.

« Même si demain tu me dis qu’on va tous mourir du virus, c’est pareil, parce que la terre ne permet pas de s’arrêter. On ne peut pas abandonner le vignoble comme une usine et le fermer », assure-t-il à l’AFP, assis dans sa propriété devant des barriques de chêne français, américain et slovène.

Hormis le masque obligatoire, « le travail de la terre est le même, la vigne ne comprend pas ce qu’est le coronavirus », ajoute Francisco Sánchez Campanario, employé durant ces semaines de vendanges, en coupant les grappes de Merlot sous un fort soleil matinal.

Le choc économique, lui, touche aussi le tourisme viticole, qui s’est beaucoup développé ces dernières années jusqu’à devenir un soutien financier considérable pour de nombreux viticulteurs.

Guide touristique pour l’entreprise Mil Amores, Gema Pérez Barea travaille notamment avec l’exploitation de M. Schatz et a connu quatre mois avec « zéro » revenu durant le confinement alors que 98 % de ses clients sont habituellement étrangers.

Se réinventer

PHOTO JORGE GUERRERO, AGENCE FRANCE-PRESSE

Gardant en tête qu’il vient d’une famille dévouée à la viticulture depuis 1641, Friedrich Schatz manie l’ironie pour s’extraire du sombre panorama actuel : « faire du bon vin est très facile, ce sont les 200 premières années qui sont difficiles ».

Globalement, les exportations espagnoles de vin ont chuté de 7,1 % en valeur et 11,6 % en volume au premier semestre d’après l’Observatoire espagnol du marché du vin (OEMV).

« Nous espérons (que le secteur) puisse se reprendre un peu au second semestre », grâce à la forte diversification des marchés à l’exportation, analyse Rafael del Rey, directeur général de l’OEMV.

Mais « il y a beaucoup d’incertitudes », juge Yolanda Hidalgo, œnologue et animatrice de la chaîne YouTube Vino, vida, vicio.

Selon elle, le secteur est « dans une période de réinvention » : le déclin de l’hôtellerie et de la restauration et le fait qu’« on consomme davantage chez soi et on achète plus en ligne » encourageront une « sélection naturelle » entre les viticulteurs.

Ce qui favorisera « les marques installées à la clientèle fidèle » et désavantagera « les projets jeunes et peu consolidés ».

Dans sa propriété, Federico Schatz continue de couper le raisin et d’aider à la cave avec l’égrappoir, une machine qui sépare les rafles des raisins rouges avant leur mise en cuve pour la fermentation.

Gardant en tête qu’il vient d’une famille dévouée à la viticulture depuis 1641, il manie l’ironie pour s’extraire du sombre panorama actuel : « faire du bon vin est très facile, ce sont les 200 premières années qui sont difficiles ».