Surtout, il ne faut pas se laisser intimider par le vin. Ni par ceux qui le vendent. La sommelière Véronique Rivest persiste et signe : à chacun sa façon de l’apprécier.

Si vous ne sentez pas les framboises dans votre vin, si vous voulez y mettre des glaçons ou si vous avez envie d’un gros cabernet sauvignon avec votre poisson… c’est ben correct.

Je me désole toujours de constater que beaucoup de consommateurs sont encore terriblement intimidés par le vin. Oui, c’est un monde vaste et complexe, et incroyablement fascinant, mais il est aussi à la portée de tous et facile à apprécier sans formation, vocabulaire ou mode d’emploi particuliers.

Si je vous donne un plat à déguster, vous me direz tous si vous le trouvez bon ou non. Et la plupart d’entre vous n’hésiteront pas à expliquer pourquoi. Mais si je donne un verre de vin et demande la même chose, plus personne n’ose s’exprimer.

L’arrogance et l’élitisme qui ont trop longtemps affublé le monde du vin n’ont pas aidé sa cause. Trop de consommateurs aujourd’hui se sentent jugés lorsqu’il est question de vin.

Ils n’osent pas dire ce qu’ils en pensent, ils ont peur de prononcer une bêtise, de faire un faux pas en le commandant au restaurant ou en ne le servant pas comme il se doit. On peut se le dire une fois pour toutes : nous apprécions tous le vin différemment ! Il n’y a pas une seule façon, ou une façon juste, de le décrire ou de l’apprécier. Il n’y a pas un accord mets-vin qui soit universel, pas une température idéale pour tous. Si on veut que de plus en plus de gens s’intéressent au vin, et en consomment, on aurait tous intérêt à être un peu plus inclusifs et à chercher à le débarrasser de toute forme d’arrogance et d’intimidation.

Vous pouvez dire ce que vous pensez d’un vin, même si votre opinion diffère de celle des autres, peu importe le niveau de connaissances de chacun. Vous avez le droit de ne pas aimer un vin encensé par la critique, et vice versa. Au restaurant ou au magasin, n’ayez pas peur d’une carte des vins qui ne vous dit rien du tout ou d’une sélection étourdissante. Demandez conseil. Pas besoin d’un vocabulaire technique : mentionnez simplement deux vins que vous avez appréciés récemment. C’est tout ce que ça prend à un vrai pro pour vous suggérer des vins dans votre palette de style et de prix. Si on vous parle dans un jargon que vous ne comprenez pas, dites-le. C’est à ceux qui vous vendent le vin de s’adapter, pas l’inverse.

Bien sûr, j’aimerais que tout le monde se passionne pour l’histoire derrière chaque vin. Et, en général, quand on raconte ces histoires, tout le monde est prêt à écouter et y trouve son compte. Du moment que la personne qui raconte connaît son auditoire et sait s’y adapter, ce qui, je vous l’accorde, n’est pas toujours le cas (mais bon, c’est comme ça aussi dans tous les métiers). Et rien ne vous empêche de changer d’interlocuteur.

Quand on commande un verre de vin pour aller avec son repas ou décide d’acheter un nouveau vin pour essayer quelque chose de différent, ça me fait plaisir. Et dès lors, je me fous un peu de ce que vous buvez. Bien sûr, si je suis dans les parages, je vous parlerai un peu de ce vin. J’essaierai de vous sensibiliser à l’histoire de ceux qui l’ont fait, aux particularités de leur coin de pays. J’essaierai de faire en sorte que vous vous intéressiez autant à ce qu’il y a dans votre verre que dans votre assiette. Je vous encouragerai à sortir de votre zone de confort pour partir à la découverte de ce merveilleux monde, à essayer des vins différents, à élargir vos horizons.

Mais ce ne sera pas moi qui froncerai les sourcils si vous mettez des glaçons dans votre vin. Si on me servait un vin trop chaud à mon goût, je le ferais aussi !

Tout comme je n’hésite pas à mettre une bouteille au congélateur si je n’ai pas de glace sous la main (l’hiver, le banc de neige fonctionne à merveille). Vous tenez votre verre par la coupe et pas par le pied ? Ça dérange qui, au juste ?

La prochaine fois qu’on vous dira que ça sent la framboise, ne vous en faites pas si vous ne la sentez pas et n’hésitez surtout pas à dire que vous sentez plutôt des fleurs, ou rien du tout. Si on vous dit que ça prend absolument un vin blanc avec tel plat, mais que vous n’aimez pas le blanc, demandez un rouge ! Le vin, c’est pour se faire plaisir, pas pour se casser la tête. Si vous me dites « c’est bon et j’aime ça », avec ou sans glaçons, je serai déjà ravie.