Il n’est ni ambulancier ni chirurgien cardiaque, mais il sauve des vies. C’est l’homme que les amis inquiets, les épouses désespérées, les attachés politiques aux abois appellent à 4 h du matin quand rien ne va plus et que l’être aimé est prêt à recevoir de l’aide. Bob Marier est un coach de sobriété.

Des célébrités comme Robert Downey Jr., Owen Wilson, Lindsay Lohan, Demi Lovato et Justin Bieber ont toutes eu recours à des coachs de sobriété pour les aider à cesser de consommer alcool ou drogues. Plusieurs personnalités de chez nous ont elles aussi senti le besoin d’un accompagnement plus étroit pour augmenter leurs chances de rémission.

Au Québec, voire au Canada, Bob Marier est le plus réputé des coachs et intervenants privés. Il ne manque — malheureusement — pas de clients. Il a aussi une entreprise aux États-Unis, Hired Sobriety, qui emploie une dizaine de personnes.

Son « cas » le plus médiatisé : Rob Ford, maire de Toronto de 2010 à 2014, mort d’un cancer en 2016. On se souviendra de la fameuse vidéo où le politicien déparle en fumant du crack. À sa sortie de la clinique de désintoxication, Rob Ford a été pris en charge par Bob Marier, qui a passé plusieurs mois à ses côtés, à temps plein.

Si de nombreux chefs et restaurateurs, des athlètes, des vedettes pop, des banquiers, des médecins et gens d’affaires ne jurent que par lui, Bob Marier affirme qu’il ne fait pas l’unanimité.

« Certaines associations disent que je gagne de l’argent en faisant quelque chose qui m’a été donné gratuitement. C’est de la foutaise ! Mon parrain à moi n’avait pas emménagé dans ma maison pour s’occuper de mes besoins 24 heures sur 24, comme je le fais pour certaines personnes. »

Le coach vedette a trimballé des clients d’un bout à l’autre du pays pour qu’ils fassent la cure qui convenait à leur situation. Certains d’entre eux, en sevrage d’opioïdes, étaient incapables de contrôler leurs sphincters en plein aéroport. Il a aussi accepté des mandats qui impliquaient de retrouver des enfants de milliardaires pour les convaincre d’aller en désintox. Calmement, il est intervenu d’innombrables fois dans de monumentales querelles de famille.

Bob Marier n’est pas médecin ni psychothérapeute. Mais il a suivi plusieurs formations. « Pendant ma propre réhabilitation, j’aidais déjà beaucoup de gens. C’est mon ex-femme qui a insisté pour que je le fasse plus sérieusement. Mais il faut faire attention, parce que dans ce domaine, on ne peut pas enseigner ce qu’on n’a pas soi-même vécu. J’étais sobre depuis six ans quand j’ai commencé ma formation. »

Aujourd’hui, Bob donne lui-même des formations pour l’entreprise Hightower Associates, qui vient en aide aux gens avec des problèmes de dépendances. Plusieurs de ses clients nous ont confirmé qu’il est le plus dévoué et tenace des « aidants ».

Le coach s’assure que le client fera une cure en bonne et due forme, dans un établissement public ou privé, encourage les rencontres de groupe AA ou NA (Narcotiques Anonymes) et insiste sur la thérapie continue. Il assure qu’il n’hésitera jamais à venir au secours des moins fortunés, comme il le fait pour ses amis et connaissances du milieu de la restauration.

Trouver le traumatisme

Il y a une phrase que Bob Marier répète souvent, pendant notre entretien qui dure pas moins de deux heures. « La drogue d’introduction, c’est le traumatisme. » Il y croit dur comme fer. « Ce n’est pas la marijuana, la porte d’entrée. Ça arrive bien avant. »

Vous aurez compris que Bob Marier a lui aussi fait la grande traversée du désert.

« La première fois que j’ai touché à l’alcool, à 13 ans, j’ai viré une brosse pas possible. Je me souviens que j’avais reçu de nouveaux souliers Stan Smith blancs ce jour-là et que le lendemain, il m’en manquait un. J’ai vomi à peu près 20 fois. »

« Plus tard, mon problème de dépendance est devenu tellement grand qu’on pouvait le voir de l’espace. Les gens avaient peur de se tenir avec moi parce qu’ils pensaient que j’allais crever. »

Le 2 janvier 2004, à 39 ans, Bob Marier a en effet failli crever. Il s’est retrouvé à l’hôpital, puis au Palm Desert Recovery Center, en Californie. Il a fait d’innombrables thérapies, suivi le programme en 12 étapes, assisté à des rencontres anonymes. Il n’a jamais rechuté.

« Je le répète, la drogue d’introduction, c’est le traumatisme. » Bob Marier vient d’un milieu familial qu’il qualifie de « super solide ». Il a des frères et sœurs plus vieux. « Mes parents étaient impeccables. »

Les choses ont commencé à mal aller lorsque la famille a déménagé de l’Ouest-de-l’Île à Québec. « J’avais des difficultés d’apprentissage importantes dues à un déficit d’attention, raconte le quinquagénaire. Mais à l’époque, ce n’était pas traité. »

« En 3e année, donc, je suis un petit anglo dans une école francophone de Québec. Quotidiennement, je subis [les sévices] des religieux et religieuses, poursuit Bob Marier. Un jour, une des sœurs gentilles arrive en classe et me trouve à quatre pattes par terre, tandis qu’une autre religieuse m’écrase les doigts sous ses souliers en m’appelant “l’esti d’Anglais”! On a fini par me changer d’école. Mais le mal était fait. J’avais été traumatisé. »

Environ 45 ans plus tard, Bob Marier est un hyperactif de la guérison. Il voyage. Il passe du temps avec sa sœur qui a fini par lui pardonner après 10 ans de sobriété. Il se gâte en prenant soin de lui. Mais surtout, il gâte les autres avec sa ténacité à vouloir les aider.