(Bordeaux) Des chais toujours bien remplis alors que les vendanges se profilent, des ventes en forte baisse, surtout en grande distribution, le marché chinois en berne… Les vins de Bordeaux ont annoncé une série de mesures pour tenter de renverser cette «crise brutale».

«Bordeaux souffre en ce moment. Nos ventes ont fortement reculé, sous l’effet conjoncturel de la récolte 2017 (-40% en raison du gel), mais aussi en raison d’effets structurels propres à notre filière et aux évolutions des modes de consommation , a admis le nouveau président du Conseil interprofessionnel des vins de Bordeaux (CIVB), Bernard Farges.

«Nous avons connu de nombreuses crises à Bordeaux. Celle-ci est brutale et nous impose des changements radicaux et rapides», a estimé ce viticulteur, élu lors de cette assemblée après avoir déjà accompli un premier mandat à la présidence il y a trois ans.

M. Farges a notamment cité «des problèmes d’image aux origines multiples» : l’environnement et les pesticides, l’image de vins chers «alors que seuls quelques vins de Bordeaux sont chers», «certains vins d’entrée de gamme (qui) ne sont pas dans le style des vins attendus par le consommateur»...

Le président sortant Allan Sichel a confirmé les chiffres annoncés en avril : les exportations ont crû en valeur de 4%, mais elles ont en fait été sauvées par les vins haut de gamme alors que la baisse des volumes d’exportations atteignait 13%, entrainée notamment par l’effondrement du marché chinois, où les vins français sont concurrencés par des crus australiens ou chiliens non taxés, alors même que l’économie du pays ralentit.

À cela se sont ajoutées une faible récolte 2017 qui n’a pas permis d’alimenter les marchés, des difficultés dans la grande distribution représentant plus de 50% des ventes de vin de Bordeaux en France et une certaine désaffection pour les vins rouges.

«Les tendances de consommation évoluent : les Français plébiscitent le rosé, le vin blanc, le crémant. Une tendance qui dépasse les frontières, partagée par des destinations prioritaires de la filière des vins de Bordeaux, comme aux États-Unis», a également développé ce négociant.

Saint-Vincent

Un vigneron présent, Dominique Techer de la Confédération paysanne, a tiré la sonnette d’alarme pour la prochaine récolte, qualifiant la situation de «catastrophique» : les chais sont «pleins» deux mois avant la récolte dans les quelque 6000 propriétés viticoles en Gironde.  

Des solutions ont été présentées aux viticulteurs et négociants présents à cette AG : développement rapide des ventes en grande distribution avec des bons de promotions distribués jusqu’à la fin de l’année et une tournée des vins de Bordeaux pour la Saint-Vincent, patron des vignerons, le 24 et 25 janvier.  

«L’idée, c’est de créer comme la Saint-Patrick un grand rendez-vous autour des vins de Bordeaux», a indiqué Stéphanie Sinoquet, responsable marketing pour la France et la Belgique, appelant les viticulteurs à aller au niveau national à la rencontre des consommateurs dans les restaurants, chez les cavistes ou encore les supermarchés.

Sur le long terme, l’interprofession entend également évoluer en terme de communication pour atteindre la jeune génération et sortir Bordeaux de ses clichés.

«Ces évolutions structurelles dans la distribution et la consommation des vins de Bordeaux représentent un nouveau défi pour la filière. Il vient s’ajouter à celui de l’adaptation de nos vignes et de notre production au changement climatique, et à celui de répondre aux exigences des citoyens, qui sont aussi nos riverains», a souligné M. Sichel, une allusion à l’usage des produits phytosanitaires.

La nouvelle préfète de Nouvelle-Aquitaine, Fabienne Buccio, a souligné les efforts du CIVB, mais a estimé qu’il fallait «aller plus loin», en particulier en matière d’environnement.