(Bischoffsheim) Stimulée par la croissance effrénée des microbrasseries et leur recherche de matières premières locales, la filière française du houblon renaît, conquiert de nouvelles régions, hors des historiques Alsace et Nord, et s’organise pour produire des variétés satisfaisant tous les goûts.

Dans le Bas-Rhin, où se tenaient jeudi et vendredi les premières Assises du houblon français, les grandes silhouettes verticales des cultures houblonnières font partie du paysage.

Pourtant, l’Alsace, qui produit près de 95 % du houblon français, compte aujourd’hui moins de 500 hectares de houblonnières, contre 4600 pendant l’âge d’or, au début du XXe siècle.

En ajoutant une trentaine d’hectares en Flandre, on obtient la quasi-totalité de la surface de houblon cultivée en France, mais la donne change rapidement et les lianes du houblon, l’épice de la bière, se déploient désormais du Lot-et-Garonne à la Normandie, en passant par l’Auvergne.

Nouvelle soif de bière des Français, développement exponentiel des microbrasseries : la filière prévoit de se structurer en interprofession dans les prochains mois pour faire face à une demande en houblon local stimulante, mais pas forcément facile à satisfaire.

« En France, la consommation de bière a baissé de 1 % par an pendant 30 ans, mais augmente depuis 2015 », se réjouit le biérologue Hervé Marziou.

« On est passé de quelques dizaines de brasseries au début des années 2000 à 1700 brasseries aujourd’hui », complète Philippe Martin, responsable commercial de Hop France, une marque créée pour valoriser les variétés alsaciennes de houblon.

Les cônes de houblon, utilisés la plupart de temps en cocktail de plusieurs variétés, apportent à la fois amertume et arômes à la bière.

Partant du « double constat qu’il y a de plus en plus de brasseurs et que les agriculteurs cherchent des produits à forte valeur ajoutée », deux jeunes agronomes, Fanny Madrid et Lucie Le Bouteiller, ont lancé en Nouvelle-Aquitaine Hopen Terre de Houblon, qui accompagne actuellement sept projets de houblonnières.

Vent et champignons

« Ce qui m’intéresse, c’est de faire de la vente en circuit court. Il y a plus de 80 brasseries en Normandie », explique pour sa part Benoît Lamy, agriculteur du Calvados qui a fait le déplacement à Bischoffsheim et prévu de planter au moins un hectare de houblon cet hiver.

À la fois exigeant en investissements de départ — au moins 15 000 euros (22 000 $) par hectare rien que pour les échafaudages — et gourmand en main-d’œuvre, le houblon craint humidité et champignons et n’atteint son plein rendement qu’au bout de trois ans.

L’histoire du houblon français est chaotique, marquée par des périodes de surproduction et d’effondrement des prix et un très gros contrat brutalement dénoncé en 2008 par le géant de la brasserie Anheuser-Busch.

Cette histoire a laissé de mauvais souvenirs en Alsace et explique que la croissance y passe aujourd’hui davantage par l’agrandissement des houblonnières existantes que par la création de nouvelles, selon Antoine Wuchner, de l’Association générale des producteurs de houblon de France.

À l’avenir, les acteurs de la filière souhaitent développer la contractualisation pour donner de la visibilité aux houblonniers et investir dans la recherche variétale.

« Ce qu’on recherche prioritairement, c’est l’aromatisation, avec des notes de fruits blancs, de pêche, de mandarine… », explique Maxime Costilhes, délégué général de Brasseurs de France.

Aujourd’hui, le marché français est marqué par un paradoxe. Soixante-dix pour cent de la production hexagonale — qui ne représente que 1 % de la production mondiale — sont exportés alors que les brasseurs français importent 85 % de leur houblon des États-Unis ou d’Allemagne.

Certaines variétés protégées par des brevets ne sont disponibles qu’à l’étranger, explique Francis Heitz, responsable export chez Hop France. « Il faut mettre en adéquation la demande des microbrasseurs avec la production » des nouveaux producteurs français, souligne-t-il.

L’interprofession devra également répondre à une demande en houblon bio qui explose. Les surfaces cultivées en bio doivent passer de 20 à 60 hectares d’ici 2021.